Phytos : l’UE doit aller plus loin dans leur évaluation
Dans un rapport d’initiative, le Parlement européen demande à la Commission européenne et aux Etats membres de l’UE de consolider la procédure d’autorisation des produits phytosanitaires en Europe.
Le Parlement européen a voté le 16 janvier, à Strasbourg, à une large majorité (526 voix contre 66 et 72 abstentions) en faveur du rapport d’initiative (et donc non contraignant) de sa commission spéciale sur la procédure d’autorisation des pesticides dans l’Union européenne, mise en place suite à la prolongation de la licence du glyphosate fin 2017.
Les recommandations des deux co-rapporteurs, Norbert Lins (PPE, Allemand) et Bart Staes (Verts, Belge), adressées à la Commission européenne, aux Etats membres et à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), ont été adoptées quasiment sans amendements, le texte ayant fait l’objet d’un long travail de compromis. Seul le groupe conservateur s’y est opposé, estimant que les recommandations remettent en cause le système d’autorisation de l’Union européenne et son expertise scientifique suffisamment performants. Avec ce projet, le Parlement européen vise à renforcer la confiance dans la procédure d’autorisation des pesticides, en la rendant plus transparente et plus responsable.
Responsabilité politique
Les eurodéputés préconisent notamment un registre public de toutes les études et données brutes dans un format utilisable ; l’accès du public à toutes les études scientifiques avant que l’Efsa procède à l’évaluation, en tenant compte des intérêts commerciaux des entreprises, des ressources financières plus importantes pour l’Efsa, de la désignation par la Commission européenne de l’Etat membre rapporteur pour évaluer une substance active, de l’inclusion de la toxicité à long terme dans les données exigées pour l’évaluation des risques des produits phytosanitaires, du renforcement de l’évaluation post-mise sur le marché, du lancement, par la Commission, d’une étude épidémiologique sur l’impact des pesticides sur la santé humaine.
Les eurodéputés souhaitent également une plus grande responsabilité politique, avec notamment une publication des résultats des votes des Etats membres dans le cadre de la «procédure de comitologie».
Quelques amendements supplémentaires ont été adoptés, notamment celui présenté par le président de cette commission spéciale, le Français Eric Andrieu, plaidant pour la création d’un comité indépendant, composé de magistrats et de hauts fonctionnaires, pour garantir l’absence de conflits d’intérêts à l’Efsa.
La commission assure qu’elle en tiendra compte
Les amendements du groupe de la Gauche unitaire, qui demandaient notamment l’interdiction immédiate du glyphosate et de tous les néonicotinoïdes ont, eux, été rejetés. Eric Andrieu a souligné, à l’issue du vote, qu’interdire le glyphosate et tous les néonicotinoïdes n’était pas la mission de la commission spéciale pesticides. «Notre mandat était de faire des propositions d’amélioration. Nous sommes là pour préparer une loi qui préserve la santé, l’environnement pour l’avenir», a-t-il indiqué.
Le commissaire européen à la santé, Vytenis Andriukaitis, a assuré que ces recommandations seraient prises en compte dans l’évaluation en cours du règlement de 2009 sur l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. «Je vous présenterai les résultats au cours du premier semestre», a-t-il promis. La Commission actuelle, dont le mandat prendra fin au mois de novembre, ne devrait néanmoins pas s’emparer de ce dossier.
Enfin, l’industrie des produits de protection des plantes (ECPA) s’est félicitée de ce vote, indiquant «qu’il y a clairement des éléments du rapport sur lesquels nous ne sommes pas d’accord en fin de compte mais, dans l’ensemble, il semble y avoir une chose sur laquelle tout le monde peut s’entendre, à savoir que l’Europe a le système le plus strict du monde en matière d’approbation des pesticides».
Glyphosate : mauvaise passe
Le groupe des Verts du Parlement européen a présenté, le 15 janvier à Strasbourg, à la veille d’un vote sur la procédure d’autorisation des pesticides dans l’Union européenne, un nouveau rapport confirmant dans le détail le «plagiat à hauteur de 50 %» auquel a procédé l’Institut fédéral d’évaluation des risques (BfR) de l’Allemagne dans le cadre de la réévaluation des risques du glyphosate dans l’Union européenne dont il était chargé. Cet institut s’est «affranchi des obligations légales d’indépendance et d’objectivité», dénoncent les Verts. Une autre étude, publiée dans la revue Environmental Sciences Europe, le 14 janvier, montre, elle, que les études sur le caractère cancérigène du glyphosate menées par l’industrie concluent pour seulement 2 % d’entre elles à une génotoxicité du produit alors que pour les travaux publiés dans des revues scientifiques ce taux atteint 67 %.
En France, le tribunal administratif de Lyon a annulé avec effet immédiat, dans un jugement du 15 janvier, l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360, un herbicide à base de glyphosate commercialisé par Monsanto et renouvelé en mars 2017, soulignant que «le principe de précaution» avait été négligé. Le tribunal estime en effet que, «malgré l’approbation de la substance active par l’Union européenne», ce produit est «potentiellement cancérigène pour l’homme», et «suspecté d’être toxique pour la reproduction humaine et pour les organismes aquatiques».