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Prairies permanentes : de la souplesse assortie de mises en garde

Dans un arrêté paru le 14 novembre, le ministre de l’Agriculture met fin aux restrictions concernant les retournements de prairies permanentes en Hauts-de-France.

Le changement de régime sur la gestion des prairies pourrait tenter certains agriculteurs à ne plus les consacrer à la seule production de fourrage.
Le changement de régime sur la gestion des prairies pourrait tenter certains agriculteurs à ne plus les consacrer à la seule production de fourrage.
© Pixabay



Depuis le 14 novembre, il y a ceux qui se frottent les mains, pressés de pouvoir exploiter autrement des surfaces en herbe qu’ils jugeaient peu ou pas suffisamment productives, et ceux qui craignent de voir disparaître un peu plus ces mêmes surfaces. Après plusieurs années d’encadrement strict pour le retournement des prairies, la réglementation qui s’applique à cette pratique s’est en effet assouplie pour la région Hauts-de-France. Si la pratique était jusqu’à présent soumise à un régime d’autorisation - cela concernait les campagnes 2017-2018 et 2018-2019 -, elle n’est désormais plus soumise qu’à une démarche d’information auprès de la DDTM. Comment en est-on arrivé là ? Simplement grâce à une amélioration du niveau de dégradation des prairies permanentes en 2019 dans la région comparé à la surface agricole totale calculée sur la base des données Pac.

La déclaration remplace l’autorisation
Dans une note explicative des changements induits par l’arrêté du 14 novembre, la préfecture des Hauts-de-France revient d’abord sur la réglementation en vigueur en matière de gestion des prairies permanentes : «Dans le cadre de la politique agricole commune (Pac), en vue de bénéficier de l’intégralité du paiement vert, les agriculteurs doivent respecter trois critères favorables à l’environnement. L’un des trois critères consiste à assurer collectivement, à l’échelle régionale, le maintien des surfaces déclarées en prairies permanentes. La vérification de cette obligation est effectuée chaque année en comparant le ratio régional annuel de la part des surfaces en prairies permanentes sur la surface agricole totale au ratio régional de référence établi en 2012. Si ce ratio se dégrade de plus de 5 %, la région est placée en régime d’interdiction de retournement de prairies et d’obligation de réimplantation de surfaces. Si la dégradation est comprise entre 2,5 % et 5 %, ce qui a été le cas pour la région Hauts-de-France en 2017 et 2018, la région est soumise à un régime d’autorisation.» En 2019, le niveau de dégradation des prairies s’étant amélioré - le taux de dégradation du ratio, calculé sur la base des données Pac, est pour cette année inférieur à 2,5 % - le régime d’autorisation préalable est donc levé pour la campagne 2019-2020. à la place, c’est un système d’information qui entre en vigueur «afin d’assurer une surveillance concrète de l’évolution des intentions de retournement des prairies permanentes sur le territoire (…) Tout agriculteur qui souhaiterait retourner une prairie permanente devra en informer la DDTM», prévient le ministère de l’Agriculture. Pour la Draaf des Hauts-de-France, «cela permet davantage de souplesse aux exploitants agricoles, en particulier pour permettre à des jeunes agriculteurs ou à des éleveurs d’améliorer la gestion de leurs prairies et de leurs assolements».

