Négociations Pac 2023 : où en sommes-nous ?
La Pac est révisée tous les sept ans. Deux à trois ans avant la fin d’une programmation, la Commission européenne a pour rôle d’ouvrir le sujet de la réforme.
La Pac est révisée tous les sept ans. Deux à trois ans avant la fin d’une programmation, la Commission européenne a pour rôle d’ouvrir le sujet de la réforme.
La négociation Pac post-2020 a débuté avec une consultation publique au printemps 2017, une communication politique de la Commission européenne en novembre 2017 puis les propositions législatives du 1er juin 2018. La prochaine Pac ne devrait pas commencer avant 2023, avec deux ans de retard. La Pac actuelle, telle que définie en 2013 par quatre règlements - horizontal, aides directes, développement rural et OCM - est d’application jusqu’en 2020 inclus. La prochaine Pac, qui ne devrait pas commencer avant 2023, s’appuiera à la fois sur :
- les nouveaux règlements européens
- le PSN (Plan stratégique national), établissant les règles nationales s’intégrant dans le cadre européen
- le cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP), en cours de négociation, qui établit entre autres le budget global disponible pour la Pac
- un règlement de transition permettant de faire le pont entre l’ancienne période et la nouvelle période Pac.
Le PSN
Les projets de règlements européens proposés par la Commission en juin 2018 introduisent une innovation essentielle : l’élaboration par chaque État-membre d’un plan stratégique national (PSN Pac) unique, définissant les interventions et les modalités de mise en œuvre de la Pac à l’échelle nationale, couvrant les deux piliers de la Pac. Le PSN Pac de chaque État-membre devra être approuvé par la Commission européenne. La proposition de règlement prévoit que le PSN Pac réponde à trois objectifs généraux : favoriser une agriculture intelligente et résiliente assurant la sécurité alimentaire, renforcer les actions favorables à l’environnement et au climat qui contribuent aux objectifs environnementaux et climatiques de l’Union européenne et renforcer le tissu socio-économique des zones rurales.
Pour répondre à ces objectifs, les États-membres établiront une stratégie nationale structurée autour de neuf objectifs spécifiques et d’un objectif transversal :
- assurer un revenu équitable aux agriculteurs
- accroître la compétitivité
- rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire
- agir contre le changement climatique
- protéger les ressources naturelles dans un objectif de développement durable
- préserver les paysages et la biodiversité
- soutenir le renouvellement des générations
- dynamiser et soutenir le développement économique des zones rurales
- garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé en réponse aux attentes de la société
- moderniser par l’innovation dans le cadre de la transition numérique (objectif transversal).
Position de la FNSEA sur le PSN de la Pac post 2020
Le mois dernier, la FNSEA a adopté une position sur des orientations précises concernant la construction du Plan stratégique national de la Pac 2023-2027, afin de pouvoir peser dans les orientations du ministre de l’Agriculture.
L’exercice mené est contraint par le cadre européen qui s’impose, à la fois sur le plan budgétaire, mais aussi juridique.
La FNSEA se doit d’être pragmatique pour peser sur la décision du ministre.
Arnaud Rousseau, premier vice-président de la FNSEA, rappelle que si la FNSEA se positionne, c’est toujours pour maintenir les équilibres. Comme le stipule Christiane Lambert, «La Pac a toujours évolué et la prochaine évolution va être majeure avec le Pacte vert et les Éco-régimes. Il faut anticiper les tendances pour préparer les agriculteurs et trouver aussi des relais de compétitivités hors Pac.»
Ainsi, les orientations suivantes pour la construction du PSN français ont été transmises au ministère :
- Les aides de la Pac doivent être attribuées aux agriculteurs «véritables». Le Conseil d’administration de la FNSEA souhaite que l’utilisation du critère d’agriculteur «véritable» soit mis en œuvre pour cibler les agriculteurs professionnels qui participent effectivement à la souveraineté alimentaire française, qui est un objectif fondamental de la Pac ;
- La FNSEA propose de faire l’équivalent de la moitié du chemin de la convergence d’ici 2027 (fin de la période de programmation) à condition de compenser les secteurs et régions les plus impactés ;
- La FNSEA se positionne pour le maintien du paiement redistributif dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, soit avec une enveloppe limitée à 10 % du premier pilier et son versement sur les premiers hectares jusqu’à la surface moyenne des exploitations françaises, soit 63 hectares ;
- La FNSEA souhaite conserver des aides couplées significatives en faisant évoluer le couplage dans ses modalités, son montant, et par la mise en œuvre de programmes opérationnels, afin de limiter les effets de la convergence ;
- La FNSEA souhaite conserver le ciblage de l’ICHN sur l’élevage ;
- Un signal fort doit être donné à la gestion des risques en appliquant les évolutions d’Omnibus à isopérimètre des taux de pénétration, et en utilisant les marges de manœuvre budgétaires de l’État permises par les nouvelles règles de cofinancement ;
- L’effort à réaliser en matière d’investissement doit trouver sa traduction dans la mise en œuvre des Plans de relance (national et Feader) et dans un top-up pour les zones intermédiaires.
