Quels leviers pour maîtriser l’expansion des sols artificialisés ?
L’artificialisation des sols est un facteur important de leur
dégradation. Une étude a été menée pour en analyser
les déterminants et les conséquences.
De nombreux facteurs historiques, socio-démographiques et économiques ont fait et continuent de faire de nos sociétés, des sociétés de plus en plus urbaines. Cette urbanisation est l’un des principaux moteurs de l’artificialisation des sols, qui engendre aujourd’hui une diminution globale de la part des sols affectés aux activités agricoles et forestières ou aux espaces naturels. Le sol étant une ressource limitée et non renouvelable à l’échelle humaine, toute extension des sols artificialisés signifie une perte de ressources naturelles et de surfaces consacrées à d’autres usages.
Afin d’identifier les déterminants et les impacts de l’artificialisation des sols et de mettre en lumière les leviers destinés à mieux maîtriser ce phénomène, souvent considéré comme la principale menace sur les sols en Europe, l’Ifsttar (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux) et l’Inra ont mené une expertise scientifique collective à la demande du ministère de la Transition écologique et solidaire, de l’Ademe et du ministère de l’Agriculture et de l’alimentation.
Trois dimensions
Les causes et les conséquences de l’artificialisation des sols doivent être appréhendées en considérant trois dimensions, les perturbations apportées au sol (revêtu, minéralisé, végétalisé ou nu), le type d’espace (urbain dense, périphérie de ville ou périurbain) et le type d’activités économiques sur le sol (logement, tertiaire, industrie ou infrastructures de transport).
«En l’état actuel, les données disponibles sur l’artificialisation des sols en France permettent surtout d’alerter sur les grandes tendances du phénomène, mais il n’y a pas encore à ce jour de mesures quantitatives faisant référence pour l’ensemble des acteurs», souligne les auteurs de l’étude.
L’artificialisation des terres entre 2006 et 2014 s’est effectuée pour les deux tiers aux dépens des terres agricoles et pour un tiers aux dépens des espaces boisés et naturels. Les études visant à évaluer les pertes de capacité de production liées à l’artificialisation sont rares. L’une d’entre elles montre qu’en France, l’urbanisation se fait à 70 % au détriment des terres de très bonne qualité.
Deux phénomènes sont à distinguer dans l’artificialisation des sols : leur imperméabilisation (surfaces bâties, routes, parkings…) et l’urbanisation (pouvant inclure des espaces végétalisés dans le tissu urbain).
Sur le plan environnemental, l’imperméabilisation représente le mécanisme le plus dommageable, qu’il s’agisse de menace pour la biodiversité, de risques de ruissellement ou de création d’îlots de chaleurs urbains. A cela s’ajoute la pollution des sols et des eaux liée en particulier aux activités minières et industrielles et à la circulation routière, mais aussi la fragmentation des paysages par les infrastructures de transport.
Un sujet de recherche
Les effets de l’artificialisation des sols sur les terres agricoles et sur la fragmentation de ce territoire productif se ressentent plus fortement à l’échelle locale qu’à l’échelle nationale. La perte de revenus agricoles locaux, ainsi que les difficultés d’exploitation qui en découlent (accès aux parcelles, conflits de voisinage…) sont notables et peuvent gêner l’exercice même de l’activité.
La périurbanisation est une tendance de fond qui concerne aujourd’hui aussi bien des aires urbaines dont la population augmente fortement, que des aires urbaines peu attractives.
«De ces constats se dessinent des leviers pour les politiques d’aménagement œuvrant dans le sens d’une meilleure répartition sociale et d’une prise en compte accrue de la multifonctionnalité des villes. Un premier levier envisageable pour limiter cette urbanisation diffuse serait la densification des villes françaises. Néanmoins, la réhabilitation des espaces vacants, des friches industrielles au sein des espaces déjà urbanisés serait un levier efficace de réponse à la demande de logements et un vecteur d’aménités pour les quartiers alentours.»
Il ressort de l’expertise que les dynamiques de l’artificialisation résistent en grande partie aux outils fiscaux et de planification. L’échelon intercommunal s’impose aujourd’hui comme le niveau de gouvernance approprié pour gérer au mieux l’usage des sols, mais l’expertise met en lumière l’ambiguïté du droit vis-à-vis de cette gestion.
«Cette expertise met en lumière que les sols artificialisés et l’artificialisation des sols en France, leurs déterminants, leurs impacts et les leviers d’action pour en maîtriser l’expansion ou les effets, demeurent un sujet de recherche dont nombre de facettes restent inexplorées ou appelant une approche renouvelée», concluent les auteurs de l’étude.