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Ratio des prairies permanentes : l’incompréhension

Le 8 décembre, deux représentants du ministère de l’Agriculture étaient à Amiens pour expliquer les conséquences du dépassement du ratio de retournement des prairies pour notre région.

Sylvain Maestracci, adjoint au sous-directeur à la DGPE, a rappelé l’intérêt de maintenir les prairies permanentes sur le territoire.
Sylvain Maestracci, adjoint au sous-directeur à la DGPE, a rappelé l’intérêt de maintenir les prairies permanentes sur le territoire.
© AAP


Le maintien des prairies permanentes est l’un des trois critères de verdissement de la Pac. Un ratio doit normalement être calculé chaque année par l’administration, depuis 2015, pour suivre et piloter collectivement l’évolution du taux de prairies permanentes région par région. L’an dernier, aucun ratio n’a été communiqué. Le 13 novembre 2016, un arrêté ministériel a été pris, indiquant que le ratio de re­tournement des prairies s’était dégradé de 6,62 % par rapport au ratio de référence. Ainsi, des me­sures correctives, notamment une obligation de réimplanter des prairies permanentes pour ramener ce ratio en dessous de la barre fatidique de 5 %, devront être mises en place, via un arrêté préfectoral régional.
Le service statistique de la Draaf a donc entrepris de vérifier les calculs du ministère et de déterminer le nombre d’hectares concernés par une réimplantation en prairies. Ainsi, le 8 décembre dernier, les représentants des Chambres d’agriculture et des syndicats agricoles représentatifs étaient invités à venir écouter les explications de l’administration, centrale et locale (représentants de la Direction générale de la performance économique (DGPE) et de la Draaf), sur le calcul ayant conduit au ratio de 6,62 % et sur les mesures correctives imposées aux agriculteurs.

Un calcul pour le moins étonnant
En introduction, Sylvain Maestracci, adjoint au sous-directeur à la DGPE, a rappelé l’intérêt de maintenir les prairies permanentes sur le territoire : elles constituent un puits de carbone efficace et permettent de lutter contre l’érosion. Les représentants de la Draaf Hauts-de-France ont ensuite présenté le calcul du ratio. Il s’agit de comparer le ratio de la campagne en cours, à savoir le rapport entre la surface en prairie permanente déclarée par les agriculteurs et la surface agricole totale déclarée par les agriculteurs en 2016, avec un ratio de référence prenant en compte la surface en prairie permanente en 2012.
Le calcul du ratio ne concerne que les surfaces «soumises au verdissement de la Pac». Par exemple, les surfaces en agriculture biologique sont retirées du calcul. C’est pourquoi, les surfaces converties en agriculture biologique entre 2012 et 2016 ont un effet de dégradation du ratio (elles sortent du calcul en 2016, mais elles ne sont pas retirées du calcul de référence).
Dans la même logique, les exploitations de moins de 10 ha ne sont pas soumises au verdissement et devraient être retirées du calcul, ce qui n’a pas été spécifié en réunion. Par ailleurs, les surfaces urbanisées entre 2012 et 2016 sont de fait absentes du calcul du ratio 2016, mais ne sont pas retirées du ratio de référence… Les surfaces retirées à l’agriculture - s’il s’agit de prairies permanentes - ont un effet négatif sur le calcul du ratio. C’est donc la double peine pour l’agriculture.

Demande de remise en conformité immédiate
Ne souhaitant pas s’étendre sur le détail du calcul, la Draaf a présenté les mesures correctives à mettre en place sur le terrain pour faire redescendre le ratio à 4 %, à la demande du ministère qui souhaite garder une marge de sécurité pour éviter que la région ne soit à nouveau soumise à un régime d’interdiction de retournement de prairies en 2018. Ce sont 7 500 ha à l’échelle de la région qui devront être reconvertis en prairies permanentes. La mesure concernera quelque 4 700 ex­ploitants, et donc, en moyenne, 1,6 ha par exploitation.
La Draaf souhaite informer l’ensemble des détenteurs de prairies permanentes de l’interdiction de les retourner cette année. Dans le cas où une prairie aurait été retournée depuis le 16 juin 2016, la réimplantation immédiate d’un couvert herbacé, au même endroit, qui sera déclaré en prairie permanente à la prochaine Pac est imposée. Lorsqu’il y a eu cession de parcelles, le cédant doit informer son successeur de l’interdiction de retourner les prairies. Par ailleurs, pour ceux qui auraient retourné des prairies entre le 16 mai 2014 et le 16 juin 2016, un courrier de la DDT leur imposera soit de réimplanter une part de la surface retournée n’importe où sur leurs parcelles situées en région Hauts-de-France, soit déclarer des surfaces actuellement en prairies temporaires en prairies permanentes à la prochaine déclaration Pac. Ces surfaces deviendront alors des prairies permanentes.
A noter qu’en situation d’interdiction de retournement de prairies permanentes (ratio supérieur à 5 %), aucune autorisation n’est accordée, y compris pour les jeunes agriculteurs et agriculteurs en difficultés. Il ne sera pas possible non plus de déplacer une même surface de prairie permanente au niveau d'une exploitation.

Pour la profession, c’est trop
Les représentants du réseau FNSEA et JA ont relevé les incohérences du calcul sur la non prise en compte des surfaces en bio et sur l’artificialisation des sols. Les professionnels ont également demandé des éclaircissements quant à l’absence de publication d’un ratio l’an dernier. «La connaissance du taux, l’an dernier, nous aurait permis de nous rendre compte de la dégradation du ratio, et on ne serait peut-être pas dans une impasse aujourd’hui», a expliqué Jean-Christophe Rufin de la FDSEA du Nord. Là-dessus, l’administration reste évasive.
Selon Sylvain Maestracci, les difficultés sur la Pac n’ont pas permis de calculer un taux dans les temps l’an dernier. Le ratio 2015 a donc été calculé en même temps que celui de 2016, au mois de no­vem­bre. Laurent Degenne, de la FRSEA, a pointé, de son côté, les carences de l’administration centrale. «L’absence de publication du ratio en 2015 est de votre responsabilité. La profession ne cautionne ni vos méthodes, ni les mesures que vous vous préparez à imposer aux agriculteurs. L’Etat ne peut pas, d’un côté, payer les aides Pac avec plus d’un an de retard, et demander, de l’autre, aux agriculteurs de rectifier individuellement et sans délai une problématique collective de surfaces en prairies», dit-il.
Les représentants du réseau FNSEA et JA, ainsi que ceux des Chambres d’agriculture ont alors claqué la porte de la réunion, laissant l’administration seule avec deux représentants de la Coordination rurale.

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