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«M’en vais» : une fable rurale philosophique et burlesque

La Compagnie Fini de rire présente «M’en vais», le 23 mars, à 20h30, à Villers-Bocage.


Les «gens d’en haut» l’appellent Cri-Cri. Pourtant son prénom, c’est Jean-Claude. Allez savoir pourquoi. Lui a renoncé à comprendre. Cri-Cri vit tout en bas de la rue d’En bas depuis si longtemps qu’il ne se souvient plus quand il est arrivé. Normal, cet homme de peu a des problèmes de mémoire. Mais son plus grave problème aujourd’hui, c’est que les «gens d’en haut» ont décidé de le virer de sa cahute, plantée sur un terrain qui ne lui appartient pas. Cri-Cri est devenu un homme de trop parce que, «aujourd’hui, quand t’es trop, ça passe pas. Ça passe pas. Déjà avant…», dit-il.
Des Cri-Cri, Didier Malaizé et Luc Kenziel, auteurs de ce spectacle et créateurs de la Compagnie Fini de rire, en connaissent plein dans les villages et bourgs de la Somme. Leur Cri-Cri est né dans la ferme de Beauquesne, où ils sont accueillis en résidence depuis novembre dernier par l’association Culture à la ferme (cf. encadré). C’est à partir des mots «M’en vais» qu’ils ont déroulé la pelote du fil de la vie de leur personnage.

Seul sur scène et au monde
«C’est un personnage fantasque, qui aime raconter des histoires, faire du vélo, qui raffole des tripes à la mode de Caen, qui fait pousser des anémones, qui a connu l’amour et qui, alors qu’il était le ¨bon à tout faire¨, se voit rejeté par les ¨gens d’en haut¨ sans comprendre pourquoi», raconte Luc Kenziel, qui interprète Cri-Cri sur scène. Personnage bougon, un brin soupe au lait, au phrasé court et formules décapantes, Cri-Cri est aussi un homme au grand cœur, toujours prêt à rendre service, doté d’une grande sensibilité, aimant plaisanter, mais portant sa solitude comme une croix depuis que sa mère a quitté trop tôt ce monde et que son amour n’est plus qu’un lointain souvenir.
Projeté sur scène, sans savoir qu’il y est, et que le public lui fait face, Cri-Cri s’interroge à voix haute. «Qui c’est qu’est à sa place, aujourd’hui ? Déjà, avant… Si ça peut vous consoler, moi-même, en ce moment, je me sens… Ah, c’est quoi, déjà ? T’sais, y a un mot… T’es là pis t’es plus là… Tu te sens un petit peu… Déplacé. Comment ?!?! Complètement déplacé…»
Le mot est lâché. Déplacé ? L’histoire de l’humanité, de tous ces hommes et ces femmes que l’on écarte d’un revers de la main parce que certains considèrent qu’ils n’ont plus leur place. Lui vient de la perdre, mais il ne partira pas sans dire ce qu’il a sur le cœur, car il en a gros sur la patate. Cette fable «philosophico-burlesque et rurale», comme la qualifient Didier Malaizé et Luc Kenziel, se penche sur la notion de trop, mais sans verser pour autant dans le drame, parce que le burlesque fait partie de leur ADN, et ce, depuis qu’ils ont décidé de rejoindre le monde du spectacle.

Le goût du burlesque
Comme Cri-Cri, Didier Malaizé et Luc Kenziel aiment bien raconter des histoires, rire et emprunter les chemins buissonniers. Plus de trente ans que ces deux compères sont dans le milieu du spectacle, travaillant pour différentes compagnies dans la région. Amoureux transis du burlesque, les deux compères ont décidé d’associer leurs talents en créant, en 2012, leur propre Compagnie, Fini de rire, «une jeune compagnie, mais composée de vieux briscards du théâtre», s’amuse Didier Malaizé. Avant d’ajouter : «La Compagnie aurait pu s’appeler ¨Tiens v’là la pluie¨, mais ça faisait trop local, et comme elle a des prétentions à l’international, il valait mieux s’en donner tout de suite les moyens...» Le ton est donné.
A leur actif, deux pièces, «A qui le tour ?», créée en 2012 - «une chronique burlesque peu bavarde, mais avec deux chansons», dixit Luc Kenziel ; et «Sipapoa, le lien de l’émergence», créée en 2016. Et parce que jamais deux sans trois, les compères ont donc décidé de récidiver avec «M’en vais», leur dernière création, dans un ultime sursaut, en «laissant libre cours à nos délires. Ce sera donc pour le pire comme le meilleur, sans doute navrant et pathétique, peut-être drôle et touchant, sûrement sérieux, un peu idéaliste, qui sait…», commentent-il. Gageons que ces «vieux briscards» n’ont pas fini de sévir, pour le meilleur et pour le pire. Grand bien nous en fasse !

Le 23 mars, à 20h30, à la salle des fêtes de Villers-Bocage, Place de l’Eglise.
Plein tarif : 10 € ; tarif réduit : 7 € ; moins de 16 ans : 5 €
Réservations et informations au 06 80 05 16 86 ou 03 22 32 85 40

Culture à la ferme

Culture à la ferme est une association créée en 1992 par Marie-Claire Collignon et Daniel Louvet, pour promouvoir un festival de théâtre burlesque, les «Comiques agricoles», qui se déroule tous les ans pendant trois jours, en juillet, dans la cour de la ferme de Beauquesne. Depuis quatre ans, l’association s’est diversifiée en créant «Opération à cour ouverte» dans le cadre des Invitations d’artistes soutenues par la région Picardie. Elle s’intègre également dans la promotion de la culture en milieu rural, en organisant tous les mois une projection de cinéma dans le village de Beauquesne et en mettant en place un événement culturel sur le Tour des haies, une course à pied annuelle de 15 km autour du village.

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