Leurs conseils pour bien mener un projet de méthanisation
Porteurs de projets de création d'unité de méthanisation sur leurs fermes de l'Aisne et de l'Oise, Henri Lecomte et Cédric Vandierendoncke ont partagé leur expérience aux participants de l'événement Métha'morphose à Amiens, en décembre dernier.
Qu'est-ce qui peut pousser deux jeunes exploitants agricoles installés dans les Hauts-de-France à se lancer dans la méthanisation et quels sont leurs conseils pour mener à bien leur projet ? Ce sont les questions qui ont été posées à Henri Lecomte (SAS Biométhane de l'Aisne) et Cédric Vandierendonck (SAS du Tonnerre) lors de la journée Métha'morphose consacrée au développement de la méthanisation dans les Hauts-de-France, le 4 décembre dernier, à Amiens. Pour le premier, la démarche est d'abord économique : «Étant donné que les productions historiques de notre exploitation sont soumises à une forte volatilité, la méthanisation est une manière de réduire notre exposition à cette volatilité. La deuxième raison qui nous a poussé, c'est une volonté de participer à un mouvement de transition agro-environnemental. Enfin, en implantant de nouvelles cultures qui vont alimenter le méthaniseur, cela permet d'allonger nos rotations.» Pour le second, la motivation est autant écologique qu'économique : «Étant donné que le contexte n'est pas simple pour un certain nombre de cultures traditionnelles, la méthanisation est une manière de nous diversifier.» Au regard des montants d'investissement que l'un et l'autre viennent d'engager avec leurs associés - 5,2 millions pour Henri Lecomte et 5,8 millions d'euros pour Cédric Vandierendonck, il ne fait aucun doute que leur projet a fait l'objet d'une intense réflexion.
Sécuriser ses approvisionnements
La première des questions à se poser avant de se lancer dans la construction d'un méthaniseur est celle de l'approvisionnement. Quelles matières utiliser ? Sont-elles disponibles ? Comment valoriser le digestat ? Pour la SAS Biométhane de l'Aisne, la maîtrise du plan d'approvisionnement est essentielle : «En tant que producteur de betteraves, de céréales, de pommes de terre et d'oignons, nous pouvons accéder plus facilement à des coproduits.» 10 900 tonnes de matières à transformer seront nécessaires chaque année pour cette installation. Dans l'Oise, l'unité de la SAS du Tonnerre doit fonctionner avec quelque 15 000 tonnes de culture intermédiaire à vocation énergétique (Cive) d'hiver et 5 000 tonnes de fumier de cheval.
Savoir s'entourer
Le second conseil partagé par les deux porteurs de projet est de savoir s'entourer. «Sur la méthanisation, nous sommes novices et avons donc tout à apprendre», estime Henri Lecomte. Le fonctionnement de l'unité de méthanisation devrait l'amener à embaucher entre 1,5 et 2 ETP pour sa gestion quotidienne. Chez Cédric Vandierendonck, le sentiment et les besoins sont sensiblement les mêmes : «Nous allons embaucher une personne pour faire tourner le méthaniseur», explique-t-il. Pour ce qui est des aspects techniques et, en particulier, pour la mise en cultures d'espèces dédiées, il compte s'appuyer sur l'expérience de ses deux autres associés. Conseiller méthanisation à la Chambre d'agriculture Nord-Pas-de-Calais, Arnauld Etienne confirme les possibilités de formation par différents organismes, dont celui qu'il représente. Si chacun des porteurs de projets confirme l'utilité du soutien qu'il a trouvé auprès des Chambres d'agriculture sur un certain nombre d'aspects, notamment techniques, Henri Lecomte est allé plus loin dans la recherche d'accompagnement en faisant appel à un cabinet spécialisé. Pour ce qui est de l'acceptabilité de leurs projets, aucun des deux n'a eu à essuyer la foudre d'opposants ; sans doute grâce à un travail en amont d'explication avec les collectivités locales qui a permis de lever les craintes autour de leur future activité. Dans l'Oise, pour la SAS Terre de Tonnerre, «le fait que la communauté d'agglomération de Creil ait soutenu le projet a été un gros avantage», témoigne son représentant. Dans l'Aisne, Henri Lecomte explique avoir rencontré «à plusieurs reprises» les conseils municipaux des communes proches de son implantation, ainsi que la communauté de communes de Laon. Et cerise sur le gâteau : «on leur a même proposé d'organiser des visites une fois que le projet sera terminé», assure l'exploitant.
Des regrets ?
«S'il fallait revenir en arrière, j'irai voir les collectivités locales plus tôt», indique Cédric Vandierendonck. Cette fois, la raison n'est plus une question d'acceptabilité, mais plutôt... d'approvisionnement : «Les déchets alimentaires de leurs restaurants collectifs m'auraient bien intéressés, explique l'agriculteur. Aujourd'hui, il est trop tard pour que je puisse en intégrer dans le fonctionnement de mon installation.» Avoir la garantie de l'approvisionnement en matières fermentescibles du méthaniseur est un gage supplémentaire auprès des financeurs : «Les financeurs sont de plus en plus regardants sur ce sujet, poursuit-il. Il faut bien être au fait de son plan d'approvisionnement puisque l'on sait qu'une unité mal approvisionnée ne fonctionnera pas.»
Henri Lecomte regrette, de son côté, de ne pas avoir eu plus de temps pour mûrir le projet sur un plan technique : «Si l'on veut que les choses avancent, il faut se positionner rapidement. Nous avons visité plusieurs unités de méthanisation, mais je pense que si nous avions pu en visiter d'autres, nous aurions fait encore autrement.»