Neige : les agriculteurs ont répondu présent
Les conditions climatiques sibériennes ont paralysé les routes de la Somme. Les agriculteurs ont été mis à contribution.
La RD 211 (Amiens, Molliens Dreuil, Camps en Amiénois, Hornoy le Bourg) est une des trois principales routes permettant l’accès à Amiens par le sud. Les véhicules qui l’empruntent chaque matin et soir sont nombreux… Une voiture toutes les vingt minutes en moyenne durant la matinée, et encore… plutôt des 4 x 4 ou des quads. Le seul véhicule à passer (et repasser) régulièrement est le tracteur d’Emmanuel Lagache, agriculteur à Cagny, qui déneige. Au volant, son fils, Sébastien et un ami qui nous accueillent à bord.
«Nous travaillons depuis 4 heures du matin, et nous nous relayons mon père et moi. En pratique, nous sommes conventionnés avec le Conseil Général et nous intervenons en complément de leurs moyens techniques lorsque les évènements font qu’ils ne sont pas suffisants», explique-t-il. Et c’est manifestement le cas, ce jour.
Le vent ramène la neige
Le vent latéral balaie la route en rafale successive et ne cesse de former des congères de près de 1m50 par endroit et de ramener la neige sur la chaussée. «On peut passer tous les quart d’heure, la neige revient sans arrêt. Pourtant, la lame travaille bien ! Mais on ne peut pas lutter contre de telles conditions. Ce n’est pas tous les ans qu’on vit ça !», constate le conducteur. La relation avec les automobilistes et les riverains semble plaisante. «D’habitude, sur les routes, on est plutôt considéré comme engins gênants, dangereux ou salissants. Là, c’est tout le contraire. Tout le monde nous salue, même les piétons ou les gens dans leur cour. Mais ceux qui sont les plus reconnaissants, bien sûr, ce sont les automobilistes qui sont enlisés et que l’on remorque !», dit-il avec un vrai plaisir.
Les usagers reconnaissants
Depuis le début de la journée, c’est plus de 20 voitures qui ont été remorquées par ce chauffeur. Justement, c’est ce qui est arrivé à ce fourgon d’un entrepreneur de Molliens Dreuil, bloqué à mi-côte. «J’ai précisément pris le fourgon pour aller chercher un collègue à trois kilomètres. Finalement, lui a pu avancer derrière la lame, et moi, je suis bloqué !», raconte le conducteur. La situation est délicate : trois voisins sont bloqués en montant, et un porteur de lait en sens inverse, le tout sur une côte comportant un virage et un bon talus en contrebas. Pas d’énervement, chacun s’écarte comme il peut, notre déneigeur se fraie un chemin, et en cinq minutes, la circulation est rétablie.
Quelques mots de remerciements échangés, mais pas le temps pour s’attarder. Des portions de route, abritées des arbres ou bénéficiant d’un relief favorable sont complètement dégagées et les véhicules y font demi-tour pour certains, ou pour d’autres, attendent de laisser passer l’agriculteur pour le suivre prudemment.
A 17 heures, il n’y avait pas encore de consignes pour la fin de la journée. «On ira où on nous le demandera», dit calmement Sébastien Lagache. «Même en se relayant régulièrement avec mon père, personne ne se repose vraiment. Mais bon, après tout, c’est un peu comme la moisson quand il faut travailler quelques nuits. Du moment que ça ne dure pas un mois !».
Des conventions avec le Conseil général, les communes et intercommunalités
Le déneigement n’est pas le cœur d’activité de l’exploitation, bien sûr. Mais Emmanuel Lagache avait déjà quelques activités pour lesquelles les services du Conseil Général le sollicitent, comme le taillage ou l’élagage occasionnel. Il s’est engagé cette année pour l’activité de déneigement. Après l’épisode de Noël 2010, chaque organisme gérant des voieries a pris des dispositions pour le déneigement. Communes, intercommunalités et Conseil Général ont ainsi conventionné les services de certains agriculteurs qui apportent une réactivité et une force de frappe complémentaire et efficace sur tout le territoire, le tout dans le cadre d’une charte établie en partenariat avec la Chambre d’Agriculture. «C’est une activité qui n’est pas inintéressante. Ca nous fait travailler autrement, voir différemment les gens. Bref, ça nous change un peu, et c’est valorisant», confie le conducteur tout en espérant bien que la situation rentre dans l’ordre le plus vite possible. «En tout cas, c’est notre première année d’intervention, et nous ne le regrettons pas», conclut-il.
Malgré des conditions hors normes, chacun a pu constater cette semaine que le réseau fonctionne et que les agriculteurs étaient au rendez-vous. Pour la petite histoire, le lendemain matin, les voitures empruntaient sans difficulté la RD 211 où officiait Sébastien Lagache. Quand chacun reprenait le travail, lui et son père devaient commencer à entrevoir la fin du leur.
Du matériel efficace
Le tracteur fait 120 chevaux, et il n’en faut pas moins, car pour que la lame mise à disposition par le Conseil Général soit efficace, il faut rouler à une vitesse de 15 km/h minimum. La lame fait 3m de long, et elle est orientable gauche/droite par un vérin double effet, ce qui est très utile quand il faut lutter contre un vent latéral qui ramène la neige : dans un sens comme dans l’autre, le tracteur est efficace de chaque côté. En cabine, la lame donne l’impression de «suivre» le relief. Un dispositif de suspension lui donne une réelle souplesse, «on n’a pas besoin de contrôler en permanence la hauteur, même pour un dos d’âne», confirme Sébastien Lagache qui peut ainsi se concentrer sur la trajectoire et à l’inclinaison. Le front d’attaque comporte en bas une sorte de bavette en caoutchouc. «Ca paraît léger avant de s’en servir, mais c’est efficace», commente le conducteur.
En forçant l’inclinaison, on fait du bon travail car le revêtement ou l’état de tassement de la neige en verglas peuvent altérer les performances.
Côté consommation de fuel, un plein de 200 litres y passe sur la journée, ce qui semble indiquer que le tracteur doit travailler en moyenne à demi-charge.
Ce n’est pas du labour, mais c’est bien plus que de la pulvérisation !