Moisson : rien n’est encore perdu
Les conditions météorologiques particulières depuis novembre 2012 vont certainement générer des écarts de rendement importants dans les cultures d’hiver.
Techniciens de coopératives et de la Chambre d’agriculture interrogés en ce début de semaine s’accordent sur l’état actuel des cultures d’hiver, blé, escourgeon, colza et aboutissent à la même conclusion : «2013 ne sera pas la moisson du siècle». Cela étant, ils ajoutent aussitôt «ce ne sera pas la catastrophe non plus». Depuis quelques jours, la situation a évolué favorablement grâce aux quelques dizaines de millimètres de pluie tombés un peu partout. Il était temps.
Les escourgeons : une bonne moisson en perspective
La situation la plus favorable concerne les escourgeons. Un retard général de la végétation estimé à deux semaines est observé par rapport aux années précédentes. A Sanaterra, l’état végétatif est jugé «magnifique» surtout en variétés hybrides. Les températures douces de Noël ont été bénéfiques. Le potentiel dépendra du remplissage des grains. Chez Noriap, les conditions de semis sont jugées bonnes dans l’ensemble. Culture à faible risque d’échaudage, l’escourgeon ne devrait pas pâtir d’une éventuelle montée rapide et importante de la température. Sur Roisel, dans le secteur de Cerena, même si ce n’est pas une grande zone de production, la situation se présente «bien à très bien» dans des parcelles jugées «belles et saines». Pour Capsom, la situation s’annonce «pas trop mal». Les escourgeons ont bien résisté à l’épisode neigeux et le potentiel est bon. Pour la Calipso, la situation est également prometteuse. A la Chambre d’agriculture, on souligne qu’une partie des semis s’est déroulée début octobre et l’autre fin octobre-début novembre mais, au global, la situation ne suscite pas d’inquiétude. La pression maladie est restée faible jusqu’à présent et sous contrôle dans les parcelles sensibles.
Les blés : tout est encore possible
Ce qui est acquis en blés, c’est la situation plutôt bonne des semis effectués en octobre, généralement avant le 25, qui représentent environ 30 à 40 % des surfaces parfois jusqu’à 60 % comme dans le secteur de Roisel. Même implantés en conditions correctes, ils accusent comme les escourgeons un retard de végétation de deux semaines environ. Leur potentiel repose sur un tallage correct et un bon peuplement épi selon les observations de Capsom. A Sanaterra, on estime que la situation est plus délicate voire critique dans les terres blanches malgré l’arrivée de la pluie. A la Calipso, l’eau a fait du bien mais des parcelles ont souffert. L’enracinement ne semble pas toujours très profond et il suscite une interrogation sur le devenir de la culture si une période de température élevée survient. A la Chambre d’agriculture, on souligne l’apparition de la rouille jaune dans l’Amiénois sur les variétés sensibles. Même remarque pour Sanaterra dans le secteur entre Villers-Bocage et Albert avec également un peu d’oïdium et de septoriose dans les variétés sensibles. A Noriap, on confirme que «la pression septoriose ne doit pas être négligée».
Les blés semés en novembre présentent des situations beaucoup plus contrastées. Ces semis ont souvent été réalisés en conditions difficiles, parfois après des arrachages de betteraves ou de pommes de terre féculières laborieux. Résultat : un retard végétatif de deux à trois semaines et un tallage moins fourni. Le nombre de talles par mètre carré se situe entre 500 et 600 contre 700 à 800 habituellement. Selon la Chambre d’agriculture, certaines parcelles sont à moins de 500 talles et font même craindre une certaine récession. Pour Noriap, un nombre de talles plutôt moyen n’est peut-être pas plus mal car il peut favoriser la fertilité des épis et le PMG (poids de mille grains). Pour cela, il faut une température pas trop basse au moment de la floraison et pas trop élevée pour le remplissage. «Nous sommes dans l’attente que tout aille bien», se rassure-t-on du côté de Roisel. «Il peut se passer encore beaucoup de choses dans les semaines à venir», dit-on à Sanaterra. «Même si l’on s’attend à une baisse de rendement de quelques quintaux, on a encore l’espoir de se refaire en cas de bonne fin du cycle sans gros coup de chaleur», espère-t-on à Capsom. «Le risque est d’avoir des températures élevées en juin alors qu’une partie des blés n’en sera qu’au stade épiaison à cause du retard végétatif», craint-on à Noriap. Ce scénario provoquerait à coup sûr l’échaudage dont on connaît l’effet pénalisant sur le rendement et la qualité des grains. «On n’atteindra certainement pas les cent quintaux cette année mais on croit encore que la récolte peut se refaire», pense-t-on à Calipso. «La météo de juin sera déterminante», résume l’ingénieur de la Chambre d’agriculture.
Les colzas : vers de gros écarts de rendement
Indéniablement, les avis sont unanimes, ce ne sera pas une grande année pour les colzas. La production de biomasse aura été plutôt faible cette année. L’excès d’eau en décembre a été défavorable comme les épisodes neigeux du premier trimestre 2013. Enfin, pour couronner le tout, les attaques de pigeons qui ont ravagé un grand nombre de parcelles. Ici ou là, quelques pour cents des surfaces ont été retournés sauf du côté de Roisel où ce pourcentage est estimé entre 10 et 20 %. «Les parcelles concernées ont cumulé une mauvaise implantation, les dégâts de la neige, les pigeons, la pluie à la floraison et n’offraient par conséquent qu’un faible potentiel», a souligné le technicien de Cerena. «Il manque à la floraison en cours, de la température et du rayonnement solaire», explique le responsable technique de Noriap. La végétation est très hétérogène liée aussi à la perte de pieds. Une analyse confirmée à Calipso où l’on est inquiet du manque d’enracinement et des conditions de semis des colzas. A Sanaterra comme à Capsom, quelques belles parcelles en limons ont été repérées mais, au global, le potentiel est assez pénalisé. Comme si cela ne suffisait pas, des dégâts de gel peuvent encore être observés ! Mais en colza, on peut miser sur de grosses capacités à compenser … jusqu’à un certain point. Car dans des zones comme les Bas-Champs, les dégâts de l’automne sont irréversibles, notamment sur les volumes de pailles et fourrages qui seront déficitaires et ont amené la Fdsea à engager une opération spécifique.