Retraites : en route pour un système universel à points
Jean-Paul Delevoye et Agnès Buzyn ont présenté aux
partenaires sociaux leurs préconisations pour la réforme
des retraites prévue en fin d’année. Principaux points mis en œuvre en 2025.
Dans cette réforme du système des retraites, Edouard Philippe promet «un système de retraite qui préserve un haut niveau de solidarité, qui accompagne mieux les transitions professionnelles et financièrement à l’équilibre à 2025, pour redonner confiance aux Français dans sa pérennité et garantir un niveau de retraite suffisant pour les générations futures». Voilà ces propos, qui ont enclenché la première phase de la réforme. Viendront ensuite le calendrier et la méthode pour que ce projet soit voté au cours du premier semestre 2020.
D’autre part, Jean-Paul Delevoye n’a pas manqué de souligner que «le système universel offre la possibilité de réduire l’écart des pensions entre les précaires et les plus aisés, entre les femmes et les hommes, de soutenir les familles et d’apaiser la crainte du veuvage». Enfin, comme le Conseil d’orientation des retraites (COR) est formel dans ses projections, «les économies structurelles sont évidemment indispensables».
Un système à points
Le système universel remplacera les quarante-deux régimes existants et reposera sur des règles communes à tous. Les régimes spéciaux (EDF, RATP, SNCF…) seront supprimés. Ce système permettra d’acquérir des points pour chaque jour travaillé. Il imposera des règles communes à tous les actifs : salariés, fonctionnaires, indépendants, agriculteurs, professions libérales… Il ne tiendra plus compte, comme dans le privé, des vingt-cinq meilleures années ou des derniers six mois chez les fonctionnaires.
Au départ de la réforme, la base retenue pour acquérir un point, se fera moyennant 10 € cotisés. La valeur d’un point est estimée à 0,55 €. Donc pour 1 000 € cotisés, cela permettra d’acquérir cent points par an. Dans ce cas, un retraité percevra 55 € par an pendant toute sa retraite. Ce taux pourra évoluer dans le temps, à la hausse ou à la baisse, en fonction de la situation économique. En revanche, la valeur du point ne pourra pas baisser. Une fois achetés, les points portés au compte seront indexés chaque année sur l’évolution des salaires, certes plus avantageuse que l’évolution actuelle sur l’inflation. Une fois à la retraite, les pensions resteront, elles, indexées sur l’inflation, comme c’est la règle aujourd’hui.
Taux plein fixé à soixante-quatre ans
L’âge légal de départ restera fixé à soixante-deux ans. Aujourd’hui, un tiers des assurés partent avant et un nombre croissant de personnes plus tard pour atteindre le taux plein. Résultat : l’âge effectif de départ (hors départs anticipés) est aujourd’hui de 63,4 ans. Dans le système actuel, avec la hausse programmée de la durée de cotisation à quarante-trois ans, un jeune qui entre sur le marché du travail à vingt-deux ans devra travailler jusqu’à soixante-cinq ans pour toucher le taux plein.
Jean-Paul Delevoye propose de fixer l’âge du taux plein collectif à soixante-quatre ans en 2025, qui correspondra à cette date à l’âge d’équilibre du régime. Une décote de 5 % par an sera appliquée à ceux qui partent avant, une surcote de même montant à ceux qui partent après. En revanche, plus besoin, comme c’est le cas aujourd’hui, d’attendre soixante-sept ans en cas de carrière non complète pour obtenir l’annulation de la décote. Le point de départ est fixé aux personnes nées après le 1er janvier 1963.
Cotisation unique
Les salariés du privé, des régimes spéciaux et les fonctionnaires cotiseront sur un taux identique et unique de 28,12 % partagé entre l’employeur pour 60 % et 40 % pour le salarié, comme aujourd’hui dans le secteur privé. Ce taux s’appliquera jusqu’à 120 000 € de salaire annuel, et les primes seront désormais incluses dans le calcul pour les fonctionnaires. Dans le taux de 28,12 %, une cotisation déplafonnée de 2,81 % n’ouvrant aucun droit supplémentaire sera due sur la totalité des revenus, même au-delà des 120 000 € pour participer au financement du système de retraite, ce qui est déjà le cas aujourd’hui.
