Les rendements du blé stagnent : l’évolution du climat en cause
350 techniciens du Nord de la France étaient réunis à Amiens par Arvalis pour tirer les enseignements de la campagne céréalière.
La journée technique annuelle organisée par l’équipe d’Arvalis-Institut du Végétal basée à Estrées-Mons et présidée cette année par Didier Lombart, administrateur de l’institut et membre de la commission régionale, a fait salle comble à l’auditorium du Crédit Agricole à Amiens le 14 novembre en accueillant près de 350 participants. Un intérêt qui ne se dément pas au fil des ans alors qu’il s’agit pour bon nombre de sujets présentés d’une actualisation des informations. Toutefois, le progrès génétique en blé, la biodiversité agricole et la modélisation du risque cécidomyies ont fait partie des sujets nouveaux abordés par les intervenants.
Température et sècheresse
Ainsi, Jean-Paul Prévot, responsable de la station, confirme le constat que les rendements en blé plafonnent depuis le milieu des années 90.
Après avoir été régulière depuis les années 50 jusqu’au début des années 80, la progression des rendements a commencé à faiblir jusqu’à tomber à zéro au cours de la période 1994-2008. Ce phénomène n’a pas été observé chez d’autres espèces comme la betterave, le maïs ou le colza. La situation est similaire dans les pays voisins, et certains, comme l’Espagne, l’Italie ou la Suisse, connaissent même une tendance à la baisse des rendements en blé.
L’une des principales causes de la stagnation du rendement serait l’évolution du climat. 6 à 9 quintaux sur les 10 à 14 quintaux qui manquent aujourd’hui (Cf tableau) sont imputables aux effets température et sécheresse. Le solde du déficit se répartit entre quatre interactions diverses : l’effet précédent (une simplification des rotations au niveau national, davantage de blé sur blé), la baisse de la fertilisation azotée de l’ordre d’une vingtaine d’unités, le recours aux techniques d’implantation sans labour, l’optimisation de la protection fongicide.
Progrès sur les autres caractères
Or, le progrès génétique se poursuit. Même s’il n’est pas perçu par les agriculteurs au travers du rendement, tous les autres caractères continuent d’être améliorés. Les variétés sont de plus en plus précoces à l’épiaison ce qui génère des cycles plus courts limitant les risques d’échaudage et de déficit hydrique. Les tailles des plantes sont de plus en plus petites, ce qui les rend moins sensibles à la verse. Le rapport grain/paille en est amélioré et la production de biomasse est davantage orientée vers le grain.
La tolérance aux maladies est constante que ce soit vis-à-vis de l’oïdium, du piétin verse, de la rouille jaune ou brune, de la septoriose et de la fusariose. Le potentiel de rendement des nouvelles variétés a ainsi progressé dans le même temps, comblant tout juste en moyenne l’effet des contraintes climatiques. La moyenne de toutes les variétés testées en région Nord-Picardie (quelle que soit leur valeur d’utilisation) a augmenté de 0,83 quintal par hectare et par an entre 1984 et 2011.
L’efficience de l’azote est bien meilleure pour les variétés actuelles. A même dose d’azote, les variétés récentes procurent un meilleur rendement que les anciennes. La remarque est la même vis-à-vis des maladies. Sans protection fongicide, les variétés récentes sont plus productives que celles cultivées autrefois.
Concernant la conduite de la culture en bas niveau d’intrants (- 40 % en densité de semis, - 30 % d’azote et protection fongicide déclenchée sur les variétés assez tolérantes), on ne constate pas de différence significative dans le classement des variétés. En outre, le progrès est également manifeste sur les critères de qualité puisque les BAU et les BP ont largement laissé la place aux BPS.
Des effets météos mesurables
La température moyenne annuelle est passée de 9,7 ° C entre 1970 et 1989 à 11,6 ° C entre 1992 et 2011, soit + 1,9 ° C. Autre constat, le risque se subir des conditions échaudantes intervient de plus en plus tôt puisque la date d’entrée dans cette phase est passée du 4 juin en moyenne sur la période 1970-1989 au 12 mai en moyenne sur la période 1992-2011.