Interdépendance entre prairies et élevage
Compte tenu du calendrier et de l’importance des prairies pour l’agriculture des Hauts-de-France, le sujet s’est également invité lors de la session de la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France qui s’est tenu le 15 novembre. Président de la FDSEA 80, Denis Bully a été le premier au cours de cette assemblée à s’émouvoir de ce changement : «Si on retourne les prairies avec plus de facilité, on risque de voir l’élevage disparaître plus rapidement», a-t-il dit, conscient du lien d’interdépendance entre le maintien des surfaces en herbe dans la région et celui d’une activité d’élevage. Pour le président de la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France, Olivier Dauger, c’est bien la question de la rentabilité de l’élevage qui est sous-jacente et qui doit être mieux prise en considération : «C’est vrai, a-t-il admis, nous avons des marges de progrès à aller chercher. L’élevage est un sujet important qui doit nous mobiliser.» Et ce dernier d’exprimer également son inquiétude sur le devenir d’un certain nombre d’hectares de surfaces en herbe : «On a tous un peu peur de ce qui va se passer, a-t-il dit. Le risque, c’est de ne pas maîtriser la situation.» Afin de garantir à un agriculteur ayant pour projet de retourner une prairie, une «démarche conforme» selon le ministère, la DDTM est amenée à lui apporter une réponse sur le cadre réglementaire s’appliquant à sa situation, «dans un délai d’un mois».
Dans l’immédiat, le changement de régime concernant les prairies s’apparente à une épée de Damoclès au dessus de la tête des agriculteurs. En effet, si un grand nombre d’hectares venait soudainement à changer de destination, au point de dépasser le ratio, le régime d’autorisation pourrait être à nouveau instauré, assorti de potentielles obligations de reconversion. Du côté des autorités administratives, on rappelle notamment que la «souplesse individuelle» offerte par le changement de réglementation doit «s’exercer dans une logique de responsabilité collective pour éviter, l’année prochaine, une situation dégradée qui pourrait conduire à devoir ré-implanter les prairies retournées».



REACTION Charlotte Vassant, secrétaire générale de l’USAA

«Prudence à court terme, des propositions pour le long terme»

Le ratio prairies permanentes s’est amélioré cette année, si bien que la région est sortie du régime d’autorisation où elle était depuis 2017, au titre de la Pac. Il n’empêche que les agriculteurs sont toujours tenus de respecter les trois règles du verdissement : la diversité des assolements, la présence de SIE et le maintien des prairies permanentes. Aussi, l’évolution du ratio prairies est toujours surveillée et une dégradation au-delà de 2,5 % en 2020 entraînera à nouveau l’application du régime d’autorisation que l’on connaissait. Pire, si le ratio venait à être dégradé de plus de 5 %, la région basculerait en régime d’interdiction totale de retourner les prairies, quel que soit le lieu ou le projet. Cette amélioration du ratio est due en partie au suivi du régime d’autorisation par l’administration et aux requalifications de surfaces en prairies permanentes. En parallèle, il ne faut pas oublier que la SAU diminue toujours, 3 000 ha cette année, en raison de l’artificialisation des sols, et cela se fait en majorité au détriment des prairies. Nous souhaitons un chiffrage précis de cet aspect et dénonçons le fait que l’agriculture en subisse à double titre les conséquences : en perte de surface et en contrainte réglementaire.
Par ailleurs, la réglementation environnementale liée à la directive nitrates et aux zones à enjeux, s’applique toujours. C’est pourquoi, la DDTM doit être informée en amont des projets de retournement et peut être sollicitée afin de connaître les réglementations environnementales qui s’appliquent éventuellement. Dans ce cas, elle devra donner réponse à l’agriculteur sous un mois.
Si une attitude collective responsable est de mise sur ce sujet, il n’en demeure pas moins que des surfaces ont été requalifiées à tort en prairies permanentes. Nous demandons, pour ces parcelles, que leur codage Pac soit reconsidéré : une surface en jachère depuis plus de cinq ans, comptabilisée dans les SIE, doit conserver son caractère de terre arable.
Sur le long terme, ce n’est pas la contrainte réglementaire qui maintiendra l’élevage et les prairies en Hauts-de-France, mais une véritable valorisation économique de l’élevage et des surfaces en herbe. C’est pourquoi nous souhaitons également travailler sur la future Pac : sur la compétitivité des exploitations, mais aussi les possibilités ouvertes grâce à des Maec adaptées à notre territoire, ainsi qu’à de nouveaux outils comme la rémunération des services environnementaux rendus par l’agriculture.

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