Paysage numérique agricole des Hauts-de-France
Le 5 février, la Draaf organisait, à Amiens, le premier séminaire de la plateforme régionale «Agricultures du futur».
«Le numérique est un élément clé de la transition agricole.» Personne n’émet d’objection sur le sujet, aujourd’hui. Autre postulat non contesté : tous ces nouveaux outils bouleversent de fond en comble les pratiques des agriculteurs dans leurs exploitations, tant dans leurs champs que dans les connexions qu’ils peuvent établir entre eux, au sein d’un groupe par exemple, comme avec les coopératives, les entreprises, les instituts de recherche, et même avec les citoyens, grâce à une traçabilité renforcée de leurs productions. «En développant toutes ces connexions entre les parties concernées, on fera avancer plus vite les Hauts-de-France», estime Christophe Buisset, président de la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France.
Et l’agriculture de notre région ne manque pas d’atouts sur le sujet. «Les Hauts-de-France sont bien placés par la puissance de leur agriculture, leur potentiel de recherche, leurs start-up, leurs coopératives et négoces. Tout cela crée un écosystème très prometteur», assure Marie-Sophie Lesne, vice-présidente en charge de l’agriculture au Conseil régional des Hauts-de-France. Reste qu’en matière d’innovation numérique agricole, la concurrence est rude entre les régions françaises.
Une fois cela précisé, la région des Hauts-de-France est cependant loin d’être à la traîne sur le sujet. Nombreux sont, en effet, les acteurs à être impliqués dans le numérique agricole, mais savoir qui fait quoi exactement est une autre paire de manche. Aussi l’objectif du séminaire, organisé par la Draaf Hauts-de-France, ce mardi, consistait à dresser un panorama de l’existant afin d’établir des mises en relation et en réseaux de ces acteurs, comme un nouveau partenariat entre l’Etat, la Région et les chambres d’agriculture autour de la plateforme régionale «Agricultures du futur», ainsi que le rappelle Michel Lalande, préfet de Région.
Qui sont ces structures ou acteurs ? A défaut d’avoir des données chiffrées, à l’ère pourtant du numérique, tous s’accordent à dire que les structures qui utilisent, fabriquent ou expérimentent les outils numériques (robots, logiciels, objets connectés, capteurs, drones, GPS…) sont en grand nombre dans notre région. «Nous disposons d’une vraie richesse dans les Hauts-de-France, grâce à la présence de nombreux acteurs. Des start-up travaillant sur des objets connectés émergent régulièrement dans notre territoire. Par ailleurs, les structures qui en utilisent (coopératives, établissements de recherche, Ferme 3.0 et agriculteurs notamment) augmentent, ainsi que les structures qui font de la recherche», précise Marion Lhote, chef de projet «Agricultures du futur» à la Draaf.
Les axes de recherche
Deux établissements supérieurs se distinguent en la matière : la plateforme AgriLab sur le campus d’UniLaSalle à Beauvais, et l’Isa à Lille. Sans oublier Euratechnologies, l’incubateur et accélérateur de start-ups dans la métropole lilloise. Autre pôle d’excellence : la robotique pure et dure à Saint-Quentin. Enfin, l’agglomération de Compiègne et celle de Beauvais se sont associées pour travailler autour de l’agro-économie.
En matière de recherche numérique, l’essentiel des travaux porte toutefois sur les filières végétales. Au menu : stations météorologiques connectées, sondes, capteurs pour déterminer la nature des sols, l’humidité, le pH, la teneur en azote, le potassium, etc. Côté élevage, hormis les robots de traite, arrivés depuis pas mal de temps dans les exploitations, la recherche est moindre. Néanmoins, un nouveau pan serait à explorer, selon Marion Lhote, soit des capteurs en lien avec le bien-être animal, mais rien n’est au point pour le moment sur ce sujet. La viticulture est également un parent pauvre, sa présence dans une partie de l’Aisne uniquement expliquant sans doute cela.
L’apport de l’Etat et des collectivités
Avec ce séminaire, l’Etat, représenté par la Draaf, ainsi que la Région et les chambres d’agriculture cherchent à identifier tous les acteurs qui sont parties prenantes dans l’agriculture numérique pour définir leurs besoins, qu’ils soient financiers, de compétences, de mises en réseaux, ou encore la complémentarité des projets territoriaux entre eux. «Le besoin d’améliorer la connexion entre ceux qui produisent les outils numériques et ceux qui seraient capables de les expérimenter, notamment les lycées agricoles, se fait sentir. Sans compter les agriculteurs qui sont prêts à jouer le jeu», indique Marion Lhote.
Autre levier tout aussi intéressant : les collectifs d’agriculteurs autour de l’agro-écologie. Aujourd’hui, le réseau des fermes Dephy et les GIEE en sont une bonne illustration. Mais il demeure compliqué de réunir une dizaine d’agriculteurs sur une même problématique. De ce fait, un appel à projets a été lancé l’an dernier pour la constitution de groupes émergents (un groupe se compose de cinq agriculteurs, ndlr).
Une fois cela dit, si le numérique dans l’agriculture est porteur de richesse pour l’agriculture, «ce n’est qu’un outil pour servir l’agro-écologie. L’objectif est de remettre l’agronomie au cœur des pratiques et du métier d’agriculteur. Le numérique ne remplacera pas l’agriculteur. On parle beaucoup de capteurs dans l’agriculture, mais le premier des capteurs, et qui reste le plus utile, est l’agriculteur, et ceci n’est pas une formule de Bisounours. Reste qu’en redonnant des compétences aux agriculteurs, il va falloir, à un moment, qu’ils soient formés», conclut Marion Lhote. Si le numérique est une clé pour améliorer les pratiques et les capacités de l’agriculture, le savoir, lui, restera toujours la clé de voûte de la «maison» agricole.