Arboriculture
Pommes et poires sous le coup d’une augmentation du prix de l’énergie
Épargnée par les difficultés de recrutement de travailleurs saisonniers, la coopérative Nelfruit subit en revanche l’augmentation des charges, dont celle du coût de l’électricité. Le point avec son directeur, Guillaume Lietard.
Épargnée par les difficultés de recrutement de travailleurs saisonniers, la coopérative Nelfruit subit en revanche l’augmentation des charges, dont celle du coût de l’électricité. Le point avec son directeur, Guillaume Lietard.
Dans les vastes bâtiments de la coopérative fruitière Nelfruit, ce n’était pas encore l’effervescence en ce début de semaine, mais l’ambiance devrait rapidement changer dans les prochains jours à mesure que la douzaine d’arboriculteurs adhérents amèneront leur production. Les premiers fruits à faire leur entrée sont des poires de variété Conférence, puis viendront ensuite les pommes de différentes variétés. Chaque année Nelfruit réceptionne entre
5 et 6 000 t de fruits – 60 % de pommes et 40 % de poires - issus de vergers de la Somme, de l’Aisne «et depuis trois ans, de la Marne et des Ardennes», détaillait le 6 septembre son directeur, Guillaume Lietard. Ce volume fait de Nelfruit la première coopérative fruitière des Hauts-de-France.
Conditions de récolte favorables
Comme au niveau national (lire en page 10), la récolte de pommes et poires 2022 dans la région s’annonce favorable, tant en volume, qu’en qualité : «Les conditions ont été favorables, constate le directeur de Nelfruit. Nous avons eu la chance de ne pas avoir de grêle et nous sommes passés à côté du gel contrairement à d’autres bassins de production. Il a ensuite fait chaud pendant l’été, mais la plupart de nos adhérents sont équipés d’irrigation.»
Autre avantage, et de taille, «notre noyau dur de producteurs est expérimenté, ce qui permet de savoir quoi faire quand cela est nécessaire». L’ensemble des adhérents sont labellisés «vergers écoresponsables», ce qui témoigne d’une démarche de progrès, tandis que la coopérative est elle-même engagée dans plusieurs démarches de certification.
Dans les vergers de la Somme et de l’Aisne, la récolte a débuté «il y a une quinzaine de jours, ce qui représente huit jours d’avance», poursuit M. Lietard, avec des fruits «à maturité, et bien chargés en sucre». Elle devrait se terminer «mi-octobre».
Pas de difficultés de recrutement, mais…
Une fois livrés dans les bâtiments de Nelfruit, les fruits sont réceptionnés, stockés, agréés puis conditionnés avant d’être expédiés chez les clients de la coopérative : 30 % des volumes sont vendus en GMS, 40 % à des grossistes et les 30 % restants sont destinés à la transformation. Au plan humain, l’entreprise emploie dix salariés permanents et fait appel à des travailleurs saisonniers, de septembre à mai, «principalement pour le conditionnement», explique le directeur pour qui le recrutement ne semble pas poser de difficultés particulières : «Nous avons la chance d’être en zone rurale. On emploie surtout des gens du coin qui sont des habitués. En général, ils attendent que l’on fasse appel à eux.» Une situation qui contraste donc bien avec celle vécue par les arboriculteurs adhérents de la coopérative qui peuvent rencontrer des difficultés à embaucher des cueilleurs.
Petits gestes face au coût de l’électricité
Ce qui risque de peser sur la nouvelle campagne en revanche, c’est l’augmentation du prix de l’énergie et des emballages. «On subit différentes hausses de plein fouet et de toutes parts», constate ainsi Guillaume Lietard, qui peut se targuer d’avoir anticipé certaines augmentations dès le mois de février dernier. «Rien que pour l’électricité, le prix a doublé par rapport au prix 2020-2021. Mais on n’est pas les plus mal lotis quand on voit par exemple que chez certains endiviers, la facture est multipliée par 3, voire par 3,5.» Pour son fonctionnement, la coopérative Nelfruit consomme en effet autour de 2 000 MWh d’électricité. Le stockage des fruits en frigo est le premier poste de dépense, avec des équipements qui tournent de septembre à juin entre - 1 et 4°. Dans les bureaux, les «petits gestes» ont été rappelés ces derniers jours : «On demande aux collaborateurs d’éteindre les ordinateurs le soir, de baisser un peu la température dans les locaux, mais on n’a pas de gros leviers, constate Guillaume Lietard. Ça ressemble à des économies de bout de chandelles, mais tout ce qui peut être optimisé l’est».
Répercussion commerciale compliquée
En matière logistique, la coopérative s’attend aussi à une hausse du coût du transport, ce qui l’amène à massifier les volumes chez ses clients. À la fois directeur général de la coopérative et responsable commercial, Guillaume Lietard explique «mettre le paquet sur la vente de nos produits, dès le mois d’octobre». Le but ? «Devoir stocker moins longtemps et vider les frigos».
En ce qui concerne les emballages, dont le coût s’envole, la logique du flux-tendu n’est plus la règle : «C’est de la trésorerie qui s’en va et du stock à gérer, mais sur l’ensemble de la campagne, avec les hausses qui s’annoncent, on devrait être gagnant», estime M. Lietard. S’il est optimiste sur le déroulement de la campagne à venir, le directeur de la coopérative Nelfruit n’en reste pas moins lucide et prudent : «On a des indicateurs de tarifs en hausse, mais il est clair que l’on n’arrivera pas à répercuter l’ensemble des hausses.» Pour lui, comme pour les arboriculteurs confrontés aux mêmes difficultés dans leurs exploitations, «la pomme comme la poire doivent rester des produits accessibles. On ne veut pas que les consommateurs s’en détournent».