Irrigation
Quels leviers pour économiser de l’eau ?
Les performances du matériel d’irrigation, l’outil de pilotage utilisé et la stratégie d’irrigation suivie sont autant de facteurs qui influencent l’efficience de l’irrigation.
Les performances du matériel d’irrigation, l’outil de pilotage utilisé et la stratégie d’irrigation suivie sont autant de facteurs qui influencent l’efficience de l’irrigation.
Le changement climatique annonce une augmentation et une intensification des aléas météorologiques, en particulier une répartition détériorée de la pluviométrie et un allongement des périodes chaudes et sèches. Dans ce contexte, l’optimisation de l’irrigation va devenir primordiale pour maintenir quantitativement et qualitativement les productions de légumes et pommes de terre du département.
Des matériels d’irrigation plus ou moins performants
Même si le canon reste majoritairement utilisé dans le département, les matériels d’irrigation se diversifient progressivement. Les différents systèmes disponibles constituent maintenant une offre variée dans laquelle il est parfois difficile de s’y retrouver.
Sur sa plateforme d’expérimentations, la Chambre d’agriculture de la Somme a initié une comparaison de différents systèmes classiques (canon, rampe) et plus originaux (goutte-à-goutte en fond de butte et en haut de butte) sur une culture de pomme de terre. La forte pluviométrie de cette année n’a pas été favorable à l’évaluation des performances de chaque système, mais l’utilisation de ces quatre systèmes d’irrigation a déjà pu mettre en évidence certaines dominantes. Sans surprise, le canon se caractérise par sa polyvalence et sa forte sensibilité au vent avec une hétérogénéité de répartition allant parfois du simple au double. Pour la rampe sur enrouleur, la sensibilité au vent est bien moindre, et c’est plutôt les temps de déplacement qui sont pénalisants. Le goutte-à-goutte a, pour lui, de pouvoir en direct s’adapter au besoin des plantes grâce à des apports fractionnés, mais se distingue aussi par des temps d’installation et de démontage importants.
L’essai sera reconduit l’année prochaine pour pouvoir aller jusqu’à la quantification de l’efficacité de chaque système.
Des outils d’aide à la décision pour suivre le taux d’humidité du sol
Le catalogue d’outils disponibles pour aider les agriculteurs au pilotage de l’irrigation s’étoffe d’année en année. Ces outils permettent d’estimer le niveau de la réserve hydrique du sol tout au long du cycle cultural et en déduire si une irrigation est nécessaire lorsque le niveau franchit le seuil de déclenchement.
En premier lieu, le bilan hydrique permet d’estimer la quantité d’eau présente dans le sol en effectuant continuellement au cours de la campagne la balance entre les apports hydriques (pluie et irrigation) et les consommations (évaporation du sol, transpiration des plantes, ruissellement…). Les données nécessaires pour utiliser cet outil se résument aux données culturales (espèce, date de semis/plantation), aux caractéristiques du sol (type de sol ou réserve utile) et aux relevés pluviométriques. La chambre d’agriculture propose l’accès à ce type d’outil à l’aide de la plateforme en ligne Net-Irrig.
Des capteurs peuvent également être installés sur une parcelle pour estimer le niveau de la réserve hydrique du sol en continu : les tensiomètres et les sondes capacitives. Ils permettent de mesurer le taux d’humidité à différentes profondeurs selon deux principes (la tension hydrique pour le tensiomètre et la permittivité diélectrique pour la sonde capacitive). Les modèles récents sont équipés d’un boitier de télécommunication qui permet de consulter les données directement sur une plateforme en ligne.
Bien qu’onéreuse (environ 1 500 €) et nécessitant une installation soignée pour obtenir des mesures représentatives, les sondes capacitives permettent en général d’aller plus loin en fournissant des données complémentaires (évapotranspiration de la culture, niveau d’enracinement, vitesse d’infiltration d’une pluie…).
Des bilans hydriques et des sondes capacitives ont été utilisés pour piloter notre plateforme d’expérimentations. Ces deux outils semblent indiquer des tendances similaires au niveau des variations de la réserve hydrique du sol. Dans notre cas d’étude en conditions de stress hydrique, nous avons pu corriger une consommation journalière sous-estimée avec le bilan hydrique grâce aux mesures réalisées avec les sondes capacitives. Ces deux outils se sont révélés complémentaires pour suivre précisément notre irrigation.
Pour finir, de nouveaux services tels que Irriwatch commencent à apparaître pour suivre l’état hydrique de ses cultures à partir des images satellite. Ils permettent d’estimer le niveau de la réserve hydrique du sol à partir de la différence spectrale entre une plante en confort hydrique et une plante stressée. Ce type d’outils présente l’avantage de pouvoir suivre un nombre important de parcelles et obtenir des tendances intra-parcellaires, mais il existe pour l’instant peu de retours sur la précision des données obtenues.
Une stratégie d’irrigation économe
Une stratégie communément admise est de maintenir la réserve hydrique du sol à 50 % de sa capacité maximale. Cette stratégie permet de garder les cultures en confort hydrique pendant la totalité du cycle.
L’hypothèse testée cette année est que la pomme de terre peut tolérer un stress hydrique modéré pendant certains stades sans occasionner d’impact majeur sur la quantité et la qualité de la récolte. Pour déterminer la sensibilité de chaque stade, nous avons mis en place quatre modalités d’irrigation : non limitante (référence), début de cycle favorisé (irrigation décroissante), fin de cycle favorisé (irrigation croissante) et très limitante sur tout le cycle.
Le système d’irrigation utilisé pour cet essai est le goutte-à-goutte en haut de butte, avec des goutteurs espacés de 40 cm délivrant 1,05 l/h soit en équivalent 2,92 mm/h. L’apport hydrique est réalisé quotidiennement en calculant la dose à l’aide d’un bilan hydrique. Afin de travailler en conditions de stress hydrique malgré la pluviométrie importante, l’essai a été protégé à l’aide de serres mobiles positionnées au-dessus des pommes de terre lors des épisodes pluvieux.
Les premiers résultats sont très intéressants puisque l’efficience d’irrigation (rendement/quantité d’eau apportée) varie de manière importante entre les modalités, ce qui tend à montrer que certaines modalités sont plus économes que d’autres. En effet, sur la variété Agria, la stratégie d’apport favorisant la fin de cycle a permis des économies d’irrigation sans avoir d’impact sur le rendement ni la qualité par rapport à la référence irriguée en non limitant. Ces résultats demandent bien entendu à être confirmés en reconduisant l’essai l’année prochaine.
La chambre d’agriculture propose une formation «Je souhaite optimiser mon irrigation sur mon exploitation» le 14 décembre, à Estrées-Mons. N’hésitez pas à nous contacter pour tout renseignement.
Modalités |
Rendement brut (t/ha) |
Irrigation (mm) |
Efficience (t/ha / mm) |
Non limitante |
62,5 |
195,5 |
0,320 |
Irrigation décroissante |
51 |
127 |
0,401 |
Irrigation croissante |
63 |
163,5 |
0,385 |
Très limitante |
47,8 |
97 |
0,493 |
Résultats pour la variété Agria |