«N’hésitez pas à augmenter vos surfaces»
Mercredi 3 février, la coopérative agricole betteravière de Sainte-Emilie a tenu son assemblée générale. Avec, au cœur de sa réflexion, la fin des quotas.
La sucrerie de Sainte-Emilie se porte bien, et même très bien. Merci pour elle. Un million et demi de tonnes de betteraves pour la campagne 2014-2015 à une cadence de 16 805 tonnes par jour, 208 000 tonnes de sucre cristallisé à une cadence journalière de 2 387 tonnes par jour. Le tout avec des économies d’énergie conséquentes, une baisse d’utilisation de pierre à chaux, une moindre consommation d’eau de nappe, une diminution du trafic routier, etc.
Bonne nouvelle aussi pour les planteurs : en dépit du cours mondial des sucres qui ont littéralement fondu ces deux dernières années, et alors que le groupe est encore en train de payer son intégration dans la Vermandoise, un complément de 2 € par tonne de betteraves a été versé sur toutes les betteraves contractées en 2014, sur décision du conseil d’administration du groupe Cristal Union. Mais, attention, «ni en mars 2016, ni en mars 2017, il n’y aura de supplément de prix», prévient Jérôme Fourdinier, président de la coopérative agricole betteravière de Sainte-Emilie.
Avec la fin des quotas, la question du prix est devenue encore plus cruciale. «Tout le monde en parle, les discussions sont parfois passionnelles. Si, à Sainte-Emilie, le sujet est encore plus délicat qu’ailleurs, puisque l’on paie encore notre entrée dans la Vermandoise, nous avons mis en place une commission. Il faut que les planteurs aient des repères et des indicateurs pour comprendre les prix fixés. L’usine, elle, a besoin des planteurs pour sécuriser son approvisionnement. A nous d’être inventifs pour que tout le monde puisse travailler ensemble, sans être lésés. Faites-nous confiance», poursuit-il.
Points forts du groupe
La confiance, c’est ce que demande également le président du groupe, Olivier de Bohan, dans l’avenir. L’après-quota fera entrer la filière dans une zone de turbulences en matière de prix. Néanmoins, «une des missions de la coopérative est d’atténuer ces fluctuations du marché. La coop a toujours été là dans les moments compliqués. Elle le sera encore. Mais, pour ce faire, la structure financière du groupe doit être solide et sa compétitivité conséquente». Démonstration aussi faite par le directeur général du groupe, Alain Commissaire, tant sur la productivité à l’hectare - «point fort de Cristal Union», dit-il - que sur un outil industriel performant, des coûts de revient plus faibles que les concurrents, une capacité commerciale en plein développement, ou encore un équilibre financier préservé. De quoi envisager l’après-quota avec confiance.
Selon les analyses faites du marché, même si la croissance mondiale s’avère hésitante pour 2016, le prix du sucre devrait se situer «entre 450 et 550 €» pour l’Europe, selon Jean-François Javoy, directeur financier du groupe. «L’idée qu’on se fait, ajoute Alain Commissaire, directeur général du groupe, c’est que le marché rémunérera au moins à 27 €/T, et de manière suivie.» Un prix qui a marqué les esprits des planteurs, également les mixtes, adhérents chez Tereos. Cet industriel leur a proposé un prix minimum à 25 €/T à condition d’atteindre les 18 millions de tonnes de betteraves, soit une augmentation de 20 % des surfaces, avec un contrat de cinq ans, mais dont le prix est fixé pour deux années. Le groupe Cristal Union, lui, n’a pas fixé, pour l’heure, de prix minimum à ses planteurs, leur laissant cependant entendre qu’ils seraient «mieux payés que chez Tereos», dixit Alain Commissaire.
Appel à l’augmentation des surfaces
Et de les inciter, du coup, à augmenter sans crainte leurs surfaces de production. Le cap est d’ores et déjà défini avec l’ouverture du marché à la suite de la fin des quotas. «D’ici 2020, il nous faudrait avoir 20 % de plus de surfaces pour maintenir la capacité de production, précise Bruno Labilloy, directeur agricole du groupe. Nous procéderons par palier. En 2016, nous en avons déjà 6,6 % de plus avec l’augmentation des contrats.»
L’objectif est d’atteindre les 17 millions de tonnes de betteraves à 16° à l’horizon 2020, avec des prix à la tonne oscillant entre 26, 27 et 28 €. «Vous avez la place pour augmenter votre production. Ayez confiance», insiste Alain Commissaire. «Les usines sont prêtes à transformer 20 % de betteraves supplémentaires», renchérit le président du groupe. Chez Cristal Union, le bonheur est dans l’après-quota…
Prix : compétence «souveraine» de la coopérative
La discussion autour d’une clé de répartition de la recette entre planteurs et industriels, 44 % pour les premiers et 56 % pour les seconds, n’est, semble-t-il, plus d’actualité. Les industriels ont décidé de mettre hors-jeu le syndicat betteravier de la discussion. «La fin du régime des quotas a forcément un impact sur les accords interprofessionnels.
Il n’est pas possible d’avoir une approche nationale eu égard au respect des règles de la concurrence», précise Olivier de Bohan, président du groupe Cristal Union.
Au niveau interprofessionnel, «je réaffirme haut et fort que la fixation du prix de la betterave relève de la compétence souveraine du conseil d’administration, des sections territoriales et de l’assemblée générale de la coopérative», déclare-t-il. En revanche, «on a toujours besoin de lui pour défendre la filière là où sont les enjeux, à savoir, en Europe».