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Maîtriser sa technicité et ses coûts de production : une nécessité

Les éleveurs européens ont des enjeux différents mais, au final, il n’y en a pas un qui est mieux que l’autre. Tous doivent travailler sur leurs coûts de production. C’est le message que l’on peut retenir de l’assemblée d’Avenir Conseil Elevage.

© AAP


C’est en faisant référence à un surfeur qui prend une vague et qui reste dessus que Katrine Lecornu, présidente d’European Dairy Farmers, a commencé son intervention à l’occasion de l’assemblée générale plénière d’Avenir Conseil Elevage, qui s’est déroulée mardi 23 février, à Ablaincourt-Pressoir. A travers cette image, elle souhaitait montrer à l’assemblée que lorsqu’un problème ou une crise arrive, il faut essayer de trouver une solution et ne pas se laisser couler.
European Dairy Farmers (EDF) est un réseau d’environ 500 éleveurs laitiers, fondé sur le partage d’expérience, l'ouverture d'esprit et l’analyse comparée des coûts de production. «Nous ne faisons ni politique, ni syndicalisme, ni lobbying. Nous nous inspirons de nos collègues européens pour adapter nos fermes aux enjeux actuels, trouver des solutions aux nouvelles contraintes, améliorer la gestion de nos exploitations, affiner nos stratégies d'investissement, bref, être des éleveurs rentables, durables et bien dans nos bottes», a précisé Katrine Lecornu. Et de poursuivre : «nous nous sommes rendus compte à travers nos échanges que les résultats d’une exploitation à une autre pouvaient varier de - 300 à + 200 euros par tonne de lait. Nous avons certes besoin d’un prix du lait plus élevé, mais le revenu n’en dépend pas. La rentabilité dépend de notre niveau de coût de production.» L’association a montré également que la rentabilité ne dépendait pas de la taille du troupeau, c’est le prix d’équilibre qui est différent.
La question du temps de travail est également discutée au sein de l’association. «89% des fermes d’EDF ont de la main-d’œuvre familiale non rémunérée, a précisé la présidente. L’efficacité du travail est quatre fois meilleure chez les éleveurs les plus efficaces : elle peut aller de 26 à 107 heures de travail par vache par an.» La robotisation peut être l’une des réponses pour elle, mais pas la seule. Une différence qui doit amener les éleveurs à se poser des questions : connaissons-nous notre coût de production ? Pouvons-nous maîtri­ser/ contrôler quelque chose que nous ne connaissons pas ? Quels sont mes goûts et mes compétences ? Comment puis-je mieux utiliser mes ressources ?

S’adapter au nouveau contexte
«L’après-quota ne nous a pas été expliqué. Après 2007, nous ne savions pas que ça allait se répéter, nous sommes seulement en train de nous réveiller. Dans les autres pays, ils ont été mieux informés par la presse et les conseillers. C’est une responsabilité de filière.» L’intervenant n’a pas manqué de rappeler à l’assemblée que la tendance pouvait changer : «Le prix du lait pourrait rester bas comme le prix du pétrole, l’Europe pourrait devenir importateur de pétrole, les gros tracteurs pourraient disparaître au profit des petits robots.» Pour elle, il ne faut pas rester imbriqué dans un système.
Il est nécessaire de s’adapter au nouveau contexte. «Il faut rêver du futur, pas du passé, ne pas faire de copier-coller, mais trouver sa propre solution, changer ses points faibles en points forts, s’adapter à son environnement et aux nouvelles attentes, comme les Russes l’ont fait en fabriquant du camembert. Il faut avoir une attitude ouverte et positive, avoir confiance en soi et assumer ses choix.» A travers son intervention très dynamique, la présidente a donné des pistes de remise en question parfois utiles pour voir sa situation d’une autre façon.

