Philippe Croizon : agir comme si tout était possible
L’assemblée générale de Cerfrance Somme, le 21 janvier, s’est clôturée par une conférence de Philippe Croizon.
«C’est l’histoire d’un mec... Vous la connaissez ? Non ? Oui ?». Ainsi pourrait commencer l’histoire d’un mec, comme blaguait Coluche, avec une variante pour la suite, celle d’un mec qui, à vingt-six ans perd, ses bras et ses jambes à la suite d’un accident à la con. Une échelle, un toit pentu, une antenne de télévision et un fil électrique tout à côté, qui lui ont volé ses précieux membres. C’est ce mec-là que Cerfrance Somme avait décidé d’inviter pour clôturer son assemblée générale, à Amiens, ce lundi. Un handicapé ? «Non, une personne capable autrement», corrige-t-il.
Capable, ce mec-là, Philippe Croizon, l’a été. Durant plus d’une heure, il a tenu en haleine son auditoire (plus de 900 personnes) avec le récit de sa tragédie, devenue une belle histoire, celle d’un homme debout, qui a décidé d’agir, comme si tout était possible. Et si c’est lui et pas un autre que Cerfrance a choisi, c’est parce qu’il est la preuve vivante qu’il faut toujours avoir envie d’avancer et d’entreprendre dans nos vies, personnelle comme professionnelle. En ces temps de morosité, de malaise social profond dans notre pays, de désespoir que ne cessent de dévoiler les «gilets jaunes», d’économie chaotique, de difficultés pour beaucoup d’entreprises de petite taille, ce message d’espoir était tout sauf un luxe.
Une belle vie
L’histoire de ce mec ? Un simple ouvrier de la métallurgie, qui, après son accident, et une longue période de déshérence et d’abandon de soi-même, devient, quelques années plus tard, un sportif hors norme. Traverser la Manche à la nage sans bras ni jambes ? Faut être fou pour se lancer à moins d’avoir envie de mourir. Il l’a fait. Relier les cinq continents à la nage. Nouvelle lubie le faisant courir à sa perte ? Il l’a fait. Le Paris-Dakar en 2017 ? Il l’a fait aussi. S’arrêtera-t-il un jour ? Pas sûr, parce que «tout est possible, l’impossible, c’est juste nous», martèle Philippe Croizon.
Sa recette ? «Une idée, ensuite la recherche d’informations. Là, j’ai peur, mais c’est trop tard, l’aventure est lancée», raconte-t-il. Cette recette, il l’a expérimentée pour la première fois avec la traversée de la Manche à la nage. Un rêve qui refait surface sur un plateau de télévision, où on lui demandait d’intervenir sur la question du handicap. Tout cela, parce qu’il avait sauté en parachute, sans bras ni jambes. Et, sans réfléchir, quand on lui demande quel sera son prochain défi, il annonce sans réfléchir, qu’il souhaite traverser la Manche à la nage. La parole est lancée. Le piège se referme. Le 18 septembre 2010, il atteint la côte calaisienne.
Mais avant de réaliser cet exploit, c’est une longue traversée du désert qu’il a dû affronter, en découvrant sur son lit d’hôpital son état. Après une phase de négation de tout son être, ont suivi des temps de négociation avec lui-même, puis de la dépression, de la colère, et, enfin le retour à la vie et l’acceptation. Des années de lutte qui, sans doute, sont loin d’être achevées, même si l’homme est bel bien debout, face aux caméras comme devant des salles. «On peut avoir une belle vie, mais à condition de cesser de croire que les choses ne sont pas possibles. Il faut aller de l’avant, laisser ses peurs au placard et dépasser ses limites», insiste-t-il.
Mais croire en soi ne saurait suffire. L’autre leçon qu’a tirée Philippe Croizon, et qu’il tient à partager, c’est de rappeler combien il est important de faire équipe, de jouer collectif, et de ne pas craindre de demander un coup de main. «Il n’y a pas de honte à demander de l’aide. C’est même un moment de partage», ajoute-t-il. Avant de revenir sur sa traversée de la Manche : «Je n’ai pas traversé la Manche à la nage. On a traversé la Manche à la nage, et on a réussi.» L’histoire d’un mec qui a compris ce qu’était de faire avec les autres.