Néonicotinoïdes : leur interdiction inquiète les betteraviers
Le 1er aout, un décret interdisant les néonicotinoïdes a été publié au Journal officiel. Il n’introduit aucune dérogation.
Pour la CGB, ce décret met en danger l’avenir de la filière betteraves.
La liste de cinq néonicotinoïdes interdits à partir du 1er septembre a été publiée le 1er août par le gouvernement. La loi sur la biodiversité de 2016 prévoit l’interdiction au 1er septembre de l’utilisation de ces substances, qui s’attaquent au système nerveux des insectes, avec des dérogations au cas par cas jusqu’au 1er juillet 2020.
Les cinq produits interdits dans un mois seront la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaméthoxame, la thiaclopride et l’acétamipride, selon le décret paru le 1er août au Journal officiel. Trois d’entre eux (clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride) font déjà l’objet de restrictions d’utilisation au niveau européen depuis 2013, et l’Union européenne a décidé en avril d’élargir cette interdiction à toutes les cultures en plein champ, et non plus seulement aux cultures sous serre. Une décision qui pourrait entrer en vigueur d’ici la fin de l’année.
En France, la liste des cinq produits interdits pourra être complétée par un autre décret après l’adoption de la loi alimentation, qui prévoit l’extension du champ de l’interdiction des néonicotinoïdes aux substances chimiques ayant des modes d’action identiques, a précisé le 1er août le ministère de la Transition écologique.
La filière betteravière s’inquiète
Depuis 1992, les betteraviers se servent chaque année de l’un des deux néonicotinoïdes homologués en enrobage de leurs semences pour se protéger au printemps des pucerons verts (insecte piqueur-suceur), eux-mêmes vecteurs de jaunisses virales. Leur interdiction par décret du 1er août 2018 pourrait entraîner une baisse du rendement par hectare, variable annuellement suivant la pression des insectes et selon leur pouvoir virulifère. L’ITB estime que cette perte pourra atteindre 12 % au niveau national, soit un montant financier à l’hectare supérieur aux aides Pac.
Pour la CGB, cette décision est «inacceptable», et elle compte bien réagir «vigoureusement». L’organisation assure que, «sur les betteraves, les néonicotinoïdes n’ont pas de conséquence négative sur l’ensemble des pollinisateurs, ni sur le reste de la faune. La betterave sucrière ne présente ni fleur, ni pollen, ni poussière, ni guttation : il n’y a pas de présence d’abeilles, donc pas de risques».
Une solution alternative «inefficace»
L’Anses propose une solution alternative pour les betteraviers : utiliser un mélange de pyrèthres et carbamates (insecticide foliaire) en plusieurs passages, après la levée des betteraves. La CGB souligne qu’ils «sont nocifs au-delà des seuls insectes-piqueurs». Elle rappelle également que «cette méthode était utilisée avant 1992. Cependant, elle est devenue obsolète du fait d’une résistance aujourd’hui avérée des pucerons verts à ces produits
(cf. rapport de l’Anses Lyon en 2014)». L’organisation précise que cette résistance a été «vérifiée concrètement sur des parcelles entières non traitées aux néonicotinoïdes en 2017». Elle ne peut donc pas «la cautionner comme une alternative, car elle est moins efficace et moins respectueuse de l’environnement».
L’EFSA (Agence européenne) s’inquiète du risque quant aux résidus de néonicotinoïdes utilisés sur betteraves envers les pollinisateurs visitant la culture suivante dans l’assolement. La CGB affirme que «les abeilles ne visitent pas les céréales à paille, lesquelles représentent 95 % des cultures post-betteraves». Elle recommande donc «la lecture d’un document du ministère de l’Agriculture espagnol (cf. rapport de l’Instituto technologico agrario du 30-11-2017), qui déclare que les résidus des néonicotinoïdes utilisés sur betteraves en année N ne sont pas identifiables, ni quantifiables dans la culture en N + 1, et n’ont pas d’impact sur les pollinisateurs».La CGB considère donc que «ce risque est inexistant pour le cas des betteraves, et qu’il n’a aucune légitimité scientifique».
Les betteraviers demandent «une dérogation de deux années (campagnes 2019 et 2020) pour utiliser les néonicotinoïdes en enrobage de leurs semences de betteraves, comme la loi sur la biodiversité de 2016 en prévoit la possibilité lorsqu’il n’existe pas d’alternative». Pour la CGB «l’avenir de 26 000 planteurs et des vingt-cinq usines sucrières en dépend». Elle s’interroge donc sur «les arguments du gouvernement pour ne pas accorder cette dérogation», et sur «la raison qui le pousse à conduire la filière dans une impasse technique».
Interdiction des néonicotinoïdes : la FNSEA réclame des dérogations immédiates
La FNSEA et ses associations spécialisées en grandes cultures et F&L ont demandé, le 1er août, des dérogations immédiates à l’interdiction de cinq substances néonicotinoïdes parue au Journal officiel le même jour. «Nous réclamons l’adoption immédiate des dérogations nécessaires (concernant les néonicotinoïdes, ndlr) et l’ouverture d’une mission d’information parlementaire sur les distorsions de concurrence qui touchent l’agriculture française», selon un communiqué de la FNSEA, l’AGPB (blé), l’AGPM (maïs), la CGB (betterave), la FNPF (fruits), la Fop (oléoprotéagineux) et de Légumes de France. Considérant «les agriculteurs dans l’impasse», les organisations rappellent la promesse présidentielle de «ne laisser aucun producteur sans solution». Et de mettre en avant leur «Contrat de solutions pour une trajectoire de progrès» dans la protection des plantes : «Il faut aux producteurs des solutions avant toute interdiction.»