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Les sept pays-membres, la Pac et l’élevage

Une nouvelle Pac entre en vigueur en 2015 pour une période allant jusqu’en 2020. Exemples.

La nouvelle politique agricole commune apparaît «à la carte, complexe et transitoire». Telle est la principale conclusion 
de la journée organisée par la Confédération nationale de l'élevage et l'Institut de l'élevage sur la mise en œuvre de la PAC chez les ruminants.
La nouvelle politique agricole commune apparaît «à la carte, complexe et transitoire». Telle est la principale conclusion
de la journée organisée par la Confédération nationale de l'élevage et l'Institut de l'élevage sur la mise en œuvre de la PAC chez les ruminants.
© Annick Conté

Sous le titre «La Pac dans tous ses États», l’Institut de l’élevage, sous la présidence de Martial Marguet, et la Confédération nationale de l’élevage (CNE), présidée par Jean-Pierre Fleury ont organisé une demi-journée de présentation, le 20 novembre à Paris, sur les déclinaisons de la Pac et de ses impacts dans les différents pays européens.
Sept pays-membres (Allemagne, Angleterre, Espagne, Irlande, Italie, Pays-bas et Pologne) ont accepté de venir expliquer cette nouvelle Pac applicable en 2015.
En préambule, Philippe Chotteau, du département économie de l’Institut de l’élevage, a rappelé les choix français en la matière, avec un objectif à atteindre en 2019 : 31 % des aides directes vont au régime de paiement de base, 30 % concernent les paiement verts, un objectif de 20 % est fixé pour le paiement redistributif, les soutiens couplés représentent 13 % + 2 %, 1 % est alloué aux jeunes agriculteurs et 3 % sont transférés du premier pilier vers le deuxième pilier.

Allemagne
L’Allemand Simon Schluetter, responsable de la section laitière au DBV, a ouvert les présentations en rappelant l’importance du marché export laitier pour son pays.
Il a ensuite expliqué un découplage quasi intégral pour 2019 avec des aides équivalentes à 259 euros par hectare (174 au titre du paiement de base et 85 au titre du verdissement) contre 266 et 263 respectivement en 2015 et 2017. Les montants transférés du premier pilier vers le second, soit 225 à 231 millions d’euros par an. L’Allemagne devrait s’en servir dans les secteurs des prairies, des ruminants, des mesures agri-environnementales, de la bio, des zones défavorisées et du bien-être animal. Un volume de 7 % est réservé aux premiers hectares (tranche à 30 hectares puis aux 16 hectares suivants) et 1 % pour les jeunes exploitants. Au final, 62 % constituent les paiements de base et 30 % le verdissement.
Le représentant allemand a affirmé que la réforme n’a pas une grosse influence sur l’évolution de l’élevage dans son pays mais que certaines questions deviennent «cruciales» sur les sujets de l’animal face aux évolutions sociétales concluant sur le fait que «l’acceptation et le consensus sociétal en matière de pratiques de production sont nécessaires pour un développement durable de l’élevage à long terme».

Pays-Bas
Nico van Opstal, conseiller aux affaires agricoles à l’ambassade des Pays-bas en France, a entamé sa présentation en insistant sur l’importance de l’exportation des produits agroalimentaires pour son pays (83 milliards d’euros) avec des points forts dans les secteurs laitier, veau de boucherie et caprin (fromage).
Aux Pays-Bas, le premier pilier pèse 793 millions d’euros et le second 87 millions avec un choix clé qui consiste en un paiement unique à l’hectare pour tous les agriculteurs en 2019, soit une convergence à 100 % ou encore plus ou moins 380 euros à l’hectare.
Les Néerlandais n’utiliseront pas d’aides couplées, favoriseront les mesures pour les jeunes et seront soucieux de trouver un équilibre entre biodiversité et économie dans le cadre du verdissement. Vingt millions d’euros seront consacrés dans le premier pilier à la qualité des eaux et 43 millions, dans le second pilier, à l’innovation.
En élevage laitier, les Pays-Bas se soucient de la perte de prairie permanente ou encore de la faisabilité d’une politique en matière de gestion des effluents animaux. Le pays s’attend aussi à une hausse de 20 % de leur production laitière. Comme en Allemagne, les mêmes questions sociétales sont soulevées au pays des polders.