Et nos voisins européens ?
On pense facilement que c’est mieux ailleurs, et c’est notamment le cas dans l’élevage. Karine Lecornu a tordu le cou à cette idée reçue, car même s’il y a des avantages à être dans un autre pays, il y a des inconvénients que les éleveurs français ne voudraient pas avoir.
Si on prend l’Italie, par exemple, leurs produits laitiers sont très réputés grâce à la pizza et aux pâtes. «Les éleveurs italiens peuvent implanter deux à trois cultures par an, ils ont des terres très fertiles. En revanche, le prix des terres est très excessifs, il peut s’élever jusqu’à 120 000 euros par hectare», a précisé Karine Lecornu. Et de poursuivre : «Les éleveurs allemands sont assez réputés pour la méthanisation, on les prend même souvent en exemple. Pourtant, c’est un point négatif, car le biogaz est bien valorisé et est en concurrence direct avec le lait qui devient finalement un sous-produit du lisier. Ce n’est pas un système soutenable. En revanche, ils sont très forts pour faire des réformes et défendre l’intérêt général.» En Suède, les éleveurs ont des coûts de production très élevés. «En face, ils ont un niveau technique très élevé : ils peuvent monter vers 12 à 13 000 kg de litres de lait par vache. Nous avons beaucoup de chose à apprendre d’eux», a assuré la présidente.
Les éleveurs danois sont très endettés, «leur ferme appartient à leur banquier. Ils ont en moyenne 19 000 euros d’emprunts par vache et les intérêts représentent 64 euros par tonne de lait. Leurs systèmes sont beaucoup plus fragiles que le nôtre à cause des charges. A titre de comparaison, en France on est en moyenne à 1 800 euros par vache». Les Danois sont très «high-tech» et utilisent beaucoup les nouvelles technologies.
«Les Irlandais aimeraient bien produire du maïs ensilage. L’un des points négatifs est le climat, car la production d’herbe est très dépendante de la météo», a affirmé l’intervenante. Elle les a qualifiés de «low cost», ils ont les mêmes normes qu’en France, mais l’application est différente.
En Hollande, la pression à l’hectare est forte, notamment au niveau des phosphates. Des quotas vont se mettre en place, mais ils ne se laissent pas déstabiliser et vont trouver une solution pour exporter le lisier. «Ils sont très forts mentalement, ils sont combattifs et, pour eux, il n’y a jamais de problèmes que des solutions», a souligné la présidente.
Après toutes ces comparaisons, il est clair que chaque pays à ses avantages et ses inconvénients. «En France, nous avons un système administratif plus long que dans les autres pays, mais les normes sont les mêmes. C’est l’application qui peut être différente. Nous devons nous améliorer sur le plan technologique, beaucoup plus développé dans les pays du Nord. Et, pour ne rien vous cacher, les Français sont assez réputés pour se plaindre», a-t-elle ajouté.
Pour conclure, Karine Lecornu a incité les participants à se poser la question «quel est mon rêve pour le futur, mes projets à long terme. Dans mon cas personnel, j’ai mis du temps à le comprendre, mais l’agriculture c’est un mode de vie».

ACE renforce ses services

La partie statutaire de l’assemblée a permis de dresser le bilan de l’année pour Avenir Conseil Elevage. Avec ses 201 collaborateurs, la coopérative suit 2 306 élevages laitiers, soit 156 852 vaches laitières et 119 élevages allaitants, soit 5 026 vaches allaitantes dans le Nord et la Picardie. Trois nouveaux services sont désormais proposés pour accompagner les adhérents dans les processus d’adaptation de leur exploitation au contexte des filières lait et viande. Le premier est le diagnostic global qui permet à l’éleveur de connaître précisément la situation économique et financière de son élevage afin de mesurer la pertinence d’un projet et sa rentabilité. Le second est l’accompagnement de projet dont l’objectif est d’aider l’éleveur à bâtir son projet. Enfin, ACE propose un diagnostic avec l’outil Capacilait afin d’aider l’éleveur à connaître ses capacités de production.
Sébastien Verschave du Nord, Patrice Payen de l’Oise et Arnaud Bassert de l’Oise ont intégré le conseil d’administration d’ACE. Bertrand Minne du Nord a décidé d’en sortir. Alain Jumelle a également annoncé son souhait d’arrêter la présidence après vingt-neuf années de service.

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