Pommes de terre
Fécule : les prix contiendront-ils l’hémorragie des surfaces ?
Lors de l’assemblée générale de la Coopérative féculière de Vecquemont, ce 14 décembre, le groupe Roquette a annoncé ses prix pour 2023, qui équivalent à 120 €/t tout compris. Malgré cette hausse, les planteurs grognent. Ils estiment cette culture peu rentable.
Lors de l’assemblée générale de la Coopérative féculière de Vecquemont, ce 14 décembre, le groupe Roquette a annoncé ses prix pour 2023, qui équivalent à 120 €/t tout compris. Malgré cette hausse, les planteurs grognent. Ils estiment cette culture peu rentable.
Avec l’annonce d’un prix toutes primes confondues de 120 €/t en 2023, les dirigeants de l’usine Roquette de Vecquemont espèrent contenter les planteurs de la Coopérative féculière de Vecquemont, réunis en nombre lors de l’assemblée générale du 14 décembre, à Salouël. L’ambiance est pourtant orageuse. Il faut dire que les planteurs cumulent les déceptions depuis quelques années, entre mauvais rendements et petits prix.
«En 2021, le rendement moyen frôlait les 50 t/ha, avec une rémunération totale de 70,60 €/t. Le chiffre d’affaires à l’hectare, de 3 486 €, s’est maintenu malgré une baisse de prix grâce à des rendements corrects. On remarque cependant de gros écarts de prix, suivant les bonus», résume Camille Deraeve, vice-président de la coopérative. 13 000 ha étaient emblavés en 2022, soit 1 000 ha de moins qu’en 2021. La fécule souffre de cultures plus alléchantes en termes de revenus. Et ce n’est pas 2022, année particulièrement chaude et sèche, qui inversera la tendance. «On atteint à peine 40 t/ha. C’est le plus mauvais rendement français depuis 2001. Entre 2015 et 2020, on a perdu 20 % de rendement», regrette Olivier Brasset, le président.
Ce faible volume, multiplié par un prix de 83 €/t (+ 2 € de prime journalière), ne joue pas en la faveur des pommes de terre fécule. «On craint une sérieuse baisse des surfaces encore cette année. Pourtant, son maintien est un enjeu pour la pérennité de la filière. Sans volume suffisant, l’usine ne sera plus rentable.» Cette année, la campagne industrielle ne devrait pas dépasser neuf semaines, avec un arrêt de l’usine prévu entre le 30 décembre et le 2 janvier.
Pour motiver les troupes, l’usine Roquette fait donc «des efforts». «En juin, on vous a annoncé un prix de base en hausse, à 85 €/ha, auquel s’ajoute une prime à l’hectare de 200 €/t et une prime de durabilité de 50 €/ha pour les exploitations certifiées HVE2. Mais on se rend compte, dans le contexte actuel, que ce prix n’est plus cohérent. On vous présente donc aujourd’hui un nouveau prix», présente Gwénolé Pasco, responsable des approvisionnements de l’usine. Le prix est construit comme tel : 102 €/t de prix de base, 200 €/ha de prime (soit environ 5 €/t), une prime de durabilité de 50 €/ha pour les exploitations certifiées HVE2, une prime de fidélité (basée sur le respect de l’engagement en termes de surfaces sur trois ans) de 200 €/ha, soit 111 €/t. «Avec les bonus 7,65 % de tare et la participation au transport, pour un rendement de 50 t/ha, cela reviendrait au total à 120 €/t», calcule Olivier Brasset.
Maintenir l’outil en place
«On espère que ces prix vont vous permettre de vivre correctement de cette production, et de pérenniser la filière. Car notre souhait est de maintenir l’outil industriel en place et même de le développer. Mais cela ne pourra pas se faire sans vous», confie Patrick Poret, directeur de l’usine. Un discours que les planteurs ont du mal à avaler. «Malgré les efforts, l’hémorragie va se poursuivre», lance un coopérateur. «On est sollicité de partout pour produire de la pomme de terre d’industrie à 175 €/t. J’ai fait le calcul. 2 500 € de marge brute à l’hectare de plus qu’en fécule. Vous n’aurez plus personne !», un autre.
«Quid de l’indemnisation du stockage ? Les 4 €/t que vous nous donnez ne permettent même pas de couvrir les charges», pointe un stockeur. Le groupe préfère de son côté «valoriser les prix» et non le stockage, aujourd’hui, peu utile en raison d’une campagne courte. «C’est la politique tenue le temps de passer la crise, puis repartir plus sereinement», justifie Gwénolé Pasco. «Mais quand vous aurez à nouveau besoin de nous, stockeurs, nous serons partis ailleurs», regrettent les planteurs. Enfin, ceux-ci soulèvent un manque de communication certain, d’encadrement technique et d’organisation dans les plannings d’enlèvement.
Geoffroy d’Évry, président de l’UNPT (Union nationale des producteurs de pommes de terre), présent à l’AG, espérait tout haut «que ce prix annoncé aujourd’hui soit une base de travail et non une finalité» et souhaitait des négociations avec les producteurs. Ce à quoi les dirigeants de l’usine ont répondu par le silence.