Analyse économique
Les systèmes agricoles intensifs n’ont pas dit leur dernier mot
Bien que décriés par une certaine frange de la population, les systèmes d’exploitation qualifiés «d’intensifs» dégagent des revenus qui permettent d’envisager sereinement leur avenir. Le point avec deux experts du Cerfrance Picardie Nord de Seine, Sébastien Daguenet et Christian Boddaert.
Bien que décriés par une certaine frange de la population, les systèmes d’exploitation qualifiés «d’intensifs» dégagent des revenus qui permettent d’envisager sereinement leur avenir. Le point avec deux experts du Cerfrance Picardie Nord de Seine, Sébastien Daguenet et Christian Boddaert.
Et si l’agriculture que l’on qualifie d’intensive n’avait pas encore dit son dernier mot ? Ce constat, c’est celui qui ressort de la présentation de chiffres d’un échantillon représentatif de fermes de la Somme et de l’Oise réalisée par les experts du Cerfrance Picardie Nord de Seine à l’occasion de son assemblée générale. Malgré l’explosion des charges en 2022, l’EBE de la ferme moyenne «Somme-Oise» se chiffre à 1 207 €/ha, ce qui est supérieur à 2021 (872 €/ha), pourtant qualifiée de «belle année». Ce résultat, les conseillers d’entreprises du Cerfrance Picardie Nord de Seine, Sébastien Daguenet et Christian Boddaert, le constatent d’après les chiffres d’une exploitation moyenne avec une dominante «plantes sarclées». L’EBE moyen constaté en 2022 constitue «un record» selon M. Daguenet qui l’assure : «On a rarement vu cela…»
Des marges brutes jamais atteintes
Si l’on s’intéresse en détails aux cultures et à leurs marges brutes (MB) en 2022, les chiffres confirment le caractère «exceptionnel» de 2022 : 1 952 €/ha pour le blé avec un rendement de 9,3 t et un prix de 260 €/t ; 2 225 €/ha pour la betterave sur la base d’un rendement de 88 t/ha au prix de 40 €/t ; 5 133 €/ha en pommes de terre… Même en production laitière, les chiffres sont en progression : 257 €/1 000 l en 2022 contre 227 €/1 000 l en 2022, et une moyenne sur dix ans de 197 €/1 000 l. En ce qui concerne 2023, même s’il ne s’agit que de projections et que le niveau de charges ne devrait pas baisser, les perspectives sont prometteuses. Selon le Cerfrance Picardie Nord de Seine, la marge brute par hectare pour le blé pourrait se situer à 1 390 €, 2 086 €
par hectare pour la betterave – hors accident –, ou encore de 6 482 €/ha pour la pomme de terre.
En profiter pour préparer l’avenir
Pour Sébastien Daguenet, si les résultats de la ferme moyenne Somme-Oise sont élevés, cela est dû à une combinaison efficiente entre technicité et investissement : «Le prix de l’azote est élevé, mais si on fait l’impasse, le risque est de voir le rendement dégringoler et la marge diminuer également», explique le conseiller d’entreprise. Autre facteur, et pas des moindres, le potentiel agronomique de la région qui reste parmi les plus élevés de France. Pour Christian Boddaert, pour les années à venir, pas la peine non plus de jouer les apprentis-sorciers : «Ce qui a fonctionné jusqu’à présent fonctionne toujours…» Problème, si l’intensification est efficace, elle se heurte à une pression sociétale grandissante qui voudrait la remettre en cause. Pour l’avenir, Sébastien Daguenet ne se fait pas d’illusion, et appelle à la prudence quand d’aucuns céderaient à l’euphorie : «Les bons résultats d’aujourd’hui doivent servir la performance de demain.» Et cela suppose de prendre en compte dès à présent le «réchauffement climatique, le coût de l’énergie, les attentes de la société qui évoluent, le renouvellement des actifs…»
Plutôt que de rester sur ses acquis, le conseiller d’entreprise préconise de s’intéresser à de nouvelles pratiques et méthodes, citant par exemple la vente de crédits carbone, la couverture de l’aléa climatique ou encore le pilotage de la stratégie d’irrigation. «Tant que la conjoncture est favorable, il faut en profiter pour préparer l’avenir», prévient Sébastien Daguenet. Car bien malin est celui qui peut prédire de quoi demain sera fait.