Paul Lescot : dans les champs et derrière les fourneaux
Le 22 mai, dans le cadre du Printemps à la ferme, la famille Lescot organisera une porte ouverte à sa ferme des Coudriers, à Coisy.
Paul Lescot a été habitué à manger de bonnes choses. «Je suis très gourmand. Vous n’imaginez pas tout ce que je peux manger», assure crânement l’agriculteur de 27 ans, installé sur la ferme des Coudriers depuis 2013. A observer son corps fluet, on se demande bien où il peut mettre tout ce qu’il mange. Mais il suffit de l’écouter parler de ses produits et, plus généralement, des produits picards pour comprendre qu’il a un appétit d’ogre. Ainsi est-il face à un mets savoureux, ainsi est-il dans son travail.
L’agriculture, «c’est de famille». De père en fils, ils sont céréaliers. Sur leurs 160 ha, ils cultivent du blé, du colza, des orges, du pois, du maïs et de la betterave sucrière. Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, Paul n’a pas plus grand plaisir, enfant, que d’accompagner son père à la moisson quand il n’est pas à l’école. S’il ne sait pas alors ce qu’il fera exactement à l’âge adulte, la boulangerie l’attire beaucoup. «J’ai toujours été attiré par l’alimentaire, le contact avec la matière et sa transformation», confie-t-il.
Il fera donc un CAP de boulanger-pâtissier, mais après avoir passé son Bac, à la demande expresse de ses parents. Il enchaîne avec un BTS agrico-technico-commercial en produits alimentaires, au Paraclet. Fabriquer et transformer un produit, c’est bien, mais le vendre, c’est encore mieux, puisque «vous faites votre produit de A à Z, et vous en assurez sa promotion par la vente. Cela redonne du sens à son métier. On sait pourquoi et pour qui on fait notre travail. C’est bien mieux que de faire du blé juste pour le livrer à une coopérative», explique Paul. Mais être patron à vingt ans, c’est encore un peu tôt, juge-t-il. Il sait qu’il a encore beaucoup à apprendre.
Aussi commence-t-il sa carrière professionnelle en tant que commercial dans la grande distribution. Fruit du hasard ou pas, son portefeuille se compose de boulangers-pâtissiers. Si l’expérience est riche, elle finit cependant par le lasser. Il ne se retrouve pas dans le credo du groupe, obsédé par les résultats chiffrés. Son envie ? S’installer comme agriculteur dans la ferme familiale de Coisy. «Je voulais à tout prix revenir sur l’exploitation, mais il me fallait pour cela trouver un projet me permettant de transformer la production de mon père afin de créer de la valeur ajoutée», raconte-t-il. Pour ce faire, il voyage dans l’hexagone pour aller à la rencontre de producteurs de farine et d’huile. De la Normandie, en passant par la Charente-Maritime, mais aussi par le réseau Bienvenue à la ferme, il trouve enfin la réponse à sa question.
Les mains dans la farine
Ce sera la farine et des produits dérivés tels que des tartes, des biscuits, des cakes, des quiches et des préparations pour des biscuits. L’opportunité de s’installer se présente enfin lorsqu’il peut récupérer les terres de ses grands-parents, qui arrivent en fin de bail. Il s’associe avec son père sur la ferme. D’emblée, il joue la carte terroir en intégrant les réseaux Bienvenue à la ferme, Terroirs de Picardie et Somme Produits locaux. Mais il refuse de travailler avec la grande distribution, car «elle utilise l’image des producteurs. Je pense qu’en ce qui la concerne, elle surfe sur un phénomène de mode. Quand cette mode passera, elle n’aura plus besoin de nous. Il faut donc apprendre à travailler sans elle», est-il convaincu.
Avec son moulin à meule de pierre, il fabrique 300 kg de farine par mois, soit 20 % de la capacité du moulin. De quoi laisser une marge pour monter en puissance si la réussite est au rendez-vous. Il fait de la T80, qu’il utilise pour toutes ses recettes et de la farine complète. «Avec le moulin à meule, on obtient une farine plus goûteuse, et qui conserve le germe du grain, ce qui accentue encore plus son goût», précise Paul.
Sa présence sur les marchés, trois fois par semaine, la vente de ses produits dans les épiceries fines, les magasins éphémères ouverts à Noël à la ferme des Coudriers, les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille lui assurent des débouchés immédiats et intéressants sur le plan financier. Mais, loin de se reposer sur ses lauriers, il a décidé de continuer à creuser son sillon.
Il veut désormais développer sa présence sur les marchés de producteurs, et étoffer sa gamme de produits salés, car «cela marche bien avec les quiches que nous fabriquons à base seulement de produits picards», insiste-t-il. Les œufs, la crème fraîche, comme certains fruits viennent tous des fermes environnantes. Seul compte pour lui ce qui vient du terroir. De quoi mettre encore plus en avant le circuit court, qui représente pour lui 50 % de sa vente. Et de sourire encore en repensant à la perplexité de certains quand il évoquait les circuits courts. «Certes, faire du circuit court nécessite pas mal de compétences. Puis, cela prend du temps, mais c’est créateur d’emplois, et cela permet de vivre mieux. L’autre avantage, c’est que l’on sait beaucoup de choses de nos clients, et donc de leurs envies», souligne Paul.
Ayant eu l’opportunité avec la plateforme technologique de l’université picarde Jules-Verne de faire de l’huile de colza, il n’a pas hésité non plus à se lancer. L’an dernier, ce sont un peu plus de 1 200 bouteilles de colza qui ont été fabriquées, ainsi qu’une bonne centaine de bidons de cette même huile qui partent dans les cantines scolaires. Puis, demain, s’il trouve le boulanger qui voudra bien faire du pain avec sa farine, il le vendra sur les marchés.
Des idées, il est évident qu’il en aura d’autres. Parce que sa motivation première est de «donner du bonheur aux gens avec les produits que l’on fait pour eux. C’est aussi pour cela que je suis si attaché à la qualité», dit-il.
Programme du 22 mai
- Visite du moulin
- marché des producteurs locaux
- démonstration cuisine par le chef J.-M. Descloux
- Animations et jeux pour enfants.
- Paniers garnis à gagner
- restauration rapide
- dégustation des produits locaux
De 10h à 18h, 9 rue de Perriot, Coisy