Multiplicateur de semences de lin, délicat mais indispensable métier
Depuis une dizaine d’années, des liniculteurs de la Somme produisent une partie de leurs semences. Une activité délicate qui leur permet, néanmoins, d’être moins dépendants, et de disposer de variétés adaptées au terroir. Reportage chez l’un d’eux.
Depuis une dizaine d’années, des liniculteurs de la Somme produisent une partie de leurs semences. Une activité délicate qui leur permet, néanmoins, d’être moins dépendants, et de disposer de variétés adaptées au terroir. Reportage chez l’un d’eux.
Voilà environ dix ans que des semences de lin sont récoltées par une poignée de liniculteurs samariens. Parmi les acteurs moteurs de cette filière, Vincent Boche, producteur à Martainneville (80) pour la Calira (Coopérative linière de la région d’Abbeville), a notamment été récompensé par la Semae (ex-Gnis), pour «ses efforts, sa perspicacité et son côté innovant».
«Il y a environ dix ans, nous avons décidé de produire une partie de nos propres semences. Être totalement dépendant des autres est risqué. Et cela nous permet de multiplier les variétés bien adaptées à notre terroir, plus rustiques», explique le producteur. Sur les 30 à 40 ha de lin qu’il sème chaque année, environ 15 ha sont aussi récoltés pour la semence.
À l’échelle de la coopérative, cette surface représente 400 ha sur les 8 000 ha emblavés, dans les secteurs de Nouvion-en-Ponthieu, de Martainneville et de la côte sud samarienne. «Sur ces 400 ha, nous parvenons à en récolter entre 200 et 300 selon les années, soit un quart à un tiers de nos besoins.»
Dauréa, Novéa, Vivéa et Idéo font partie des variétés multipliées dans le secteur.
«Toutes sont tolérantes aux maladies, voire triple tolérantes à la fusariose, à la brûlure et à l’oïdium, car le seul critère rendement ne suffit plus. La résistance au stress hydrique est aussi de plus en plus importante», note Vincent Boche.
Ces variétés sont soigneusement choisies grâce au GIE (groupement d’intérêt économique) Linéa, dont Vincent Boche est le président, co-détenue par la Calira et quatre autres usines de teillage (Agylin (76), Coop du Neubourg (27) et Lin 2000 (60)). «Mettre en commun nos moyens nous permet de pallier au marché de la semence de lin limité. Les stocks ne sont pas élevés. On est toujours un peu en flux tendu.»
Petite plus-value, contraintes réelles
Il faut dire qu’être multiplicateur de semences de lin n’est pas la panacée. Comptez 700 €/ha de plus-value pour un rendement de 10 qx/ha de semence, soit la récolte espérée lors d’une bonne année. Les contraintes, elles, sont nombreuses.
Produire du lin dans le but de récolter les graines en plus de la fibre s’anticipe dès les semis. «Il faut choisir une parcelle sans cailloux, et semer à une intensité plus faible que d’habitude, car il faut à tout prix éviter la verse», confie le spécialiste. Il s’agit donc de viser juste les apports d’azote. Le désherbage des anti-graminées, lui, est vivement conseillé aux semis.
L’arrachage, enfin, est souvent plus tardif que pour la seule récolte de la fibre. «La maturité de la graine est plus tardive que celle de la plante», justifie Vincent Boche.
Cette année, les premières parcelles destinées à la semence étaient arrachées le 27 juillet, soit huit jours plus tard que d’ordinaire. La faute à la météo pluvieuse et au manque de soleil.
Des écapsuleuses onéreuses
Récolter la semence nécessite surtout du matériel adapté, très onéreux. «Nous avons besoin d’écapsuleuses pour récupérer la graine au moment du retournage. Les établissements Brygo, à Warhem (59), mettent deux machines à disposition de la Calira. Celle-ci prend en charge l’écapsulage pour ses coopérateurs.» Ces machines nécessitent un nettoyage complet entre chaque récolte de variétés différentes. Des contraintes qu’il faut bien accepter : «Sans producteurs de semences, il n’y a pas de semences, et donc pas de lin !»