Musée : rien ne cloche chez l’ancien berger, Georges Schimel
Dans son ancienne bergerie, à La Chaussée-Tirancourt, Georges Schimel a créé un musée de cloches.
Georges Schimel est né un 24 décembre 1927, la veille de Noël. Tout un symbole. Certes, ce n’était pas au milieu des animaux d’une ferme comme l’Enfant Jésus, mais il y a passé toute sa vie. Et, le jour de sa naissance, les cloches des églises, comme tous les 24 décembre, ont retenti dans la nuit. C’est cependant le son des cloches des moutons qui met Georges le plus en joie. Rien de plus normal quand on est fils de berger, puis berger soi-même, et que l’on retrouve ses moutons enveloppés dans un épais brouillard ou, la nuit, grâce au son des cloches accrochées à leur cou.
Aussi, quand l’heure de la retraite a sonné, Georges a gardé encore quelques moutons, puis a commencé à constituer sa collection de cloches. Les premières lui viennent de son père, les autres ont été achetées au fur et à mesure de ses recherches dans les réderies de la région, puis lors de ses voyages en Amérique, en Europe et en Asie. Une passion dévorante, qui fait aussi que, à Noël, le sapin n’est pas décoré d’ampoules de toutes les couleurs, mais de cloches de toutes les formes. Mais, prévient Georges, «je ne suis pas cloche pour autant», en riant à gorge déployée.
Un trésor de près de mille cloches
De formes et d’origines différentes, les près de mille cloches qu’il collectionne sont en cuivre, étain, porcelaine ou métal argenté. La plupart sont des cloches de moutons, certaines de décoration et d’autres dont la fonction est d’annoncer le visiteur qui se présente à la porte. Il va sans dire que lorsque vous allez chez Georges, c’est une cloche qui sert de sonnette. Une fois dans la maison, d’autres cloches sont posées sur le rebord de la cheminée ou dans la bibliothèque. Pour l’une, «j’ai dû plonger à plusieurs reprises avant de l’attraper», dit-il en riant. Et pour cause. Sur le dos de cette cloche, un mot et une date sont gravés qui retiennent tout de suite l’attention : «Titanic 1912».
Mais les trésors de sa collection se trouvent dans une partie de l’ancienne bergerie, qui accueillait dans le temps les jeunes béliers pour la reproduction, et qu’il a reconvertie depuis en musée. Rangées précautionneusement et méticuleusement les unes à côté des autres, les cloches attendent patiemment la main joueuse qui les sortira de leur léthargie pour faire entendre leurs jolis sons. Ce que ne manque jamais de faire Georges quand il pénètre dans sa caverne d’Ali Baba. Une caverne ouverte à sa famille, à ses proches et à tous les curieux qui le souhaitent. Autres trésors : des outils de travail racontant l’évolution du métier du berger, des photos de son père, comme de lui, avec leurs troupeaux dans les pâtures ou en transhumance, des calendriers de diverses époques avec pour images des bergers et des moutons, ou encore des figurines de bergers et de bergères. Et, au milieu de la pièce, une figurine de berger, grandeur nature, avec un agneau sur l’épaule et d’autres à ses pieds. Berger a été Georges, berger il est resté.
Une vie de berger
Né dans une famille de bergers, Georges s’est toujours occupé des moutons avec son père. «Dans une bergerie, il y a toujours du travail. Mais ce que j’ai aimé le plus dans ce métier c’est l’agnelage. Voir des agneaux qui naissent et qui gambadent autour de leur mère, c’est la récompense du travail de toute une année. Puis, faire des concours avec ses moutons et recevoir des prix, c’est une grande fierté», confie Georges. Mais si le berger a toujours aimé les moutons, enfant, ce sont les avions qui le fascinaient. Il s’imaginait pilote d’avion de chasse. C’est son fils qui le deviendra plus tard. Georges, lui, sera berger, parce qu’après la guerre, il fallait bien travailler. Et ce qu’il savait faire, c’était s’occuper des moutons.
Après la tonte de moutons, il devient chauffeur pour le compte d’un marchand de moutons. «Je ramassais les moutons partout. C’est comme cela que j’ai découvert La Chaussée-Tirancourt, des terres en friche parfaites pour faire paître les moutons et une vieille ferme en ruines qui pouvait accueillir l’exploitation», raconte Georges. Il s’y installera en 1956 à son compte et montera progressivement son troupeau, faisant passer son effectif de 60 à 250, voire à 500 en comptant les agneaux. Une activité qu’il arrêtera, mais pas complètement néanmoins, dans les années 1980, lorsque ses bêtes seront touchées par la maladie dite la «tremblante».
Et de regretter aujourd’hui la disparition de ce beau métier. «Hormis ceux qui font des prés salés, il n’y a quasiment plus d’éleveurs dans le département. Quand je parle d’éleveurs, je parle de ceux qui continuent à aller dans la plaine avec leur troupeau et leur chien. Les moutons sont malheureusement aujourd’hui dans des pâtures, enfermés derrière des clôtures électriques. Le métier se perd», regrette-t-il.
Si le berger n’a plus de moutons, avant de s’endormir, il continue à les compter. «Je m’endors généralement quand j’arrive à 764», plaisante-t-il. Son plus beau rêve aujourd’hui ? Faute d’intérêt suffisant de sa famille pour prendre la relève de sa collection de cloches et faire perdurer son musée, il espère que quelqu’un s’y intéressera.