Gestion de l'eau
L’Inrae tente d’apaiser les tensions autour de l'eau
L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a fait un point pédagogique, avec ses meilleurs experts, le 13 avril dernier, sur la situation de l’eau en France. Avec l’objectif d’apporter un éclairage plus scientifique et plus serein sur ce dossier qui attise les dissensions et crispations en tous genres.
L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a fait un point pédagogique, avec ses meilleurs experts, le 13 avril dernier, sur la situation de l’eau en France. Avec l’objectif d’apporter un éclairage plus scientifique et plus serein sur ce dossier qui attise les dissensions et crispations en tous genres.
« Ressources en eau : paroles d’experts ». C’est sous cet intitulé que l’Inrae avait réuni, dans son siège parisien, quelques journalistes pour parler de la gestion de l’eau notamment en agriculture et de son impact sur l’environnement tant en quantité qu’en qualité.
Dynamique des flux, analyse des usages, rapports à la biodiversité, stratégies d’atténuation et d’adaptation, instruments économiques… Les trois experts présents ont passé en revue l’ensemble des données disponibles pour dresser la carte la plus fidèle possible de l’état des eaux en France. Tous ont confirmé que le risque de sécheresse était réel en raison des faibles précipitations hivernales et de la « pression sur les débits des cours d’eau », a ainsi alerté Éric Sauquet, directeur de recherche en hydrologie. Les scientifiques de l’institut ont tous plaidé pour « limiter notre empreinte » et « aller vers la sobriété », selon les mots de Sami Bouarfa, directeur adjoint au département AQUA. Il a ainsi défendu l’idée d’une meilleure optimisation de l’irrigation, rappelant toutefois que celle-ci ne représente actuellement que 6,8 % de la surface agricole utile et que « les agriculteurs ont déjà réalisé de nombreux efforts en ce sens ». Sur ce dossier, il estime que les outils d’aide à la décision peuvent « faire gagner en optimisation » et qu’il ne faut pas s’interdire une réflexion sur le type de cultures à irriguer. « Une réflexion à mener en parallèle avec le régime alimentaire que l’on souhaite », a-t-il précisé.
Attention à la mal-adaptation
La question des « retenues de substitution », un terme auquel les chercheurs de l’Inrae tiennent beaucoup a focalisé les esprits et les échanges. « Heureusement qu’elles existent », a jugé Thierry Caquet, directeur scientifique de l’Inrae qui n’exclut cependant pas de réfléchir à leur développement selon différents critères, en particulier sous l’angle de la valeur ajoutée : celle pour la biodiversité, pour le partage des usages, etc. « Il ne faut pas en arriver au modèle de la Navarre espagnole qui a fait preuve de mal-adaptation », a-t-il souligné. Autrement dit, de nombreuses retenues d’eau y ont été construites mais ne servent aujourd’hui plus à rien en raison de la sécheresse qui y sévit. Il faut donc « penser à une diversification réfléchie des usages », a-t-il résumé. D’autant que le changement climatique s’accélère et que le Grand Sud-Ouest devrait, selon l’agence de l’eau Adour-Garonne, manquer d’un milliard de mètres cubes d’eau par an à l’horizon 2030.
C’est pourquoi les trois experts préconisent de reconcevoir l’agriculture de l’amont à l’aval. S’il faut raisonner différemment le travail du sol (moins de labour, plus de couverts, engrais organiques…), il faut aussi réfléchir sur les débouchés pour répartir équitablement la valeur ajoutée, ont-ils dit en substance.
Ces mutations devront aussi, selon eux, s’inscrire dans le maintien du potentiel de production et ne pas rogner sur la vocation exportatrice de la France. « Il faudrait d’ailleurs relocaliser certaines de nos industries pour éviter que nos produits bruts nous reviennent sous forme de produits transformés et élaborés », a remarqué Thierry Caquet. Si ces transitions sont devenues aussi inévitables que nécessaires, il faut impérativement accompagner économiquement et socialement les agriculteurs dans cette démarche, a conclu Éric Sauquet.