Pologne
La Pologne est le cinquième pays bénéficiaire de la Pac avec 32,1 mil­liards d’euros de crédits de l’Union européenne pour la période 2014-2020 et Joanna Stachowiak, conseil­lère agricole à l’ambassade de Pologne en France reconnaît volontiers que «avant l’adhésion, l’agriculture était un problème à résoudre alors qu’aujourd’hui, l’agriculture est une solution aux problèmes économiques polonais».
Ce pays maintiendra le paiement unique simplifié jusqu’en 2020 mais a transféré 25 % de l’enveloppe du second pilier vers le premier pilier pour augmenter les aides directes (23,49 milliards). Le soutien aux zones défavorisées est accordé seulement au titre du second pilier et les priorités polonaises porteront sur la production animale, la transformation de viande et la production de protéagineux.
La Pologne estime que 110 000 jeunes agriculteurs devraient être éligibles chaque année au paiement JA. La Pologne va disposer de 13,51 milliards d’euros au titre du second pilier. Elle consacrera ces fonds au développement des infrastructures (canalisations, gestion des eaux usées, services non agricoles) avec des «enjeux tournant autour du renforcement de la compétitivité et de la modernisation des exploitations agricoles dans le respect des objectifs agroenvironnementaux, l’augmentation des investissements dans les exploitations et dans la transformation agro alimentaire».

Italie
De l’autre côté des Alpes, 58 % des aides se feront au titre du paiement de base, 30 % au titre du verdissement, 1 % pour les jeunes agriculteurs et 11 % pour les paiements découplés.
Les Italiens ont fait le choix d’un modèle d’une convergence partielle avec une réduction graduelle des paiements de base jusqu’en 2020. L’Italie s’attend à une baisse du nombre de ses petites et moyennes exploitations laitières au profit de grandes et très grandes exploitations.
Pour le secteur viande bovine, le pays craint un phénomène d’abandon ou de conversion. Au titre du second pilier, l’agriculture italienne travaillera sur les sujets de l’innovation, de l’investissement, de la réduction des gaz à effet de serre et sur le bien-être animal.
L’Espagne, qui se dirige vers une mutation de son agriculture - abandon de l’agriculture de montagne, augmentation de l’agriculture de plaine, l’Angleterre et l’Irlande ont également fait des présentations.

Verbatim : réactions d’après conférence

Jean-Pierre Fleury, président de la CNE

Je retiens que le «clivage» entre pays du Nord et pays du Sud se renforce avec l’application de cette Pac. La convergence devient un sujet prégnant mais les pays la retarde au maximum. Je note cependant que ceux qui n’étaient pas favorables au couplage en intègrent tous un petit morceau, au titre du second pilier. On constate la montée en puissance des sujets sociétaux, du bien-être animal, de l’environnement en général et des enjeux climat. Ces sujets servent même à justifier les aides publiques de l’UE auprès de l’opinion publique européenne. Côté espagnol, on s’apprête à une mutation d’importance avec la probable disparition de l’agriculture de montagne remplacée par une agriculture de plaine.
Le volume important des aides accordées à la Pologne, va en faire un concurrent sérieux, notamment dans la filière porc. Enfin, il semble que personne n’a encore terminé le travail d’application de la nouvelle Pac et que la finalisation n’est pas simple. Nous n’aurons jamais le temps de l’expliquer dans le détail à nos exploitants. J’espère que 2015 pourra âtre une année blanche en termes de contrôles face à la complexité de cette mise en place pratique.


Thierry Pouch, économiste à l’APCA

En ouvrant la PAC à des choix nationaux, l’UE entérine la fragmentation de l’agriculture. Chacun des pays membres s’est centré sur des choix stratégiques visant à renforcer sa compétitivité selon ses propres avantages comparatifs, ou bien à contenir la concurrence en tablant sur des choix territoriaux.
Le contexte de mondialisation semble constituer une force d’attraction conduisant les pays membres à opter pour un renforcement de ses capacités concurrentielles : le cas de l’Irlande, fortement touchée par la crise de la zone euro, en est un bel exemple, puisque le «Plan agricole et alimentation 2020» consiste à faire du secteur agricole un des leviers de la sortie de crise, en tablant sur un surcroît d’exportations de viande bovine et de produits laitiers.
Il en découle que, effectivement, on sent bien, au travers des dispositifs communautaires à la carte (aides…), que des modèles de production vont fortement évoluer.
Faut-il s’attendre à une amplification de la concurrence intra-communautaire ?
Sans doute que oui.

 

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