Marché foncier agricole : les prix grimpent encore
La Safer Picardie a enregistré 4 803 transactions en 2014 pour un total de 15 285 ha de terres agricoles. Le marché est toujours aussi fermé.
Rien de nouveau ou presque par rapport aux tendances 2013, à quelques variantes près. Si le marché de l'espace rural dans la région est en augmentation en surface par rapport à 2013 (15 285 ha contre 13 725 ha, dont 5 138 ha dans l'Aisne, 5 590 dans l'Oise et 4 557 ha dans la Somme) et le nombre de transactions en baisse (4 803 contre 4 823), ce marché reste toujours aussi fermé et se caractérise par la poursuite de la progression des prix.
En effet, de 2013 à 2014, les prix ont continué d'augmenter de 4 % en Picardie pour les terres occupées, qui représentent la plus grande partie des terres vendues (75%), et de 2,9 % pour les terres libres. Une seule raison : l'offre de terres étant toujours aussi restreinte, la pression foncière s'accentue naturellement.
Cette hausse des prix est constante dans les trois départements depuis 2007. Dans la Somme, le niveau moyen triennal de prix des terres occupées est de 5 470 €/ha (+ 3%), dans l'Aisne, il est de 5 490 €/ha (+ 4%), et dans l'Oise de 5 560 €/ha (+ 5%).
En ce qui concerne les terres libres à la vente, là encore, la pression foncière constatée depuis quelques années s'accentue. C'est particulièrement le cas dans les départements de la Somme et de l'Aisne. Dans le premier, le prix moyen des terres libres par hectare en 2014 est de 9 440 €, soit une hausse de 4 %. Il dépasse même les 12 000 € dans la région Santerre. Dans le second département, le prix moyen des terres libres a augmenté de 6 %, atteignant même 13 % dans le Saint-Quentinois. Il s'élève à 8 370 €/ha. Seule l'Oise enregistre une baisse de 7 % du prix moyen des terres libres, ce qui fait un prix à l'hectare de 8 700 €.
63,3 % de terres achetées par des fermiers
Sur les 15 285 ha du marché de l'espace rural en Picardie, une partie des surfaces vendues n'est pas accessible à la Safer, comme 667 ha pour du résidentiel et des loisirs, 508 ha pour divers aménagements, acquis généralement par des collectivités publiques. Reste donc 2 367 ha de forêts partiellement accessibles et, surtout, 11 743 ha du marché agricoles. Une fois retranchés les 7 445 ha acquis par des fermiers en place (63,3 % du marché agricole), les exemptions Safer, tels que les échanges et les ventes en famille, de l'ordre de 1 782 ha, la part de marché agricole accessible à l'opérateur foncier s'élève à 2 516 ha.
«Comme on manque de terres, le marché est très concurrentiel. Il nous est donc difficile d'être présent sur celui-ci», concède Sylvain Versluys, président de la Safer de Picardie. Sans compter «la pratique du fermage très répandue dans notre région, qui fait que la majeure partie des agriculteurs rachètent leurs terres», ajoute Xavier Flinois, vice-président de la Safer de Picardie et président du comité technique de la Somme.
De fait, sur les 2 516 ha accessibles à la vente, la Safer n'en a acquis que 781 ha, (370 ha dans la Somme, 382 ha dans l'Aisne et 29 ha dans l'Oise), dont 99,3 %, soit 776 ha, à l'amiable. La préemption, outil à sa disposition, n'a donc concerné que 5 ha pour 2014, soit 0,70 % des surfaces acquises. Ce qui démontre que «la Safer n'est pas interventionniste à outrance, relève Xavier Flinois. Son rôle, c'est d'empêcher les excès (agrandissement excessif, inflation des prix), de favoriser l'installation des jeunes agriculteurs et de renforcer les structures de taille moyenne».
Rétrocessions et intermédiations locatives
En 2014, 759 ha ont été rétrocédés en Picardie, dont 324 ha dans l'Aisne à 32 bénéficiaires, 12 ha dans l'Oise pour 6 bénéficiaires et 423 ha dans la Somme pour 45 bénéficiaires. Sur le total de ces rétrocessions, 312 ha ont servi à l'installation de jeunes agriculteurs, 218 ha à la consolidation d'exploitations, 22 ha à des remaniements parcellaires, 167 ha au maintien de fermiers, 31 ha à des collectivités et 9,5 ha à des réorientations ou boisement. La Safer gère aussi un important stock de foncier, qui a été acquis en vue de compenser des emprises. Ce stock s'élève à 1 847 ha en 2014.
De plus, la Safer gère des domaines, à la demande de 94 propriétaires, pour 935 ha, et qui sont loués à 146 exploitants par le biais de conventions de mise à disposition, d'une durée d'un à six ans, renouvelables une fois. «Un des intérêts de cet outil est de favoriser l'installation, notamment comme solution d'attente pour l'installation d'un jeune agriculteur», explique Marie-Andrée Degardin, directrice générale de la Safer.
Un autre outil tout aussi intéressant, selon elle, est l'intermédiation locative. «En 2014, la Safer de Picardie n'a maîtrisé que 231,36 ha en intermédiation locative, parce qu'avec la réforme de la Pac, de nombreuses cessions d'exploitations ont été repoussées en 2015», dit-elle. Quoi qu'il en soit, ces intermédiations ont permis d'installer sept jeunes, de conforter cinq exploitations et de maintenir sa surface d'exploitation à un agriculteur.
Cet outil a été utilisé, par exemple, à l'occasion de la vente d'une ferme laitière de 98 ha, à Fontaine-sur-Somme. Cette opération, difficile à mener - la ferme a subi des inondations par le passé et le nombre de ses propriétaires était important (9) - a abouti à l'installation d'un jeune couple d'agriculteurs, offrant des garanties pour les cédants, une sécurisation de l'opération d'exploitation, un soutien technique et des conseils pour le repreneur. Mission accomplie pour la Safer, une fois de plus.
La loi d'avenir
Validée par le Conseil constitutionnel en octobre dernier, la loi a été publiée le 14 octobre 2014. Parmi ses principales dispositions, il faut souligner la transparence du marché foncier rural. Autrement dit, toute cession de biens ruraux est soumise à déclaration. Cette obligation d'information concerne également les cessions de parts de société ayant pour objet l'exploitation agricole ou la propriété agricole.
En cas de non déclaration, la Safer peut avoir recours à une sanction administrative selon qu'elle a un droit de préemption ou pas. Elle peut alors entreprendre une action contentieuse, avec un plancher de 1 500 € dans la limite de 2 % du prix de vente.
En ce qui concerne le droit de préemption, il est élargi aux biens démembrés (nue propriété et usufruit sans condition), aux biens à vocation agricole et aux bâtiments agricoles ou d'habitation.