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Pommes de terre
Produire de la Pompadour, ce n’est que de l’amour

La variété Pompadour sait se faire désirer et c’est ce qui rend sa culture intéressante aux yeux des six producteurs picards engagés au sein de l’association Pompadour Label Rouge. Ce signe officiel de qualité, la variété l’a obtenue il y a vingt ans.

Grâce à la motivation de six producteurs picards, la variété Pompadour et son Label Rouge continue de ravir les consommateurs.
© Touquet Savour

On la présente volontiers comme un «joyau» du terroir français, mais sans l’abnégation d’une poignée de producteurs et le soutien d’une entreprise de négoce installée dans les Hauts-de-France, elle aurait très bien pu disparaître du paysage. Bien que la variété Pompadour bénéficie d’un certain nombre de qualités, elle reste en effet, aux yeux de ceux qui la cultivent, une variété exigeante dont les rendements et la qualité sont incertains. Créée en 1992, par le Comité Nord Plants (62), elle est le résultat d’un croisement entre les variétés Roseval et BF15, «deux variétés à chair ferme reconnues pour leur qualité gustative». Un peu de moins de 80 hectares continuent ainsi à être cultivés – ce qui représente 0,3 % de la production de pommes de terre en France - chez nous, en Picardie.

Agriculteur à Raray (60), entre Compiègne et Senlis, Olivier Pilât est président de l’association de sauvegarde de la Pompadour Label Rouge. Il revient sur les vingt ans du Label Rouge qui a permis à la variété de se faire une place dans les rayons et les conditions de mise en culture : «Quand le Label Rouge a été sollicité pour la Pompadour, c’était quelque chose d’assez novateur au sein de la filière, rappelle-t-il. On était encore au début des démarches qualité et des labels pour la pomme de terre». Pour porter la démarche, une association est donc créée au sein de laquelle se retrouvent des producteurs et un négociant, autour d’un cahier des charges. Parmi toutes les démarches de qualité existantes, si c’est le Label Rouge qui a été retenu, c’est parce qu’il garantit alors au consommateur «une qualité organoleptique supérieure» du produit - son goût de «beurre fondu» en l’occurrence -, mais également des conditions de production qui le distingue de produits similaires, le respect d’un cahier des charges imposé ou encore une présentation soignée.

Des conditions de culture encadrées

Lors des différentes étapes de sa production, la Pompadour se montre exigeante : «Elle est assez inégale en fonction des années», constate ainsi Olivier Pilât. «Elle est sensible aux maladies qui affectent son aspect.» Son feuillage abondant la rend aussi sensible au mildiou, ce qui est un défi face à une volonté de réduire l’IFT. Enfin, le cahier des charges du Label Rouge impose lui aussi son lot de contraintes, à commencer par l’irrigation : «L’irrigation est obligatoire parce qu’elle permet de lutter contre la gale commune, les difformes et qu’elle permet une pousse régulière en évitant les phases de stress.» Faisant l’objet d’analyses, le taux de nitrate dans les tubercules doit être inférieur à 150 ppm. Pour ce qui est du défanage, l’emploi d’une solution chimique de synthèse est interdite : «Nous avons l’obligation de n’utiliser que des solutions mécanique (broyage) ou thermique, associées à une solution de biocontrôle. Après récolte, il n’y a pas de traitement possible.» La taille des parcelles, comme la rotation imposée entre deux cultures de pommes de terre dans une même parcelle sont normées. Le plant ? «Il est certifié, évidemment et produit dans les Hauts-de-France», assure le producteur. Avec un rendement brut de 40 tonnes par hectare, la Pompadour ne se place pas non plus parmi les plus productives. 100 % du volume produit trouve preneur puisque les producteurs de la variété sont liés par un contrat avec Touquet Savour.

 

Un éclat retrouvé

Olivier Pilât et ses trois associés lui consacrent 25 hectares chaque année sur les 160 hectares de pommes de terre qu’ils cultivent. Malgré tout, il considère qu’il faut être un spécialiste des «petites séries» et du marché du frais pour y trouver son compte : «Ce n’est pas une variété qui correspond à des exploitations qui font de la pomme de terre pour l’industrie», insiste-t-il. «Il y a six-sept ans, les surfaces avaient diminué, se souvient Olivier Pilât. Commercialement, les choses étaient compliquées. Mais une opération de communication de grande ampleur a permis de sauver la Pompadour et les surfaces ont retrouvé le niveau des origines depuis.»

