PJL Egalim : le gouvernement tient sa ligne
Le gouvernement est parvenu à faire respecter la ligne qu’il s’était fixée lors de la seconde lecture par les députés du projet de loi Agriculture et Alimentation. Quitte à décevoir l’ensemble des syndicats agricoles.
Qu’il s’agisse du glyphosate - que le texte n’évoque toujours pas - ou des indicateurs de prix et coûts de production - dont les interprofessions restent entièrement responsables - le gouvernement a su faire respecter sa ligne par les parlementaires, lors de la seconde lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi Agriculture et Alimentation, qui s’est achevée le 14 septembre. Le texte a subi peu de changements, et encore moins en provenance de l’opposition ou de la profession agricole.
Concernant les indicateurs, le ministre de l’Agriculture martèle depuis des semaines qu’il ne souhaite pas que les pouvoirs publics interviennent dans leur fixation, incluant dans le giron public l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM). Une lecture que conteste la profession, qui voit dans l’OFPM un organisme indépendant.
Leurre ou consensus
A la recherche d’un «consensus», le rapporteur Jean-Baptiste Moreau a mis sur la table un amendement - avec avis favorable du gouvernement - contraignant les interprofessions à élaborer et diffuser des indicateurs de coûts de production et de prix. Le nouveau texte réserve un rôle de conseil à l’OFPM, mais aussi d’examen a posteriori, avec l’analyse de la prise en compte de ces indicateurs dans les contrats avec le premier acheteur, mais aussi tous les contrats en cascade.
Une main tendue qui ne satisfait ni les députés d’opposition, ni le syndicalisme majoritaire, qui demandent des sanctions en l’absence d’indicateur : «L’obligation maintenant affichée pour les interprofessions de produire ces indicateurs n’est malheureusement qu’un leurre dans la mesure où rien n’est prévu si cette obligation n’est pas satisfaite», ont commenté la FNSEA et les JA dans un communiqué.
Le texte n’a pas non plus bougé dans sa partie concernant l’introduction, au plus tard le
1er janvier 2022, des produits biologiques, labellisés, ou à haute valeur environnementale dans les menus des restaurants collectifs.
Discussions avec les riverains
Certains députés souhaitaient augmenter les pourcentages, ou intégrer la notion de production locale ou de circuit court. D’autres souhaitaient réduire les délais de mise en application. En revanche, un amendement exigeant une information plus régulière des usagers sur l’état d’avancement de chaque cantine pour intégrer les produits dans leurs menus a été adopté.
L’examen a toutefois apporté quelques nouveautés notables. Il est prévu que les chartes d’engagement sur l’usage des produits phytos à proximité des habitations soient désormais élaborées «après concertation» avec les riverains et à l’échelle départementale.
Pour rappel, le projet de loi prévoit que l’usage des produits phytos à «proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments soit subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux».
Les menus végétariens à l’essai
Les députés ont également convenu d’interdire, à compter du 1er janvier 2022, «la production, le stockage et la vente de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement». Ils rappellent que «certains produits phytopharmaceutiques sont en effet fabriqués en France puis exportés en dehors de l’Union européenne, alors que leur utilisation est interdite en Europe».
Les députés ont enfin prévu d’imposer l’introduction d’un menu végétarien au moins une fois par semaine dans les cantines scolaires. Il s’agit pour l’heure d’expérimenter la disposition pendant deux ans, et d’accompagner les collectivités dans l’élaboration de menus à base de protéines végétales.
Leurs auteurs se défendent de vouloir torpiller les filières carnées, justifiant que proposer une alternative à la viande est à la fois un moyen de varier l’origine des protéines ingérées, et de limiter le gaspillage alimentaire. «La part viande, poisson, œufs représente près de 50 % du coût du gaspillage», assure la député LREM Samantha Cazebonne.
Le texte ne pourra plus subir de modifications
Avec 276 voix pour, 59 voix contre, une question préalable a été adoptée le 25 septembre par le Sénat qui a ainsi rejeté le projet de loi Agriculture et Alimentation sans le modifier. Faute d’amendement des sénateurs, le texte ne pourra pas non plus être modifié lors de la lecture définitive à l’Assemblée le 2 octobre. «Dialoguer avec une assemblée sourde n’a aucune efficacité», a soutenu la sénatrice Sophie Primas, présidente LR de la commission des affaires économiques à l’origine de la motion de rejet, qui a également été adoptée par les sénateurs socialistes. «Si nous n’essayons pas, si nous restons les bras ballants, en attendant que les choses se passent comme d’habitude, c’est-à-dire que la distribution impose ses tarifs alors nous n’en sortirons jamais», a tenté de se défendre le ministre de l’Agriculture. «On peut être en désaccord avec la politique du gouvernement, mais on ne peut dénigrer ainsi le débat parlementaire et s’en exonérer», a répliqué Noëlle Rauscent, sénatrice LREM. Malgré le refus d’examiner le projet de loi en nouvelle lecture, Sophie Primas a prévenu : «la commission ne baisse pas les bras pour autant. Elle sera vigilante à la bonne constitutionnalité de ce texte, à son application, à l’écriture des ordonnances et à son évaluation dans le temps sur revenu des agriculteurs».