Réduire les IFT en cultures industrielles : c’est possible !
Diminuer les IFT en cultures industrielles n’est pas chose facile. Toutefois, les marges de manœuvres existent. À la Ferme 3.0, la Chambre d’agriculture de la Somme a conduit un projet visant une réduction de 70 % des IFT. Retour sur les principaux enseignements.
Une baisse de 35 % à 70 % des IFT (Indice de fréquence de traitement) en cultures industrielles, tout en maintenant la qualité et le rendement attendu par les différents acheteurs, tel était l’objectif du projet Phytless. Cette expérimentation a permis de comparer différentes conduites culturales sur une rotation (cf. encadré) incluant des pommes de terre de consommation, des flageolets et des betteraves sucrières, le tout intercalé par du blé tendre d’hiver.
Pour atteindre ces objectifs de réduction d’IFT, l’ensemble des leviers mobilisables ont été activés : palette de leviers agronomiques sur la culture ou à l’échelle de la rotation, désherbage mécanique, choix variétaux, produits de bio contrôle, outils d’aide à la décision…
Jusqu’à 80 % d’IFT en moins…
Conduit à l’échelle de la rotation, le projet a pu compter sur des périodes d’intercultures longues afin de combiner les leviers de faux semis, d’installation de couverts végétaux multi-espèces, ou encore, le positionnement stratégique du labour. Sans surprise, la présence de blé tendre d’hiver sur la rotation a permis de faciliter la baisse globale des IFT. Les réductions d’IFT sur cette culture ont ainsi été au-delà des objectifs, avec des réductions allant de 50 % à 80 %. Les leviers de la protection intégrée sont mobilisables sur cette culture et leurs effets sont reconnus depuis de nombreuses années maintenant.
… mais pas pour toutes les cultures
Pour les betteraves sucrières, les réductions varient de 16 % en conduite intégrée à 67 % en conduite Phytless. Les principaux leviers mis en œuvre ont été le désherbage combiné avec traitement chimique localisé uniquement sur les rangs, l’utilisation de variétés tolérantes aux maladies permettant de réduire drastiquement le programme fongicide et l’application stricto sensu des seuils de nuisibilités.
Sur pomme de terre, les réductions d’IFT sont moindres, variant de 22 % à moins 38 %. Le levier variétal combiné à l’utilisation de l’OAD de protection fongicide Mileos a permis les plus gros gains, avec une réduction d’au moins quatre passages fongicides. Le strict respect des seuils de nuisibilité des ravageurs et le passage en désherbage mécanique complètent la palette des leviers mobilisés sur la culture.
Les flageolets sont la culture pour laquelle les marges de manœuvre sont les plus réduites. Le nombre de leviers mobilisables s’avère relativement restreint : utilisation d’OAD pour la protection fongicide ou désherbage combiné chimique et mécanique. C’est pourquoi les réductions d’IFT sont les plus faibles : 9 % à 25 %.
À l’échelle de la rotation, les résultats en terme de baisse des IFT varient de 30 % à 56 %. Ces résultats, obtenus notamment grâce aux bons résultats sur blé tendre et conformes aux objectifs de réduction d’IFT voulus par le Plan Écophyto, ont été également analysés au niveau économique.
Quid des résultats économiques ?
Première bonne nouvelle : d’un point de vue qualité des récoltes, le respect du cahier des charges a été atteint sur les quatre cultures industrielles. Les marges semi-nettes obtenues en réductions d’IFT sont relativement proches de la conduite de référence. Les conduites intégrées et Phytless se démarquent au niveau des réductions de charges opérationnelles engendrées par leur conduite culturale spécifique.
Seconde bonne nouvelle : suivant les cultures et les années, les produits peuvent même légèrement progresser, notamment sur betteraves et pommes de terre. Mais ces résultats sont à relativiser. Le levier variétal a eu un poids conséquent sur les résultats économiques obtenus. Par exemple, l’utilisation d’une variété de pomme de terre plus tolérante au mildiou s’est révélée plus productive que la variété de référence dans les conditions météorologiques du projet. Si cette dernière est bien destinée au marché de la consommation en frais, quid de son acceptation par les acteurs du marché ? À ce niveau, même si les mentalités évoluent, il reste encore un long chemin à parcourir.
Des résultats à confirmer
Les résultats obtenus au bout des trois années de ce projet sont prometteurs, mais nous obligent à rester mesurés. Du point de vue de la conduite des cultures, si l’objectif était de garantir une production commercialisable, le fait d’être en situation d’expérimentation et non d’exploitation réelle a pu jouer sur certaines prises de décisions. Les modifications apportées sur les itinéraires techniques auraient eu un impact à l’échelle d’une exploitation agricole qui n’a pu être que partiellement évaluée dans ce projet.
Enfin, ce projet voulant évaluer des effets agronomiques au niveau de la rotation n’a été conduit que sur une période de trois ans. Cette période est trop courte pour commencer à mesurer les effets bénéfiques de la mise en place de certains facteurs, tels que les travaux sur les couverts en intercultures ou le travail du sol. A contrario, certaines problématiques engendrées par ces conduites n’ont pas pu être complètement mesurées. C’est le cas de la gestion des adventices pour laquelle, même si les niveaux d’enherbement sont restés corrects, nous avons noté tout de même une certaine dégradation de la situation.
De nouvelles perspectives grâce aux innovations
Avec l’avancée des travaux dans les domaines de la télédétection des adventices ou encore sur les solutions de biocontrôle, de nouveaux leviers d’alternatives aux produits phytosanitaires seront bientôt disponibles pour un nouveau projet et devraient permettre de consolider les réductions d’IFT obtenues.
Phytless, c’est quoi ?
Le projet Phytless, financé par l’Agence de l’Eau Artois Picardie (AEAP), s’est matérialisé par une expérimentation au champ sur laquelle les cultures de la rotation se succèdent sur les mêmes parcelles, et où chaque culture est représentée chaque année. Cela s’est traduit par
dix-huit parcelles de 15 ares à suivre chaque année, pour une emprise totale de près de 4 hectares.
Ce projet a permis la comparaison de trois conduites culturales. Une première conduite dite «d’assurance locale» correspondait aux pratiques moyennes du secteur, à partir de laquelle ont été calculées les réductions d’IFT. Les interventions phytosanitaires étaient sécuritaires et basées sur des conduites réalisées dans la région et recommandées par les acteurs locaux.
La deuxième conduite appelée «Protection intégrée» avait pour objectif une réduction de 35 % de l’IFT, tout en restant dans les cahiers des charges des acheteurs, en maintenant la marge brute et en restant conforme aux critères de qualité des productions.
La troisième et dernière conduite nommée «Phytless» ambitionnait une réduction d’IFT de 70 %, tout en restant également conforme aux critères de qualité de produit.