Le réchauffement climatique a aussi un effet mesurable sur l’induction des stades ‘épi à 1 cm’ et ‘épiaison’. «Le stade début montaison est plus précoce et donc paradoxalement expose davantage le blé au gel : exemple en 2012», a expliqué Jean-Paul Prévot.
La génétique dispose de moyens dans le domaine de la génomique, sans avoir recours obligatoirement aux OGM, pour relever les défis tels que l’amélioration du comportement sous stress hydrique, la résistance aux maladies, l’adaptation aux contraintes agro-climatiques de façon à poursuivre l’augmentation des rendements du blé. Ce qui passe par la définition d’idéotypes mieux adaptés aux différentes situations de sols et de climat. D’où l’importance de profiter de l’innovation à travers la notion de bouquet variétal qui permet d’étaler les risques.
Cécidomyie : un risque à prendre très au sérieux
Jean-Paul Prévot a été très clair : «Il faut intervenir avant les pontes sinon c’est trop tard et il faut alors s’attendre à des pertes de rendement de 5 à 20 quintaux». Dans un contexte de recrudescence locale des attaques de cécidomyies, dont la nuisibilité potentielle est élevée, la problématique posée par la cécidomyie orange est à prendre très au sérieux. D’autant plus que les observations sont délicates à mener, et que les interventions doivent être ciblées à des moments précis, à savoir pendant les pics de vols dont la dynamique est fortement dépendante du climat et au stade sensible du blé.
En effet, la cécidomyie peut demeurer dans le sol au stade de cocon larvaire pendant plusieurs années.
Quand les conditions de température et d’humidité du sol le permettent, à la date de pupaison, le cocon larvaire passe au stade nymphose et évolue en larve puis en nymphe jusqu’à l’émergence de l’adulte, deux à quatre semaines après. C’est la date de pupaison et cette émergence de l’adulte que les chercheurs ont tentées de modéliser en 2012. L’objectif étant de déterminer la période de risque et donc le moment opportun pour une éventuelle intervention. Notons qu’à ce jour elle ne dépasse pas 50 % d’efficacité.
La lutte chimique ne peut pas reposer sur les ovicides car les produits disponibles sont totalement inactifs sur les œufs. Il faut donc empêcher les pontes sachant que les adultes restent en fond de végétation et que seules les femelles remontent pour pondre sur les épis par temps calme en soirée. Cela étant, une attaque de cécidomyies provoquera des dégâts seulement si elle a lieu pendant la période sensible du blé c’est-à-dire entre début épiaison et fin floraison. En dehors de cette période toute intervention est inutile. C’est la pose de pièges qui permet de guider l’agriculteur pour une éventuelle intervention dans les parcelles à risques.
Réunions techniques céréales Arvalis
Arvalis - Institut du végétal organise à l’intention des agriculteurs des réunions techniques gratuites sur les céréales et les protéagineux.
Elles se tiendront aux dates et lieux suivants :
- Vendredi 30 novembre à la salle de cinéma CinéQuai quai Gayant à Saint Quentin,
- Lundi 3 décembre à la salle de cinéma O’Ciné rue du Lion d’Or à Saint Omer,
- Mardi 4 décembre à la salle du Crédit Agricole 500 rue Saint Fuscien à Amiens,
- Mercredi 5 décembre à la salle du Crédit Agricole, 18 rue d’Allonne à Beauvais,
- Jeudi 6 décembre à la salle polyvalente, avenue Charles de Gaulle à Tilloy-les-Mofflaines.
Programme :
• retour sur les faits marquants de la campagne ;
• progrès génétique en blé et adaptation aux contraintes du changement climatique,
• point d’actualité désherbage ;
• fertilisation azotée : localisation de l’engrais au semis en céréales, performances de nouveaux engrais minéraux azotés solides, actualités réglementaires ;
• lutte contre les maladies des céréales : gestion des résistances, évaluation des innovations, proposition de programmes 2013 blé et orge, traitement de semences SDHI ;
• pulvérisation : interaction «volume», «dose», fractionnement et adjuvants en fongicides blé ; compléments en désherbage : le poids des conditions climatiques ;
• ravageurs : modélisation du risque cécidomyies orange.
Ces journées sont animées par les ingénieurs régionaux Arvalis de 13h45 à 17h30.