Élevage laitier et sécheresse
Les systèmes à l'herbe sont les premiers touchés par la canicule
Si les températures ne baissent pas dans les prochains jours et que la pluie ne profite pas aux cultures fourragères, les conséquences risquent d’être lourdes pour des éleveurs laitiers qui font pour l’instant le dos rond.
Si les températures ne baissent pas dans les prochains jours et que la pluie ne profite pas aux cultures fourragères, les conséquences risquent d’être lourdes pour des éleveurs laitiers qui font pour l’instant le dos rond.
À l’heure où une partie de la France laitière constate déjà les effets de la canicule sur les animaux, ceux de la sécheresse sur les stocks fourragers et que plane une baisse conséquente de la production de lait – certains vont jusqu’à évoquer un risque de pénurie –, les éleveurs de la Somme semblent épargnés… en apparence. Car pour Olivier Thibaut, éleveur à Belloy-sur-Somme, «il ne faudrait pas que cette situation dure trop longtemps». «Certains collègues commencent à taper dans les stocks hivernaux, d’autres achètent (cher) de l’aliment à l’extérieur et d’autres encore commencent à diminuer leurs cheptels», expliquait-il en milieu de semaine. Le constat est le même chez Valentin Crimet, éleveur à Huchenneville et président de l’Union des producteurs de lait de Picardie (UPLP) : «Pour l’instant, on n’a pas encore beaucoup de retours, mais ceux que l’on a ne sont pas forcément bons… Dans le Vimeu, on limite la casse, mais là où les terres sont plus sablonneuses, c’est autre chose.» Comme le décrit Valentin Crimet, les conséquences des fortes chaleurs des dernières semaines sont doubles : «D’un côté, on a une canicule qui perturbe les animaux. Au-delà de 30°, sans vent, on peut avoir une perte de production de 5 à 10°. Quand la température dépasse les 35°, la baisse de production peut atteindre 20%». Et de l’autre, la sécheresse qui dégrade en quantité comme en qualité les fourrages.
«Certains ensilent déjà»
«Globalement, constate Olivier Thibaut, les maïs sont corrects, même s’il y a bien sûr des parcelles qui ne donneront pas grand-chose. Mais si on n’a pas d’eau dans les prochains jours, ce sera compliqué avec un risque de desséchement». Là où les potentiels sont déjà entamés, certains agriculteurs étaient tentés de débuter les travaux d’ensilage au cours des derniers jours. «Ça surprend, c’est sûr, mais s’ils attendent trop longtemps, ce sera trop sec et il n’y aura plus rien à récolter…», constate-t-il. Sur sa ferme de Belloy-sur-Somme, l’éleveur estime être plutôt épargné, mais ailleurs, ce n’est pas le cas de tout le monde. A Daours, dans l’Amiénois, Jean-Louis Bouthors est mitigé : «Sur certaines parcelles (de maïs, ndlr), j’aurai entre 15 et 50% de rendement en moins». S’il se montre aussi inquiet, c’est parce qu’il craint aussi un défaut de valeur nutritive malgré des apparences flatteuses de certaines parcelles : «On va avoir de l’encombrement, mais quelle sera la valeur, interroge-t-il. Pour nourrir les jeunes animaux, ça ira, mais ce n’est pas avec de l’aliment comme cela qu’on va réussir à faire du lait». Aujourd’hui, les fortes températures ont déjà une conséquence sur la production laitière : «Avec la chaleur, ma cinquantaine de vaches produit moins. En temps normal, elles font entre 24 et 25 litres, mais en ce moment, c’est plutôt 20-21 litres.
Je vous laisse calculer le manque à gagner !» Avec un prix du lait qu’il estime «insuffisant», il craint pour sa trésorerie comme pour celle des éleveurs en général. Et si mesures d’aides il venait à y avoir, «il faudra que ce soit simple. Pas question de mettre en place des usines à gaz», tempête M. Bouthors.
L’herbe, «grillée partout»
En attendant, pour éviter de «taper dans les stocks de foin pour l’hiver», il alimente chaque matin ses vaches avec de la luzerne fauchée. La parcelle qui se situe à quelques kilomètres de son bâtiment d’élevage est une oasis au milieu d’une plaine rase et aride. Les betteraves fourragères sont aussi une «bonne alternative» ; à condition d’être équipé d’un matériel adéquat. Autrement dit, réduire sa dépendance au maïs ou compenser le manque d’herbe ne s’improvise pas. En ce qui concerne l’herbe, les trois éleveurs sont unanimes : «C’est grillé partout», résume Olivier Thibaut.
Chez Jean-Louis Bouthors, «les pâtures sont devenues des aires d’exercice. Il n’y a plus d’herbe à manger…» Si quelques-unes de ses parcelles en herbe accueillent encore des animaux, c’est parce qu’elles sont situées en zone humide. «C’est vrai, j’ai la chance d’avoir quelques pâtures humides qui restent vertes, mais je les garde au cas où. C’est mon joker… et tout le monde ne peut pas en faire autant», témoigne M. Bouthors. Dans le contexte actuel, le semis de dérobées ne servirait quant à lui «pas à grand-chose».
Pour Valentin Crimet, l’été 2022 prouve une nouvelle fois qu’il ne faut pas «mettre tous ses œufs dans le même panier». Concrètement, cela signifie qu’il faut, autant que faire se peut, diversifier les ressources alimentaires d’un troupeau : «Ceux qui souffrent le moins sont ceux qui arrivent à avoir un peu de tout : de l’herbe à pâturer ou à récolter, du maïs, un peu de coproduits tant que les prix restent raisonnables, de luzerne, des betteraves fourragères». En ce qui concerne ces deux cultures, Valentin Crimet constate qu’elles «s’en sortent plutôt bien». «Pour la luzerne, il faut un fort ensoleillement. Cette année, on est gâté !» Quant à la betterave fourragère, les rendements s’annoncent bons. Mieux en tous cas que ceux de l’herbe et du maïs.
Maïs : «il faut laisser les grains se remplir»
L'avis d'expert de Dominique Manneville, conseiller spécialisé chez ACE