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Nicolas Dassonville, éleveur de gibiers à plumes

Il est la troisième génération à élever des faisans et des perdrix, de la reproduction jusqu’à l’âge adulte, dans la faisanderie de Rumigny. Retour sur une passion familiale.

© AAP


Chez les Dassonville, la passion de l’élevage de gibier est tellement chevillée au corps qu’elle se passe de mots. C’est le grand-père qui a lancé l’activité, peu avant la Se­conde Guerre mondiale. Dans le couvoir, situé sur l’exploitation familiale, à Rumigny, il s’occupait de l’éclosion de milliers de poussins qu’il revendait ensuite à des éleveurs, comme à des particuliers.
Son fils, le père de Nicolas, reprend l’activité en 1970. Tout en poursuivant l’élevage de perdrix, il ajoute progressivement celle de faisans. Outre les opportunités commerciales que présente cette nouvelle activité, l’idée lui est venue de particuliers qui faisaient des faisans, mais qui, faute d’arriver à incuber les œufs, les lui apportaient pour qu’il prenne le relais. «C’est comme cela que l’on a commencé avec les faisans», raconte le père de Nicolas Dassonville.
Leur spécialité en élevage de faisans et de perdrix ? Faire des souches pour leur réimplantation dans les milieux naturels, avec une méthode qui reste traditionnelle et locale, malgré toutes les évolutions techniques qu’ils ont intégrées. C’est leur marque de fabrication, celle dont il tire leur notoriété tant en Picardie, que dans le Nord-Pas-de-Calais, mais aussi dans le Calvados, en Seine-Maritime, en Seine-et-Marne, et jusqu’en Belgique.
Ce savoir-faire, Nicolas l’a acquis dès le plus jeune âge, sans même s’en rendre compte. Gamin, avec ses deux autres frères, il suit son père dans le couvoir pour récupérer les œufs. Le seau qu’il utilise traîne au sol. Normal, Nicolas n’est alors pas plus haut que trois pom­mes, mais il observe les moindres gestes de son père et s’applique consciencieusement dans la tâche qui lui est confiée. Tous ces gestes sont devenus aujourd’hui son quotidien.
Après l’obtention d’une maîtrise en biologie végétale et physiologie, puis un passage par l’armée, il intègre l’exploitation familiale à l’âge de 25 ans. Comme du temps de ses études universitaires, il utilise le microscope au cours d’autopsies sur de jeunes faisans pour essayer de comprendre les causes de leur décès. Perdrix comme faisans sont des oiseaux très fragiles - tant par leur taille que par leur constitution - qu’il convient de couver comme une poule ses œufs, puis ses petits, pour s’assurer qu’ils grandissent harmonieusement. Rien n’échappe à son œil vigilant. Il en va de l’équilibre de l’élevage.

Un métier «d’orfèvre»
«Pour devenir un bon éleveur, cela prend au moins dix ans, explique Nicolas. Il faut le coup d’œil pour repérer tout de suite quand les oiseaux ne vont pas bien. Il faut être aussi soigneux et très réactif. Le moindre retard dans une décision peut être fatale pour ces oiseaux sauvages plus petits et plus fragiles que les autres. Cela requiert une surveillance permanente.» Si le métier est contraignant et nécessite une précision d’horloger suisse, sa variété et son rapport constant à la nature compensent largement les désagréments. Pas plus beau métier, considère Nicolas, que celui qui suit le rythme naturel.
Avec ses douze salariés, et deux à trois stagiaires en moyenne venant des Maisons familiales rurales, Nicolas suit l’élevage des faisans et des perdrix sur les trois sites de l’exploitation, à Rumigny, Sains-
en-Amiénois et Berteaucourt-les-Thennes. Tout commence cepen­dant dans le couvoir, sur le site de Rumigny. Les œufs ramassés dans les volières sont placées dans un incubateur, qui peut accueillir jusqu’à 24 000 œufs pour trois semaines. Dans une pièce noire, quelques plaques sont observées avec une petite lampe pour s’assurer qu’il y a bien développement de l’embryon. Si l’œuf est transparent, c’est qu’il est vide. Les plaques sont ensuite transférées dans des casiers transportés dans les éclosoirs. Ceux-ci y restent trois jours, le temps de l’éclosion. Plusieurs centaines de milliers de poussins voient ainsi le jour en ce lieu.
La plupart des poussins sont préparés pour la vente, d’autres resteront sur l’exploitation pour leur élevage. Deux devenirs les attendent : certains seront gardés pour la reproduction, d’autres élevés jusqu’à neuf à dix semaines pour faire des faisans démarrés vendus essentiellement à des fédérations de chasse pour le repeuplement en plaine. A une condition sine qua non pour les Dassonville : que les oiseaux soient lâchés avant la chasse. «Il faut qu’ils aient le temps de s’adapter au territoire afin qu’ils puissent se défendre un peu plus au moment de la chasse», relève Nicolas. Les règles de la nature, Nicolas y tient, comme son père. C’est ainsi que leurs oiseaux ont assuré le repeuplement des plaines du Calvados, de l’Oise et de la Somme.
Au père, aujourd’hui salarié de Nicolas, la partie commerciale et la gestion du couvoir, à Nicolas la partie technique et l’élevage. En ce moment, les machines tournent à plein régime. C’est le début de l’élevage, et donc les premières éclosions de poussins de perdrix grises et rouges, ainsi que de faisans communs, de faisans chinois et de faisans vénérés. Il en sera ainsi jusqu’au début du mois de juillet. «Le reste du temps, explique Nicolas, nous faisons des passages réguliers dans les volières pour s’assurer que tout va bien. Il faut toujours être vigilant, car certaines souches sont difficiles à élever.» «De ce fait, on peut dire que nous sommes plus que des éleveurs. Nous sommes aussi de bons techniciens», ajoute son père.
De bons techniciens, en effet, qui font appel aux mathématiques, à la biologie, à la médecine vétérinaire, mais qui n’oublient jamais que la nature est reine et qu’il faut impérativement respecter ses cycles pour qu’elle donne le meilleur. Un jeu d’enfant pour les Dassonville, qui adaptent toujours leur temps de travail aux saisons. Avec pour récompense de voir éclore la vie à chaque saison dans un éternel recommencement. Un véritable hymne à la vie.

EARL Pipra

- Elevage de perdrix grises et rouges, et de faisans communs, chinois et vénérés.
- 32 ha de blé et maïs grain consommés en interne, le reste pour leurs parcs à faisans.

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