L’ONU alerte sur les effets néfastes des soutiens internes
Dans un rapport, trois agences onusiennes (FAO, PNUD, PNUE) invitent les gouvernements à réorienter leurs subventions agricoles en raison de leurs effets négatifs sur les prix, l’environnement et la santé de la population.
Dans un rapport, trois agences onusiennes (FAO, PNUD, PNUE) invitent les gouvernements à réorienter leurs subventions agricoles en raison de leurs effets négatifs sur les prix, l’environnement et la santé de la population.
Considérant que 87 % des subventions à l’agriculture (soit 470 Mds $) entraînent des distorsions de prix et sont nuisibles sur le plan environnemental et social, les trois organisations onusiennes (FAO, PNUD, PNUE) appellent, dans un rapport publié le 14 septembre, à réaffecter urgemment les soutiens agricoles. Un appel qui alimentera les débats du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires prévu le 23 septembre en vue de fixer une feuille de route commune d’ici 2030. À cet horizon, le montant total des subventions agricoles mondiales devrait, selon la trajectoire actuelle s’élever à 1 759 Mds $ (dont près des trois quarts de mesures aux frontières qui affectent le commerce et les prix sur le marché intérieur) contre 540 Mds $ aujourd’hui, alerte le rapport.
Dommages sur les prix, l’environnement et la santé
L’un des auteurs, Marco Sanchez, économiste à la FAO, estime que «les soutiens par les prix
(294 Mds $ par an) via des droits de douane, des subventions à l’exportation, des quotas à l’importation génèrent des distorsions de prix et faussent la concurrence». Par exemple, la promulgation de droits d’importation sur les produits agricoles pour protéger les producteurs nationaux de la concurrence internationale peut engendrer une hausse des prix à la consommation, rendant ainsi les aliments moins abordables. D’autre part, les taxes ou les quotas d’exportation, en réduisant l’offre de denrées alimentaires disponibles sur les marchés internationaux, peuvent entraîner à terme une hausse importante des prix internationaux, pénalisant ainsi les importateurs. L’expert de la FAO ajoute que «les aides budgétaires aux agriculteurs, qui se montent à 245 Mds $ par an, peuvent de leur côté avoir un impact négatif sur l’environnement lorsqu’elles sont liées à une production ou à un intrant, en particulier». Sur ce point, le rapport indique que les politiques visant à produire davantage de nourriture à moindre coût en intensifiant la production agricole (comme l’octroi de subventions inconditionnelles aux intrants) peuvent contribuer à la dégradation des ressources naturelles et des écosystèmes. Ces subventions sont également susceptibles de nuire à l’équilibre nutritionnel des populations en encourageant la culture de plantes à fortes émissions ou de produits nuisibles à la nutrition et à la santé, tels que le sucre, les céréales ou d’autres produits transformés en aliments malsains (par exemple, les boissons sucrées, les gâteaux ou l’huile de colza bon marché) au détriment des fruits et légumes.
Des améliorations dans la Pac
Pour limiter ces effets négatifs, le rapport estime que des solutions efficaces existent déjà à travers la mise en place de politiques favorisant l’utilisation d’approches agroécologiques ou régénératives au lieu d’engrais et de pesticides synthétiques. Mais aussi par des politiques qui promeuvent l’adoption de technologies améliorant l’utilisation des intrants et réduisent leurs externalités négatives, par le biais de la vulgarisation, des transferts de connaissances ou même de subventions pour financer des infrastructures dédiées aux exploitations agricoles (par exemple, les pompes à eau solaires). Il ajoute que les politiques peuvent encore créer des incitations au changement d’affectation des sols, c’est le cas notamment de la réforme de la politique agricole commune de l’UE qui a encouragé la diversification des cultures.
Le rapport indique que dans le cadre du premier pilier de la Pac 2014-2020, l’UE a introduit des paiements directs aux agriculteurs en échange d’améliorations telles que la culture simultanée d’au moins deux ou trois cultures pour assurer la diversification, le maintien de la superficie des prairies permanentes aux niveaux de 2014 et la mise en place de jachères écologiques telles que des zones boisées. D’autre part, il ajoute que le second pilier comprend des régimes volontaires tels que les primes à l’agriculture biologique ou les interventions en faveur du bien-être animal, et encourage la diversification en rendant les activités moins rentables plus attrayantes sur le plan économique et, donc, plus intéressantes à poursuivre, compte tenu de leurs avantages pour l’environnement et la société.
Un plan en six étapes
Ainsi, grâce à «des soutiens à l’agriculture plus respectueux pour la nature, plus équitables et plus efficaces, nous pouvons améliorer les moyens de subsistance tout en réduisant les émissions polluantes, en protégeant les écosystèmes et en réduisant l’utilisation de produits agrochimiques», estime la directrice exécutive du PNUE, Inger Andersen.
Pour parvenir à réformer progressivement ces soutiens agricoles, les agences onusiennes préconisent une démarche en six étapes qui consistera d’abord à mesurer le soutien fourni, comprendre ses impacts positifs et négatifs, identifier les options de reconversion, prévoir leurs impacts, affiner la stratégie proposée et détailler son plan de mise en œuvre et, enfin, mener un suivi de cette dernière. Dans ce cadre, elles expliquent que cette réorientation devra se faire de manière transparente, être basée sur des preuves et adaptée aux contextes et objectifs des pays. En cas d’incidence négative, des mesures d’atténuation, telles que des programmes de transfert d’argent, seront activées, indiquent-elles.