Noriap : le développement de l'entreprise maîtrisé
La coopérative Noriap a clos sa série d’assemblée de régions avec sa traditionnelle réunion d’information «plénière» le 15 décembre à Amiens Mégacité. Echos.
Revenant sur les principaux chiffres présentés lors des réunions locales, Jean-François Gaffet et Martin Migonney, respectivement président et directeur général du premier groupe coopératif de la Somme, ont dressé un tableau bilanciel de l’exercice écoulé, sous le signe du développement maîtrisé.
Développement maîtrisé sur les infrastructures avec la consolidation des capacités de stockage de la collecte ou l’acquisition d’un site classé Seveso permettant durablement la logistique des activités réglementées.
Développement maîtrisé des filiales, avec notamment dans le secteur du bétail la prise de contrôle majoritaire de Novial, la reprise du parc co-industriel générant à la clé un avantage de l’ordre de 6 €/t d’aliment produit, ou la croissance de la filiale SFP.
Développement maîtrisé des outils d’aide à la décision et des pilotages agronomiques.
Développement des partenariats, qui permettent à la fois de peser sur les marchés historiques, mais aussi d’étendre les champs de compétence et de développement économique. Il en va ainsi de l’union EuroSeine qui pilote le projet de plateforme multimodale lié au canal Seine Nord Europe ou l’union Sillage qui est le premier fournisseur du port de Rouen.
En résumé, Noriap tient le rythme de son plan d’entreprises «Ambition 2015», et le groupe consolide à la fois le quotidien technique et financier, tout en préparant l’avenir.
La dimension nouvelle qui transpire au cours de la présentation est celle d’une entreprise à responsabilité territoriale. Ancrée et acteur du territoire, incarnant sur son périmètre la campagne publicitaire de la coopérative agricole, Noriap s’implique dans la vie locale et quantifie son empreinte sociale et environnementale. Ainsi, par exemple, Noriap a réalisé avec le soutien de l’Agence de l’eau Seine Normandie et d’autres partenaires la réhabilitation du site de Sénarpont qui rétablit la continuité hydraulique de la Bresle pour une amélioration de la qualité de l’eau de la rivière et de l’écosystème. Un axe qui n’a pas manqué de faire le lien avec l’intervention qui a suivi, celle de Sylvie Brunel, géographe, professeur à la Sorbonne, et auteur d’ouvrages «positifs» sur les bienfaits de l’agriculture à l’échelle planétaire ou locale.
Sylvie Brunel : «Le plus beau métier du monde»
Dans son intervention, la géographe Sylvie Brunel a repositionné plusieurs points de repère démographiques, sociaux, économiques et environnementaux. Tous convergent vers un développement de l’agriculture sous toutes ses formes.
Le besoin mondial
L’enjeu est simple : nourrir 10 milliards d’habitants en 2050 avec des terres arables en retrait du fait de l’urbanisation : 95% de la population mondiale vit sous la dominance urbaine, et ne cesse de croître. Cet exode est d’ailleurs source de la méconnaissance croissante de ce qu’est l’agriculture. De plus, un tiers de la population mondiale a atteint un niveau de «classe moyenne» ce qui est corrélé à la consommation de viande par habitant. La demande mondiale est et reste donc en forte croissance.
La ressource en eau
Elle stigmatise les conflits d’usage. Pourtant, l’irrigation est nécessaire. Depuis 50 ans, c’est elle qui a permis le triplement de la production agricole à l’échelle planétaire. Cependant, partout où elle est pratiquée, elle doit intégrer la dimension de la préservation de la qualité et de la quantité de l’eau. Il en est de même pour les pratiques agronomiques.
Les sociétés et les agricultures
Les attentes sociétales évoluent en fonction du niveau de vie. Cependant, aucune minorité ne peut imposer à la majorité ses exigences agro-environnementales. L’enjeu planétaire reste la suffisance alimentaire, et donc la production. Cependant, certaines classes de consommateurs ont une exigence en terme de proximité et de qualité qu’ils peuvent se payer. On ne peut opposer les agriculteurs, il faut les associer et les faire cohabiter.
L’environnement
Fort de son expérience de géographe, Sylvie Brunel considère que la terre n’est pas un espace naturel, mais un héritage d’espaces façonnés par l’homme, au fil du temps, des besoins, des sociétés et des civilisations, des climats, des échanges. Au sens étymologique, l’environnement vient du terme «vision», le cercle, à savoir l’homme et ce qui l’entoure. Dès lors, il n’y a pas lieu de «sanctuariser» les espaces, mais simplement veiller à la préservation des équilibres.
Le climat
Oui, il change. La communauté scientifique estime qu’à 450 ppm de CO2 dans l’atmosphère, la température terrestre augmentera de 2°C, avec des bouleversements locaux violents. On en était à 200 ppm en 1900, on en est à 400 ppm. Le CO2 met un siècle à disparaitre. On n’en n’est plus à savoir s’il y aura changement mais comment on s’y adapte.
Les pratiques agricoles
Elles doivent intégrer de plus en plus la notion de pertinence et d’efficience maximale : l’agroforesterie sur des zones à moindre potentiel, le bio sur des zones à enjeu fort, le conventionnel partout, mais avec un pilotage de plus en plus fin, et une généralisation des outils d’aides à la décision.
Les ONG et l’opposition agricole
Humanitaires dans les années 80-90, elles sont devenues environnementales, à la recherche d’une cause planétaire unique suite à la chute du mur de Berlin et à la mondialisation.
Une principale préoccupation est d’ailleurs leur propre survie. Une partie de leur écoute vient du fait qu’elles sont en permanence dans la défense de normes qu’elles créent elles-mêmes. Un moyen de les contrer est de procéder de même : un discours basé sur les peurs (peurs de famine, de maladies, en cas de déprise agricole). «Créez votre propre ONG et portez-la chacun d’entre vous !», a-t-elle lancé.
La communication
La difficulté du monde agricole est qu’il a tendance à confier sa communication à une minorité d’acteurs économiques ou sociaux. A l’inverse, chaque membre d’une ONG est investi du message qu’il défend. La communication est une des clés du développement agricole, pour en assurer la cohabitation avec d’autres préoccupations sociétales, qui ne souhaite en général que s’assurer que du caractère durable des projets agricoles qui lui sont proposés. Cependant, la nécessité d’une communication collective passe par une implication individuelle forte en appui de campagnes institutionnelles.
Les soutiens à l’agriculture
L’Europe est la seule puissance économique mondiale à abaisser son soutien à l’agriculture (mais il demeure néanmoins encore élevé). La mondialisation des terres agricoles montre que l’enjeu agricole et alimentaire demeure stratégique et, en ce sens, légitime partout dans le monde une politique interventionniste sur l’agriculture.
Le métier d’agriculteur
«C’est le plus beau métier du monde que de nourrir la planète». Mais derrière cette conviction vient aussi les côtés négatifs que l’on soit en Picardie, ou ailleurs dans le monde : rentabilité, complication… Chaque paysan du monde a ses difficultés, mais, à notre échelle locale, elles ne doivent pas occulter la vocation nourricière et la liberté quotidienne de chaque agriculteur.