Madrid, petit rendez-vous avant le grand soir
La 25e Conférence des Parties sur le changement climatique (Cop25) a débuté le 2 décembre et se terminera le 13 décembre à Madrid. Une occasion pour les pays les plus engagés de se rassembler, avant le point sur les engagements de l’accord de Paris lors de la très attendue Cop26 en 2020.
« Par construction, l’accord de Paris donnait rendez-vous aux acteurs cinq ans après, lors de la Cop26 d’Édimbourg, qui sera la vraie dead-line », rappelle Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Iddri. Faudrait-il en conclure que la Cop25, déplacée in extremis à Madrid en raison des manifestations au Chili, n’est pas un rendez-vous marquant ? Rien n’est moins sûr, dans la mesure où ce point d’étape pourrait voir se former la coalition climatique internationale nécessaire avant la grande échéance de 2020. « L’Inde attend la Chine qui attend l’Europe », résume Lola Vallejo. Seuls des engagements fermes de la part de ces trois blocs pourront donc séduire d’autres pays, afin de limiter, comme le prévoyait l’accord de la Cop21, l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Certains acteurs, comme les États-Unis, ne sont plus attendus, mais « il faut faire basculer les pays indécis du bon côté, et notamment les pays d’Asie du Sud-Est », estime Lola Vallejo.
Leadership incertain
Qui prendra la tête de la coalition ? La Chine, en l’absence des États-Unis, sera tentée. Mais ses engagements pourraient se révéler décevants par rapports aux objectifs de la Cop21, puisque n’importe quel geste de sa part sera salué par la communauté internationale. L’Union européenne? Elle montre récemment, selon les experts, « des signaux intéressants », sur sa volonté de mener un leadership climatique. Si les contours du « Green Deal » de la Commission Van der Leyen sont bien précisés le 11 décembre, soit avant la fin de la Cop, ce plan pourrait faire des émules au sein de la communauté internationale.
Mais pendant que l’on chuchote dans les couloirs, l’urgence demeure, comme le montrent de nombreux rapports et études publiées au cours des dernières semaines. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), qui s’est penché sur les émissions totales de gaz à effet de serre, indique ainsi qu’elles ont ainsi atteint « le chiffre record de 55,3 Gt éq-CO2 en 2018 ». Des conclusions « consternantes », selon un rapport publié fin novembre, qui déplore par ailleurs que « rien n’indique que les émissions de GES plafonneront dans les années à venir ».
La teneur en méthane repart à la hausse
Autre rapport, autre indicateur : l’Organisation mondiale de météorologie (OMM), a publié la même semaine que le PNUE une étude dédiée aux concentrations de gaz à effet de serre. Ces concentrations auraient elles aussi atteint un pic en 2018. La teneur en méthane de l’atmosphère, notamment, est repartie à la hausse l’an dernier, alors l’augmentation était restée « presque nulle entre 1999 et 2006 ». Ces données suffiront-elles pour convaincre les négociateurs de muscler leurs propositions ? Peu probable : le phénomène de publication massive est habituel à la veille d’une Cop. « C’est une manière de faire monter la pression en matière d’ambition, pour mettre les négociateurs face à l’écart entre leurs engagements et les émissions », analyse Sébastien Treyer, directeur de l’Iddri.
Les résultats scientifiques sont donc peu susceptibles d’être les catalyseurs principaux de la coalition attendue. Mais ils conservent un pouvoir important dans l’opinion publique, dont la préoccupation environnementale montre un renouveau. Ils pourraient ainsi appuyer l’action des ONG, et de la société civile dans son ensemble. Car si les exemples de Greta Thunberg, et plus généralement de l’engagement des jeunes pour le climat, montrent une chose, c’est bien la pression que peut exercer aujourd’hui la société civile sur la question climatique. Une pression qui pourrait chahuter les discussions feutrées de la Cop de Madrid.