Méthanisation : «rassurer et démontrer» avant d’agir
L’acceptabilité sociale des projets d’unités de méthanisation est un élément capital à prendre en compte par le monde agricole à l’heure où les constructions se multiplient dans les Hauts-de-France.
Les agriculteurs sont aujourd’hui nombreux à s’engager dans des projets de méthanisation. Ce procédé biologique permet de dégrader les déchets verts ou issus de l’industrie agro-alimentaire et de dégager un biogaz dans les réseaux de chaleur et/ou d’électricité. Le développement des sites de méthanisation peut être un atout pour l’avenir des exploitations agricoles et représente un enjeu économique et environnemental majeur pour les territoires. Les intentions de construction génèrent cependant des craintes de la part de certains habitants. Les porteurs de projets doivent veiller à mettre en place un programme de fond quant à l’intégration sociale de leurs installations.
Communiquer le plus tôt possible
Manifestations d’opposants, pétitions, dossiers retoqués, chantiers repoussés… Certains projets de méthanisation ont la vie dure. Particulièrement dans la région où des discordes font régulièrement parler de ces projets, comme à Gouy-sous-Bellonne ou à Duisans, dans le Pas-de-Calais.
Les contestations ont plusieurs sources, alimentées notamment par le manque d’informations et/ou de concertation entre les concepteurs et les habitants. «Le monde agricole a un travail colossal à mener sur l’acceptabilité, concède Mauritz Quaak, vice-président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF). Les peurs sont nombreuses : nuisances sonores et olfactives, risques, proximité de l’unité, perte de la valeur des biens immobiliers… Il faut que les agriculteurs rassurent sur la fiabilité et la conformité de leurs projets avant de construire.» Les énergies renouvelables, comme la méthanisation qui se développe surtout depuis 2010, sont parfois méconnues et suscitent, en effet, des craintes importantes. «Les inquiétudes sont légitimes, indique Valérie Weber-Haddad, économiste à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). La communication doit donc intervenir le plus tôt possible, même si le projet final n’est pas fixé.» Le dialogue permet de réduire l’écart entre ce qui est perçu (redouté) et ce qui est avéré. La maîtrise de ce critère a aussi son importance auprès des financeurs (banques, partenaires…) et des acteurs locaux lors du lancement d’une structure.
«La rencontre de deux mondes»
Qu’il s’agisse de l’injection, de la cogénération (chaleur + électricité) ou de la microméthanisation, il ne suffit pas de «faire accepter» une installation, mais d’amener à une réelle compréhension et appropriation des enjeux. Une unité doit être perçue comme une opportunité de mettre en place une dynamique de proximité, collective, coconstruite et multi-acteurs, qui pourra être utile à tous dans un ancrage local.
«Ce sont des pratiques vertueuses pour l’environnement et l’économie à l’échelle d’un secteur, rappelle Jean Marc Colombani, chargé de mission biogaz chez Clarke Energy. Cette rencontre de deux mondes (rural et industriel) doit favoriser l’émergence de projets de territoire». «Plusieurs initiatives existent pour concerner les riverains en amont : réunions, visite de sites en fonctionnement ou en chantier, approvisionnement du digesteur en déchets, financement participatif…, souligne Valérie Weber-Haddad. Il faut qu’ils se sentent intégrés aux projets.»
La compréhension de ces derniers est aussi primordiale pour instaurer un climat de confiance. «La méthanisation se rapporte souvent à un langage technique que les agriculteurs doivent dénouer de toute complexité pour ainsi gagner en légitimité», poursuit Valérie Weber-Haddad. En ce début d’année 2018, soixante-cinq projets d’injection de biométhane (d’origine agricole ou non) sont à l’étude ou en cours de construction dans les Hauts-de-France.
Chiffres
24 installations de méthanisation agricole fonctionnent à ce jour dans la région
16 se situent dans le Nord et le Pas-de-Calais
8 unités produisent actuellement du biométhane, mais 65 projets sont à l’étude ou en cours de construction