Picardie maritime : la solidarité joue pour sauver les récoltes
A l’initiative de la Fdsea, une réunion a été organisée pour trouver des solutions aux difficultés des agriculteurs des bas champs et alentours.
Jeudi 8 novembre, une petite cinquantaine d’agriculteurs du secteur bas champs et alentours se sont retrouvés lors d’une rencontre organisée par la Fdsea. Il s’agissait de trouver des solutions pour ceux qui sont toujours dans l’impossibilité de récolter leur maïs ensilage et de semer leurs blés. Denis Delattre, secrétaire général adjoint de la Fdsea, était présent, en compagnie de Daniel Roguet, président de la chambre d’agriculture, Jean-Luc Becel de la Ddtm, René Magnier, expert de Groupama, et plusieurs représentants des organisations professionnelles agricoles.
Près d’une dizaine d’éleveurs n’avaient ensilé que partiellement, voire pas du tout, leur maïs sur les communes de Cayeux, Favières et Quend et l’inquiétude était grandissante quant à l’alimentation du bétail. Depuis, les conditions météo ont permis à certains de forcer la récolte. Pour cela, il a fallu faire appel à la solidarité : les voisins sont venus avec leurs puissants tracteurs, mais des petites bennes jamais totalement remplies ; un tracteur supplémentaire était toujours là pour tirer les autres, sans oublier le nettoyage de la route entre deux passages. Les agriculteurs tiennent aussi à remercier les entrepreneurs qui ont fait tout leur possible pour sortir le maximum de maïs. Sans oublier les pommes de terre dont une bonne partie est encore en terre sur les secteurs de Crécy et Doullens.
Certains sont aussi allés ensiler du maïs sur des terres qui le permettaient, grâce, entre autre, à la mise en relation que la Fdsea a proposé dès la fin de la semaine dernière. Nombreux ont d’ailleurs été les agriculteurs qui en ont proposé quelques hectares. Cependant, dans certains endroits, la maturité du maïs est bien avancée. C’est pourquoi, lors de la réunion, Jean-Louis Pilar, conseiller élevage à la chambre d’agriculture, a expliqué comment adapter la ration en fonction du taux de matière sèche du maïs et des conditions de récoltes (voir ci-après).
René Magnier de Groupama est revenu sur l’assurance aléas climatique, même si nombreux sont ceux qui ne s’assurent pas puisque la grêle n’occasionne que très peu de dégâts sur la côte. En effet, les blés seront semés tard, et l’on peut penser que les rendements seront moindres. Il peut donc être envisageable de prendre une assurance aléas climatique. La démarche est à faire avant le 30 décembre prochain.
Christian Lesenne, conseiller à la chambre d’agriculture, a toutefois rappelé les expériences de 2001, année où des semis de décembre avaient pu encore donner entre 75 et 100 qx/ha. Un rappel des variétés et des dates de semis suivant les notes d’alternativité a d’ailleurs été réalisé lors de la réunion. Christian Lesenne a même ajouté que «tout espoir n’est pas perdu».
Certaines parcelles de maïs grain seraient récoltables en ensilage
Certains éleveurs n’ont pas pu ensiler leur maïs (ou qu’une partie). Compte tenu de l’avancement en saison, il est urgent pour eux de trouver des fourrages de substitution. Pour les troupeaux laitiers, le maïs reste l’aliment de base difficile à remplacer, du moins totalement.
Dans les zones de plaine, il reste des maïs sur pied destinés à la récolte en grain. Compte tenu de la météo particulière de l’année, certaines parcelles ne sont pas encore trop avancées en maturité et seraient récoltables en ensilage (l’idéal serait qu’il reste des feuilles vertes au dessus des épis). Si les plantes sont complètement desséchées, il y a des risques au niveau de la conservation ; il faut donc prendre un minimum de précautions :
- hacher le maïs suffisamment fin et surtout broyer les grains au maximum (éclateur) ;
- tasser de façon énergique les silos : dans la mesure du possible, éviter de faire des silos trop hauts.
L’idéal serait d’incorporer un fourrage plus humide et riche en sucres dans le maïs ou recouvrir le tas avec une couche de pulpes de betterave, voire de dérobées. Mais c’est compliqué à mettre en œuvre (il faut avoir tout en même temps et on est tout de même dans l’urgence).
Il ne faut pas perdre de vue qu’il y aura peu de sucres disponibles pour l’acidification et que plus vite le silo sera fermé, meilleure sera la conservation.
Dans les cas extrêmes, on pourra humecter le fourrage entre chaque remorque.
Il est également possible de récolter uniquement l’épi (ensilage d’épi entier) ou le grain (maïs grain humide) et de les conserver en silos «boudins» (quelques entreprises sont équipées de matériels spécifiques). On obtient un aliment de type «concentré», utilisable en complément d’un fourrage moyennent riche en énergie (foin, paille…).
Les techniciens de la chambre d’agriculture sont à la disposition des éleveurs pour réaliser des bilans fourragers, rationnement, voire visiter les parcelles de maïs disponibles
Contacts : Christian Lesenne au 03 22 20 67 33, Jean-Louis Pilard au 03 22 20 67 35, Daniel Platel au 03 22 33 69 73 (viande bovine).
TEMOIGNAGE
Emmanuel Noiret, agriculteur à Cayeux-sur-Mer
«L'union fait la force»
Agriculteur en gaec à Cayeux-sur-Mer, Emmanuel Noiret, son épouse et son frère avaient encore près de 35ha de maïs à ensiler vendredi 9 novembre. Il témoigne de la solidarité qui lui a permis de rentrer sa récolte.
«Notre idée de départ était d'essayer de passer avec des petites bennes de 8-10 tonnes chaussées préalablement avec des roues porteuses sur des tracteurs relativement puissants.
Le jeudi soir, après la réunion, d'après les échos des fermes qui avaient essayé cela n'était pas gagné!
Vendredi matin à 9 heures : la mise en route a été plutôt facile sur la première parcelle, mais la seconde s’avérait beaucoup plus compliquée. Quelques minutes à discuter avec notre entrepreneur et puis décision a été prise de faire appel à un second volontaire pour nous aider. Avec deux ensileuses il fallait voir la situation autrement : débarder le maïs avec les petites bennes et recharger dans les plus grandes pour aller à la ferme, quelques balles carrées, un télescopique et c'était chose faite.
Au final, il a fallu pas moins de deux ensileuses, six bennes au débardage, deux tracteurs pour les passages difficiles, sept bennes au rechargement, deux télescopiques et une tonne à lisier pour laver la route. Sans compter les personnes pour la circulation ainsi que les quelques agricultrices présentes pour le casse croute.
Tout ce monde pour nous rendre service et pour nous aider à la récolte de notre maïs qui servira de base à l'alimentation de notre cheptel. Certes nous ne figurerons pas dans le livre des records mais pour nous 23ha en deux jours c'était le défi à relever, avec pour nous une belle image, celle d'une solidarité exemplaire.
Je tiens à remercier tout ceux qui sont venus nous aider ces derniers jours et pour les ensilages qui restent encore».