PAC : comment s'adapter pour contrer la baisse des aides
L'impact de la réforme de la PAC analysée à l'assemblée générale de CER France Somme.
On l'a déjà annoncé et expliqué à maintes reprises, les DPU vont se réduire et la Somme fait partie des départements qui perdront le plus dans la nouvelle PAC qui entrera pleinement en application en 2015. Et cette baisse des aides se fera sentir dès 2014.
Paiement de base, paiement vert, paiement redistributif sur les 52 premiers hectares, aides couplées... à partir de tous ces éléments qui vont déterminer le niveau de l'aide, les conseiller du centre de gestion ont effectué leurs calculs qu'ils ont présentés lors de l'assemblée de CER France Somme le 21 janvier dernier.
Partant d'un niveau d'aide moyen de 345 euros/ha dans le département (moyenne qui cache bien entendu de gros écarts), ils évaluent la baisse à 51 euros (- 15%) en 2015 et à 105 euros (- 30%) en 2019 dernière année de la réforme. L'impact de la réforme varie peu selon les systèmes d'exploitation : tous seront perdant. Et plus le DPU est élevé, plus la perte sera forte.
Alors que faire pour que la baisse des aides ne se transforme pas en perte de revenu ? La recette n'est pas nouvelle : on peut jouer d'une part sur le produit et d'autre part sur les charges.
Accroître le chiffre d'affaires
Etre plus productif. Oui, mais comment ? "Il faut d'abord bien regarder ce qui change dans son environnement économique et sociétal", indique Xavier Descamps, conseiller au centre de gestion. Le foncier, de plus en plus cher, va rester un facteur limitant. Côté production, on pourra produire librement du lait et des betteraves, plus de quotas. Côté distribution, les circuits court montent en puissance. Et dans la région, les gros moyens engagés sur le développement de la chimie verte devraient à terme ouvrir de nouveaux débouchés aux produits agricoles.
Xavier Descamps donne ensuite quelques pistes pour l'exploitation.
- Intensifier mais de manière raisonnée, par exemple en recherchant le rapport économique optimum entre le prix de la tonne de blé et l'unité d'azote. En lait, produire plus pour améliorer sa marge brute.
- Choisir des productions dont le marché est porteur à long terme. Par exemple les protéagineux que l'on veut redynamiser, les légumes...
- Se diversifier dans la vente de proximité, la méthanisation...
- Mieux valoriser ses productions, par exemple en améliorant le taux de protéine du blé, en installant un atelier de transformation...
Mécanisation et main-d'œuvre
L'action sur les charges passe par deux voies. Premièrement, l'optimisation technique, c'est à dire obtenir la meilleure efficacité possible des intrants (engrais, phytos, aliments... ) par rapport au rendement. Les marges de progrès sont grandes quand on constate par exemple les énormes écarts existants entre les exploitations sur le coût des intrants en blé.
Deuxièmement, l'optimisation des coûts structurels, ceux de mécanisation et de main-d'oeuvre. "Prenons le cas d'une ferme céréalières de 100 ha, si elle augmente de 30% sa surface travaillée, elle fait baisser de 10% ses coûts de mécanisation", indique Christian Boddaert, conseiller au centre de gestion. "Augmenter sa surface, cela ne signifie pas forcément s'agrandir, ce peut être rechercher des solutions collectives sur un chantier, un matériel... "ajoute-t-il.
Il y a aussi du travail à faire pour accroître la productivité de la main-d'oeuvre comme le montre la dispersion des niveaux en production laitière. Une question d'organisation, de taille d'entreprise...
Il y a dans tout cela finalement rien de bien nouveau. Ce qu'il importe, ont conclu les conseillers, c'est que chacun prenne d'abord bien conscience de la baisse de ses aides, et ensuite se projette dans le temps et voit comment il va s'adapter en fonction de son environnement, de ses points forts, de ses points faibles, de ses goûts, de ses compétences.
ZOOM
2014 : encore un bon crû pour la ferme Somme
Les résultats sont certes un peu en retrait par rapport aux trois précédentes années, mais 2013 reste encore un bon crû pour la ferme Somme. A la surprise générale, les rendements ont été bons, voire très bons, dans la plupart des cultures (on a atteint 9,2 t/ha de moyenne en blé approchant le record du département), la qualité est satisfaisante, et les charges proportionnelles sont demeurées stables. Et si les prix ont baissé en productions végétales, ils ont augmenté pour le lait. C'est ce qu'a indiqué Xavier Descamps, illustrant les résultats par deux exemples.
D'abord le blé qui dégage une marge brute prévisionnelle moyenne de 1 086 euros/ha en baisse d'un peu plus de 200 euros à cause de la baisse du prix prévu à 175 euros/t. "Nous avons vécu trois années exceptionnelles, on se recadre maintenant par rapport à la moyenne qui depuis une vingtaine d'années se situe autour de 1 000 euros de marge brute.
Ensuite le lait qui dégage une marge brute prévisionnelle moyenne de 209 euros les 1000L, en hausse de 26 euros sous l'effet de la hausse du prix prévu à 350 euros. Ce qui est réjouissant par rapport aux difficultés des années précédentes et sachant que la moyenne des cinq ans se situe à 192 euros les 1000L.
Au niveau de l'exploitation, cela se traduit par un EBE (l'indicateur de la rentabilité du système de production de l'entreprise) que le centre de gestion estime pour l'instant à 776 euros/ha. Un bon niveau mais toutefois inférieur à la moyenne des cinq ans (839 euros/ha).
Pourquoi ? "Parce que les charges de structure ont nettement augmenté en cinq ans, explique Christian Boddaert. La hausse affecte tous les postes, exceptés les frais financiers". Si l'on ne peut agir sur certains de ces postes comme les fermages et les cotisations sociales, en revanche l'investissement dans le matériel dépend des choix des exploitants qui ont ces derniers temps beaucoup acheté. "Dans l'absolu, augmenter ses charges ne mécanisation n'est pas forcément gênant, mais attention si l'on retrouve une mauvaise année comme 2009", met en garde le conseiller.
Alors que la récolte 2013 est bonne, la capacité d'autofinancement est négative (il manque 7 000 euros en moyenne). "Le niveau des annuités est trop élevé pour pouvoir respecter un bon équilibre financier. Il n'y a pas d'autre solution pour retrouver cet équilibre que de réduire ses prélèvements privés", commente Christian Boddaert. «L’important est de ne pas dégrader sa trésorerie. D'autant qu'une mauvaise année peut toujours survenir et surtout que les aides PAC vont baisser».