ImPACtons! : le débat public sur la nouvelle Pac
Le vendredi 5 février au soir, a eu lieu par visioconférence la réunion de restitution du débat ImPACtons! Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, était présent pour recevoir les conclusions et échanger avec le public. Suite aux
12 700 contributions reçues,
cinq enjeux majeurs se détachent et sont présentés au ministre :
- 1er : mettre en place une définition du statut de l’agriculteur
- 2e : mettre en place des standards européens afin d’éviter les distorsions de concurrence
- 3e : assurer la souveraineté alimentaire en France
- 4e : favoriser l’approche locale et le circuit court
- 5e : prévoir la relève agricole (d’ici dix ans, 50 % des agriculteurs seront partis en retraite).
Les 1 083 propositions ont été transmises au ministère ainsi que les recommandations de la CNDP (Commission nationale du débat public). Après cette présentation synthétique de la restitution, Julien Denormandie a exposé les points qui, pour le gouvernement, sont importants à prendre en considération dans la mise en place de la nouvelle Pac. Sans ordre de priorisation, voici les points qu’il a pu citer :
- la question centrale est effectivement de conserver la souveraineté alimentaire de notre pays
- une problématique à travailler est que la France soit indépendante au niveau protéine. Il faut accroître la production de protéine en France
- il faut une Pac plus verte, mais plus juste et donc appliquée par tous
- aller plus loin sur le sujet de la réciprocité, c’est-à-dire avoir les mêmes normes avec les pays avec lesquels on fait des échanges commerciaux. Les standards doivent devenir la base des négociations. Il a ajouté que les accords du Mercosur sont inacceptables
- de la même manière sur les enjeux environnementaux et le réchauffement climatique, il est nécessaire d’avoir des standards entre les pays. Il faut de la réciprocité et ne pas opposer les agriculteurs. Toute la question est : comment créer de la valeur avec des enjeux environnementaux ?
- la Pac doit créer de la valeur pour permettre les transitions. Le mot «valeur» n’est pas assez utilisé dans le monde agricole, il faut le remettre au centre du débat
- des formations vont être nécessaire pour accompagner à l’installation pour le renouvellement des générations. Une dynamique est d’ailleurs en train d’être créée avec les jeunes agriculteurs, notamment autour du diagnostic carbone et la captation carbone
- en ce qui concerne la restauration collective, c’est également un point qu’il va falloir travailler. Tout comme la problématique de l’étiquetage, mais celle-ci relève de la compétence européenne et ce n’est pas simple de trouver un consensus. Ce point ne peut faire sens que si l’on trouve un accord dans le marché commun
- pour finir quant à la question de l’aide à l’hectare ou l’aide à l’actif : le débat sur l’aide à l’actif n’est ni mûr, ni faisable pour la prochaine Pac. Il n’y a à ce jour pas de définition commune entre les 27 pays et sans une définition commune, il y aurait un gros risque de distorsion de concurrence.
D’ailleurs, dire qu’une grosse exploitation a nécessairement plus de revenu, ce n’est pas vrai dans le mode de production actuelle.
La réunion s’est poursuivie par une heure de questions/réponses avec les citoyens connectés.
Le ministre doit faire un retour à la CNDP pour le 7 avril suite à l’étude approfondie de leur rapport. Un autre débat avec les citoyens lui sera alors proposé à ce moment-là.
Carine Vasseur, FDSEA 60
Qu’est-ce que le trilogue ?
L’objectif, dans le cadre de la Pac 2023, est d’obtenir un consensus sur la réforme de la Pac en trouvant des points d’accord entre les différentes versions élaborées séparément.