"nous répondons à une demande pour des produits locaux, gustatifs"

Depuis 2008, on estime ainsi du côté de chez Touquet Savour que le tonnage commercialisé a été multiplié par trois. Rien que lors de la dernière campagne, la variété a connu une hausse de ses ventes de 20 %. De quoi lui assurer un avenir radieux et un fort développement à venir ? «Nous verrons bien, tempère le président de l’association de sauvegarde de la Pompadour Label Rouge. On est assez fier de ce que l’on fait et nous répondons à une demande pour des produits locaux, gustatifs, mais c’est le marché qui nous dira si nous devons aller plus loin.»

 

Les jardiniers amateurs, ces précieux ambassadeurs
 
Un jardinier conquis est un consommateur qui parlera de la variété autour de lui. Pour accompagner la promotion de la variété Pompadour, Touquet Savour et l’Association de sauvegarde de la Pompadour Label Rouge ont remis en place en 2021 un concours mettant en jeu 200 kits de plantation comprenant un lot de 10 plants, un sac de plantation, un livret de recettes et des conseils de culture. Depuis douze ans, il s’adresse aux jardiniers amateurs et permet de «contribuer à la sauvegarde de la variété», justifie-t-on chez Touquet Savour. Et pour ceux qui n’auront pas eu la chance d’être tirés au sort, l’entreprise rappelle qu’on peut trouver ses plants dans les jardineries et magasins spécalisés – Gamm Vert, Point Vert, Hypermarchés Carrefour, Jardiland, Truffaut, Magasin Vert…-, ou en ligne auprès de fournisseurs de semences pour le jardin. La présence au Salon International de l’Agriculture remise en cause en raison du contexte sanitaire reste, pour Hélène Maillard-Dequidt comme pour Olivier Pilat, un vrai crève-cœur : «Chaque année, on aime bien échanger avec les visiteurs sur la variété. Cela donne aussi une belle visibilité et l’on se rend compte qu’il y a un attachement fort des consommateurs à la Pompadour», expliquait la semaine dernière le président de l’Association Pompadour Label Rouge. «Beaucoup de consommateurs sont amoureux de la Pompadour, constate pour sa part Mme Maillard. Une véritable communauté s’est créée autour de la variété, avec une forte présence sur les réseaux sociaux, comme au salon de l’agriculture.» Et chacun d’espérer qu’il ne s’agit que d’une partie remise.

 

Hélène Maillard-Dequidt, directrice de Touquet Savour : «Nous sommes dans une démarche de progrès permanent»

Qui est l’entreprise Touquet Savour que vous dirigez ?
Touquet Savour a été créée en 1991. Nous avons rejoint le site actuel d’Esserteaux, à 30 kilomètres au sud d’Amiens en 2003. Nous y réalisons toutes les étapes de notre métier : stockage, calibrage, lavage, conditionnement, administration et commerce. Nous employons 80 personnes et nos produits sont uniquement destinés au marché de la pomme de terre fraîche. 80 % du chiffre d’affaires est réalisé auprès des GMS. Les 20 % restants se répartissent entre grossistes, export et vente directe.
Depuis la création de l’entreprise, le choix s’est porté sur des variétés à forte identité, qualifiées de niche, et de petits conditionnements ? Pourquoi ce choix ?
Cela est lié à l’histoire de l’entreprise. Nous avons toujours travaillé des variétés gustatives et premium avec un socle de producteurs. C’est pourquoi nous avons acquis un certain savoir-faire. Nous travaillons au final vingt-deux variétés. Nos approvisionnements s’effectuent à 90 % dans les Hauts-de-France et 90 % de ces approvisionnements sont contractualisés. Cela représente environ 800 hectares pour un volume conditionné de 25 000 tonnes. Cela est aussi lié aux variétés que nous travaillons. Nous sommes forcément impactés par la réglementation sur la fin des emballages plastiques pour les petits lots, mais nous avons des projets de nouveaux emballages pour la prochaine campagne. Ils seront testés dans les prochains jours.
Depuis la création de Touquet Savour, comment avez-vous vu évoluer le métier de négociant ?
Il y a effectivement une évolution du métier et elle s’est accélérée au cours des toutes dernières années pour répondre à de nouvelles attentes du consommateur, avec une offre diversifiée. Touquet Savour a été précurseur dans les modes de conditionnement, les modes de cuisson… La distribution a exprimé elle aussi de nouvelles attentes, ce qui a complexifié le travail du négociant. L’une des préoccupations grandissantes est le respect de l’environnement. Nous travaillons par exemple de plus en plus sur le biocontrôle, mais cela demande plusieurs années d’expérimentations. La filière est dans un profond renouvellement des méthodes que l’on utilisait jusqu’à présent. Le consommateur est quant à lui de plus en plus agile dans la recherche d’informations sur ce qu’il consomme. Il veut tout savoir et on sent comme un besoin de réassurance sur le produit, son origine, la manière dont il a été fait. C’est pour cela que nous devons être dans une démarche de progrès permanent.
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