Pac : vers la fin de la politique agricole commune ?
La commission des
Affaires européennes de l’Assemblée
nationale a organisé une table ronde sur l’avenir de la Politique agricole commune.
Le futur budget de la Pac et le «New delivery model» sont au cœur des préoccupations des députés.
La commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale a organisé une table ronde sur l’avenir de la Politique agricole commune, le 23 mai, alors même que les députés de l’Assemblée nationale examinaient au même moment le projet de loi issu des Etats généraux de l’alimentation. Cette réunion s’est tenue à l’occasion de l’ouverture du cycle de travail de la commission sur le sujet, et après la présentation par la Commission européenne de ses propositions, pour le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne.
Sabine Thillaye, la présidente de la commission, a rappelé que ces propositions incluaient une baisse «sans précédent» du budget de la Pac et suscitaient de vives inquiétudes quant aux revenus des agriculteurs avec la baisse des paiements directs. «Pour garantir la souveraineté alimentaire de la France et de l’Europe, il faut garantir un revenu aux agriculteurs et un budget de la Pac à la hauteur de ses ambitions», a défendu la députée d’Indre-et-Loire.
La Commission européenne a en effet proposé de baisser le budget de la Pac de 5 %. Une réduction qui pourrait être bien plus importante dans les faits, pour deux raisons. «Cette coupe n’est pas calculée sur la moyenne des paiements des sept années précédentes (2014-2020), mais sur la dernière, explique Paolo De Castro, député S&D italien et vice-président de la commission Agriculture. De plus, l’évaluation de 5 % est donnée en euros courants et non constants.»
Risques de distorsions de concurrence
L’autre point qui suscite des inquiétudes, c’est le «New delivery model». Les Etats devraient élaborer un projet de politique agricole au niveau national, comme c’est déjà le cas pour le développement rural. «Si cela n’est pas bien géré, cela pourrait se transformer en renationalisation de la Pac, ce que nous ne voulons pas», prévient Paolo De Castro. Le député italien s’inquiète aussi de voir ces politiques nationales se transformer en politiques régionales, puisque de nombreux Etats membres, comme l’Italie ou l’Allemagne, ont donné la responsabilité de la politique agricole aux régions. «Nous n’aurions plus un plan national en Italie, nous aurions vingt plans régionaux, et cela démultiplierait la complexité démocratique, qui passerait du niveau européen aux Etats membres», s’inquiète-t-il. Ce genre de système risquerait donc de créer davantage de distorsions de concurrence. Le député craint qu’il puisse aussi aboutir à un cofinancement du premier pilier, comme c’est le cas pour le deuxième pilier de la Pac.
Enfin, donner la responsabilité aux Etats soumettrait les plans de politique agricole aux changements de gouvernements et les exposeraient à davantage de correction financière. «Cela pourrait être l’antichambre de la fin de la Pac, qui a pourtant uni, pendant cinquante ans, les agriculteurs de l’Europe. Je ne pense pas qu’on puisse prendre le risque de laisser cette Pac à la responsabilité nationale», conclut le député Paolo De Castro.
La Pac dépasse les clivages politiques
Invité à participé à la table ronde, Henri Brichart, vice-président de la FNSEA, considère le «New delivery model» comme une «fausse bonne idée», et s’inquiète lui aussi d’un «premier pas vers la fin de la Pac». «Ce n’est pas la bonne manière de rendre plus acceptable la Pac pour les agriculteurs. On a plus l’impression que la commission renvoie le bébé aux Etats membres», dénonce-t-il. «Le Parlement européen comprend bien que cette Pac est devenue une politique très bureaucratique», assure pour sa part Herbert Dorfmann, le député italien PPE en charge du rapport d’initiative relatif au futur de l’agriculture, qui partage toutefois les craintes des autres députés. «On doit se demander quelle agriculture nous voulons en Europe, je pense que le modèle que nous portons, basé sur des exploitations familiales, doit rester notre objectif», défend-t-il.
«Nous devons avoir très vite un discours très clair au sein des différentes institutions, ce qui nécessite, par-delà les sensibilités politiques, un minimum de coordination», alerte le député européen français PPE Michel Dantin.