L’usine InnovaFeed de la Somme a démarré
L’entreprise spécialisée dans la production de protéines à base d’insectes a accompagné le lancement officiel de son activité à Nesle (80) de l’annonce de nouveaux investissements en France et à l’étranger.
La start-up française InnovaFeed, un des leaders de la production de protéines d’insectes pour les animaux d’élevage, a de l’appétit. Un gros appétit. Le 19 novembre dernier, alors que l’entreprise se réjouissait de la mise en route du «plus grand site de protéines d’insectes» à Nesle, dans la Somme, elle annonçait en même temps une nouvelle levée de fonds pour accélérer sa stratégie d’expansion en France et à l’international. Son montant ? 140 millions d’euros, ce qui porte à 200 millions son financement total. InnovaFeed vise ainsi une nouvelle implantation… outre-Atlantique. La future ferme-usine devrait ainsi sortir de terre courant de l’année 2021 à Decatur, dans l’Illinois. Elle sera associée à l’un des leaders de l’agro-industrie, ADM, et vise une production de 60 000 tonnes de protéines d’insectes. Le business model qui y sera développe s’inspire largement de celui qui est justement en train de monter en puissance plus près de chez nous, dans la Somme.
Symbiose industrielle
«Il y a un an et demi, c’était encore un terrain vague», expliquait il y a quelques jours Clément Ray, l’un des trois cofondateurs d’InnovaFeed en évoquant le démarrage de l’usine de Nesle. Il aura donc fallu moins de dix-huit mois à la jeune entreprise pour réaliser son projet, et y créer «la plus importante unité de production au monde en activité». Pour le territoire, ce sont également une centaine d’emplois à la clé. Avant de s’installer à Nesle, c’est depuis, une autre commune des Hauts-de-France – Gouzeaucourt, près de Cambrai, dans le Nord – qu’InnovaFeed avait eu l’occasion de «se faire la main». En investissant à Nesle, «nous avons pu nous installer près d’une amidonnerie (Tereos) et d’une unité de cogénération», décrit Aude Guo, également cofondatrice d’InnovaFeed. Dans les faits, l’unité de fabrication de protéines d’insectes récupère les coproduits de l’amidonnerie, sans transport mais grâce à un pipeline, pour en nourrir ses insectes. L’énergie fatale de l’unité de cogénération voisine permet, quant à elle, de chauffer les salles d’élevage des insectes. C’est ce que l’on appelle communément une «symbiose industrielle». À partir de ces insectes – une mouche noire -, la start-up fabrique ensuite une gamme de protéines animales destinées à l’alimentation animale et à la fertilisation des cultures.
Un savoir-faire français exporté
S’il peut paraître simple vu de l’extérieur, le schéma de production est en réalité complexe puisqu’il fait appel à de l’intelligence artificielle et des milliers de capteurs. Pour les responsables d’InnovaFeed, la construction de l’usine a été «un vrai défi technologique». «Il a fallu imaginer nos propres équipements», confirme Aude Guo. Enfin, pour permettre aux insectes élevés dans une atmosphère contrôlée de donner le meilleur d’eux-mêmes, «il faut les chouchouter». À la clé, la start-up française vise une production de 100 000 tonnes de nutriments fabriqués à partir de sa matière première vivante, dont 15 000 tonnes de protéines. Le reste, de quoi s’agit-il ? D’huile fabriquée avec les restes d’insectes ou de lisier d’insectes. À l’issue du process, «l’insecte est entièrement valorisé», explique-t-on chez InnovaFeed. Dans sa future usine de l’Illinois, l’objectif d’InnovaFeed est de produire 400 000 tonnes de nutriments, dont 60 000 tonnes de protéines. Mais bien que quatre fois plus grande, cette future géante américaine n’en restera pas une usine à l’inspiration bien française.