Opération Avenir Elevage 80
Le 25 février dernier, à Amiens, avait lieu la session de la Chambre d’agriculture de la Somme. Au menu : la crise de l’élevage, le Sage de la Haute Somme et la Ferme 3.0.
Cela pourrait ressembler au titre d’un film ou une opération commando, mais cela ne l’est pas. Quoique. La crise que traverse la filière laitière depuis quasiment une année est source de grandes préoccupations. Au-delà des difficultés conjoncturelles sévères de la filière, «le recul rapide des activités d’élevage dans le département peut conduire à un déséquilibre majeur sur les entreprises de l’aval et de l’amont de la production agricole avec de lourdes conséquences en termes d’emplois et de dynamiques territoriales», rappelle Daniel Roguet, président de la Chambre d’agriculture de la Somme. Avec cette autre question de fond, déjà soulevée en octobre dernier par l’ex-préfète de Région, Nicole Klein, comment garder la même production laitière dans la Somme.
Face à ce dilemme, l’Etat, comme les collectivités territoriales, ont réagi chacune à leur échelle, à savoir un Plan de soutien à l’élevage pour la première, et des plans d’urgence pour les autres. Ces dernières ont fait appel aux organisations professionnelles agricoles pour organiser la «riposte», comprenez la mise en place de mesures structurelles qui permettront à l’élevage d’être toujours présent à l’avenir et de mieux résister à la volatilité des prix, qui est un des paramètres induits par les marchés mondiaux. Pour ce faire, le Conseil départemental et le Conseil régional Nord-Pas-de-Calais-Picardie ont mis la main à la poche par le biais de crédits, le premier devant voter un crédit de 3 millions d’euros d’ici fin mars, le second ayant débloqué fin janvier une enveloppe de 3 millions d’euros dans le cadre d’un plan d’urgence aux éleveurs laitiers et à la filière.
Coaching et accompagnement
Un vaste dispositif de conseil va donc se mettre en place, composé d’un diagnostic et de l’accompagnement de tout éleveur qui le souhaite, dans la trajectoire de son atelier de production animale sur cinq ans. En 2009 déjà, en pleine crise laitière, outre un plan conjoncturel mis en place par le gouvernement de l’époque, un audit avait été lancé pour chaque exploitation laitière. Mais cet audit n’avait pas été exploité compte tenu du retour d’une conjoncture meilleure. D’où la question qui se pose ? L’opération Avenir élevage 80 aboutira-t-elle à la même impasse ?
«La différence entre 2009 et aujourd’hui, c’est que l’on doit organiser la résistance de la filière en attendant une meilleure conjoncture, et une résistance permettant aussi d’anticiper les bons et mauvais cycles économiques», explique Daniel Roguet. Autrement dit, en période de faste, les exploitations doivent constituer un «trésor de guerre» en prévision du retour des mauvais jours. Mais la grande nouveauté du dispositif réside dans le fait que le diagnostic établi pour chaque exploitation et l’accompagnement proposé resteront «le projet de l’éleveur et les solutions apportées seront les siennes», ajoute le président de la Chambre d’agriculture.
Plan performance et contrat de progrès
Deux outils seront proposés aux éleveurs qui souhaitent entrer dans cette démarche. Le premier est le plan performance sur un jour et demi. Il comprend une analyse technico-économique, un Capacilait et une fiche «Avenir lait» pour optimiser les moyens de production existants. Le second est le contrat de progrès sur trois jours et demi, incluant une réflexion globale sur le système de production. «Ce contrat doit resituer l’entreprise et l’entrepreneur dans son contexte, son environnement, sa famille, ses aspirations et ses perspectives. Autrement dit, c’est l’éleveur qui écrit avec les conseillers la trajectoire de son entreprise», précise Daniel Roguet.
Ces deux formules verront l’intervention de techniciens de la Chambre d’agriculture, d’Avenir conseil élevage, d’experts économiques des centres de gestion comme Cerfrance, auxquels s’ajouteront à mi-chemin le banquier, le vendeur d’aliments et la coopérative laitière. Coût pour l’éleveur ? 20 % de l’enveloppe globale, le reste étant financé par le Conseil régional et le Conseil départemental. Une participation qui s’impose, puisque c’est le projet de l’éleveur.
Reste que l’abandon de l’activité laitière par certains sera inévitable. Partant de ce principe, l’opération Avenir élevage 80 aura aussi pour objectif de favoriser le transfert d’ateliers aux normes ICPE, ce qui est aussi une nouveauté dans les plans d’action mis en place jusqu’ici. Pour ce faire, un répertoire des bâtiments d’élevage vacants et aux normes IPCE sera constitué afin de favoriser leur réutilisation par d’autres éleveurs, notamment par des candidats à l’installation.
Et pour que les principes posés dans le cadre de cette opération ne restent pas lettre morte, ils seront déclinés dans une charte d’engagement «Avenir élevage 80», qui devrait être signée fin mars par tous les partenaires, à savoir la Chambre d’agriculture, la FDSEA, les JA, Cerfrance Somme, Avenir conseil élevage, Lact’Union, Cobevial, Sodiaal, Noriap, le Crédit agricole Brie Picardie, le Conseil départemental, le Conseil régional et l’Etat.
Chiffres clés de l’élevage
- 4 500 exploitations dans la Somme, dont une exploitation sur deux avec de l’élevage : 22 % bovins lait, 22 % bovins viande, 3 % ovins, 2 % volailles et 1 % porcins. 50 % en grandes cultures
- Pertes : quasiment 600 éleveurs en six ans, l’effectif étant passé de 2 328 en 2009 à 1 747 en 2016
- Production laitière : 427 millions de litres en 2015