Réguler efficacement le corbeau
Quelles méthodes mettre en œuvre pour diminuer les populations de corbeaux ? Quelles sont les démarches à effectuer ? Quand peut-on y aller ? Quelques conseils
pratiques pour protéger efficacement les semis et la petite faune sauvage.
Les remontées du terrain sont formelles : lorsqu’elle est trop nombreuse ou sous-estimée, la présence de corvidés est responsables de sérieuses pertes sur les semis de certaines cultures, dont le maïs, mais aussi sur d’autres espèces animales, et en particulier la petite faune sauvage. Néanmoins, avant de se lancer dans une mission de régulation des corvidés, encore faut-il les connaître et évaluer leur impact sur le territoire qu’ils colonisent.
Différencier les espèces
La présence du corbeau freux est «courante», celui-ci appréciant particulièrement les secteurs de polyculture-élevage. Reconnaissable à son plumage noir et ses reflets violets, son bec gris, le corbeau freux niche en colonie. Il construit des nids volumineux, regroupés dans des corbeautières, à la cime des arbres. Il est omnivore et à la réputation d’être paresseux et opportuniste. De fait, s’il n’est pas le plus dangereux pour la petite faune sauvage, il l’est en revanche davantage pour les cultures jeunes. On estime que deux tiers de sa nourriture est d’origine végétale.
Pour la petite faune sauvage, c’est bien la corneille noire qui reste «l’ennemi public numéro 1». Plus robuste que le corbeau freux, la corneille noire a une envergure qui peut dépasser le mètre. L’alimentation de la corneille est essentiellement carnée, même si elle est plus facilement variée : graines, fruits, invertébrés, oiseaux et petits mammifères, charognes… On lui impute des dégâts sur d’autres populations d’oiseaux, de petits mammifères, voire des attaques sur des élevages.
La pie bavarde, que l’on retrouve volontiers dans les paysages bocagers ou à proximité des centres urbains figure elle aussi dans la liste des espèces nuisibles. On lui prête des dégâts sur les populations de passereaux, de merles, de grives, de pigeons, de tourterelles, et à l’occasion sur des nids de perdrix.
Le Choucas des Tours est quant à lui le plus petit des corvidés, avec un bec fin, un plumage avec des reflets gris, un œil gris pâle. Il est cavernicole, autrement dit vivant dans des grottes, les galeries souterraines ou des habitats obscurs et humides. Depuis un arrêté du 29 octobre 2009, le Choucas des Tours fait partie des espèces protégées.
Quel poste, quelle tenue ?
Pour assurer une régulation efficace, dans le cadre d’une régulation par le tir, le choix du poste est primordial. Il ne faut en effet pas attendre grand résultat d’une chasse à la billebaude, l’idéal étant d’être caché de la vue des oiseaux. Pour cela, un simple filet de camouflage tenu entre deux piquets ne suffit pas. Le futur poste pourra être garni de matériaux naturels, de manière à le fondre dans la nature et devra être installé quelques jours avant les premières sorties, de manière à ce que les oiseaux s’habituent à sa présence dans la plaine. La tenue vestimentaire est aussi importante. Le visage doit être obligatoirement dissimulé avec une cagoule qui ne laisse apparaître que les yeux. Les mains devront être cachées sous une paire de gants fins pour ne pas perdre en maniabilité.
Pour attirer les corbeaux au plus près du poste d’où on les attend, certains chasseurs sont passés maîtres dans l’art de l’imitation. Comment ? En utilisant différents modèles d’appeaux, avec lesquels il faudra quelques heures de pratique pour espérer leurrer l’oiseau noir.
Tourniquet et appeau
En termes d’équipements, on peut trouver de tout. L’utilisation d’un Grand Duc artificiel est autorisée pour attirer les corbeaux. La chasse traditionnelle des corvidés demande l’installation de formes en plastique (blettes), ou floquées, alors qu’il existe depuis quelques années des «outils» plus sophistiqués, tels que le trio infernal ou un modèle de corbeau à ailes battantes motorisées. Selon certaines données techniques, la méthode «idéale» est d’installer au sol dix à quinze formes à l’aube, à une dizaine de mètres du poste, avec un appelant vivant, un tourniquet, ou un corbeau à ailes battantes. Dès les premières victimes au sol, on veillera à les ramasser, puis à les dissimuler pour éviter qu’elles ne fassent fuir leurs congénères. Le corbeau est de nature méfiante et a le regard perçant.
Délation des chasseurs et des piégeurs
En cette période de confinement, l’Aspas n’en est malheureusement pas à son coup d’essai. Le 2 avril dernier, accompagnée de deux autres associations (AVES et Crow life), elle a lancé une pétition demandant une interdiction totale de la chasse et des opérations de destruction. Au 9 avril, la pétition avait récolté près de 80 000 signatures. Pour aller plus loin dans ce qu’elle considère comme une atteinte à la faune sauvage et non respect des règles de confinement, elle appelle chacun à signaler les actions de régulation des espèces nuisibles par les chasseurs et les piégeurs pourtant autorisées en évoquant un «clientélisme» et contestant leur qualification de mission d’intérêt général : «Lors de vos déplacements autorisés, en zone rurale, avez-vous été témoins d’agissements suspects impliquant des chasseurs ou des piégeurs ? Un coup de feu ? Un piège tendu ? Un animal tué par balle ? Si oui n’hésitez pas à nous en faire part en écrivant à temoignage@aspas-nature.org en précisant la date et le lieu de vos observations. Si vous êtes en possession de photos ou de vidéos n’hésitez pas à nous les partager. Nous vous recommandons fortement d’alerter en parallèle les services de l’OFB, en mettant l’ASPAS en copie de votre mail, même si les agents ne peuvent actuellement se déplacer».
Un tribunal citoyen
Dans les départements où la pratique du piégeage et/ou de la régulation des espèces nuisibles a été encadrée par arrêté préfectoral pour la période de confinement, l’Aspas demande en même temps à ses militants et sympathisants d’exercer une pression sur les services de l’État compétents. Pour l’Aspas, «la destruction d’animaux sauvages ne revêt aucun caractère de nécessité, ni d’urgence, et que le risque sanitaire ne saurait être invoqué pour justifier de telles opérations». Au contraire, l’association souligne que «les opérations de destruction sont susceptibles de contribuer à la propagation du coronavirus lequel représente un risque sanitaire majeur et avéré, justifiant l’interdiction totale de la chasse et des opérations de destruction, sans dérogation possible».