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Couverts végétaux
Quand le respect de la réglementation sur les couverts se heurte au bon sens

La sécheresse qui touche depuis plusieurs semaines le département de la Somme ne favorise pas l’implantation des couverts végétaux (Cipan) et autres SIE pourtant obligatoires après la moisson et la récolte des légumes d’industrie.

Semer des couverts dans une terre sèche est une aberration agronomique et un gâchis économique pour les agriculteurs rencontrés.
© V. F.

«J’ai semé un couvert pour être dans les clous, mais honnêtement, c’est jeter de l’argent par la fenêtre…» Milieu de semaine, Patrice*, agriculteur à l’est de la Somme, était dubitatif devant sa parcelle de 5 hectares dans laquelle il a semé des graines de moutarde, fin de semaine dernière. «Sur ce champ où j’ai récolté des légumes pour l’industrie, explique-t-il, j’avais prévu de semer un mélange d’espèces mais compte tenu des conditions, ce n’est pas la peine. Je suis convaincu que rien ne va lever, mais au moins, on ne pourra pas me reprocher de ne pas l’avoir fait». Il estime le coût de cette opération à environ «60 € par hectare», pour un retour sur investissement «nul». «En tant que chef d’entreprise, quand on fait quelque chose, c’est avec l’espoir d’en tirer un bénéfice. Aujourd’hui, je sais que ce sera une perte nette. On n’arrête pas de nous bassiner avec l’empreinte carbone de nos activités et là, pour une obligation réglementaire, j’ai cramé du carburant pour rien», détaillait l’agriculteur le 10 août.

Des bonnes volontés contrariées

La moisson précoce donnait pourtant quelques perspectives et des marges de manœuvre. En conditions «normales», Patrice est convaincu de l’intérêt des couverts et privilégie les mélanges. Sauf que l’année 2022 est particulière : «On est tous convaincu de l’utilité des couverts, mais cette année, malgré de la bonne volonté, ce n’est pas possible». Sur une autre parcelle, où un couvert a été semé, l’agriculteur est confronté à un autre problème : la présence de chardons. «Il faut que l’on m’explique comment faire, peste-t-il. Étant donné que j’ai semé un couvert, je n’ai pas le droit d’intervenir dans la parcelle avant le 15 septembre. Et dans le même temps, j’ai l’obligation de lutter contre la prolifération du chardon…»
A l’ouest d’Amiens, dans la commune d’Hallivillers, chez Emmanuel Blanckaert, le constat sur la pertinence de semer des couverts est partagé : «On a déchaumé une partie des surfaces et on est encore en route à le faire, mais on n’a encore rien semé, expliquait-il mercredi. On ne voit pas le tracteur dans la poussière tellement c’est sec, et on use les dents». Techniquement, selon cet agriculteur, «rien n’empêche de semer. On a le matériel pour le faire, mais agronomiquement, ça ne donnera rien. Le couvert ne lèvera, sauf s’il pleut la semaine prochaine pendant trois jours». En l’état, Emmanuel Blanckaert dit «ne pas pouvoir assurer le résultat» de ses futurs couverts. Éleveur, il est également confronté à d’autres difficultés : celle de ne pas pouvoir semer un ray-grass dont la récolte en novembre prochain est hypothéquée, et l’attente avant de pouvoir réaliser ses semis de colza.

Pour déroger, des démarches «complexes»

Au sujet de la réglementation, Patrice évoque une «aberration administrative». Et les mots ne sont pas tendres : «C’est ce qui arrive quand on fait de l’agriculture depuis un bureau… Heureusement, personne ne nous impose des dates de semis pour le blé ou les betteraves ! Parce que même s’il y a des dates optimales, il m’est déjà arrivé de semer du blé en décembre…» S’il existe des possibilités de déroger, Patrice regrette une certaine complexité des démarches à effectuer : «Dès que l’on veut demander une dérogation, c’est tout un tas de documents Cerfa à remplir… On n’a pas vraiment le choix si on ne veut pas être dans l’illégalité». Enfin, pour Patrice, «ce ne devrait pas être une demande de la profession, mais une proposition de l’administration».

*Prénom d’emprunt


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La réaction de Marie-Françoise Lepers, secrétaire générale de la FDSEA
Entre 5 et 10 millions de litres de carburants brulés inutilement ; 15 millions d’euros de semence jetés par la fenêtre ; des engins broyés ou anormalement usés ; voilà ce que risque le monde agricole samarien si les obligations de semis en interculture sont maintenues. Nous savons tous que c’est inutile. Alors travaillons avec bons sens, et ne faisons pas ce qui ne sert à rien. Attendons la pluie, regardons ce qui viendra et ce qui sera encore possible ou pertinent pour nos champs, nos fermes, ce qui est toujours en phase avec la cohérence environnementale.
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