Les indépendants et les professions libérales, qui supportent à la fois la part patronale et la part salariale des cotisations, devront s’acquitter d’un taux de 28,12 % jusqu’à 40 000 €, puis ramené à 12,94 % pour les revenus situés entre 40 000 € et 120 000 € afin de préserver l’équilibre économique de leur activité. L’assiette de cotisation des indépendants sera revue pour se rapprocher de celle des salariés. Concrètement, en contrepartie d’une hausse de leur cotisation retraite, ils paieront moins de CSG.
Retraite minimum à 85 % du Smic net
Dans le système actuel, il y a à peine une centaine d’euros d’écart entre les retraités ayant travaillé au Smic toute leur vie et ceux qui n’ont rien fait et touchent le minimum vieillesse, qui est de l’ordre de 900 € mensuels. Le système universel, qui veut valoriser le travail, creusera l’écart en garantissant un minimum de retraite nettement supérieur au niveau actuel. Il s’élèvera à 85 % du Smic net pour une carrière complète, contre 81 % pour les salariés dans le système actuel et 75 % pour les agriculteurs. Les gagnants seront les exploitants agricoles, dont au moins 40 % d’entre eux verront leur pension s’améliorer, les artisans commerçants et les personnes, souvent des femmes, qui ont durablement travaillé à temps partiel.
Pension de réversion
Le conjoint survivant ne recevra plus une fraction de la pension du conjoint décédé, mais une pension recalculée lui permettant de maintenir 70 % du niveau de vie du couple. Elle viendra supprimer les treize règles différentes existant actuellement. La condition de ressources sera supprimée, comme c’est le cas aujourd’hui dans le régime public. Les perdants seront les couples ou les conjoints qui ont des pensions similaires. Les gagnants seront ceux qui ont de faibles pensions au sein d’un couple avec de gros écarts ou les conjoints n’ayant pas travaillé.
Dans cette réforme, les divorcés ne bénéficieront plus de la réversion. Et les personnes retraitées avant 2025 conserveront le bénéfice de la réversion de l’ancien système, même si leur conjoint est décédé après cette date.
Majoration pour enfant
Une majoration de 5 % du nombre de points acquis sera attribuée dès le premier enfant et pour chaque enfant suivant, contre 10 % actuellement pour les parents de trois enfants et plus. Ces points pourront être partagés entre les parents ou donnés au père ou à la mère s’ils se mettent d’accord. A défaut, ils seront attribués à la mère. Cette mesure permettra de revaloriser les droits attribués aux foyers d’un ou deux enfants, notamment les familles monoparentales, qui sont désavantagées dans le système actuel.
Départs anticipés
Les fonctionnaires, au nom des «catégories actives» ou des salariés des régimes spéciaux, ne bénéficieront plus de départs anticipés. Cela représente plus de 80 % des bénéficiaires. Pour les autres restants, il est proposé de conserver les départs anticipés pour les militaires et les fonctionnaires ayant des «missions régaliennes» : policiers, pompiers, personnels pénitentiaires, contrôleurs aériens... Ces fonctionnaires pourront bénéficier, comme dans le privé, du compte de prévention de la pénibilité, qui leur sera étendu. Le travail de nuit sera pris en compte.
Les carrières longues devraient toujours bénéficier des mesures actuelles.
Période de chômage, maladie, maternité
Les périodes de chômage indemnisé, maternité, invalidité et maladie donneront droit à des points de solidarité, financés par l’impôt. Ils auront la même valeur que les points attribués au titre de l’activité. Pour la maternité et la maladie, ils seront calculés sur le montant du salaire de l’année précédente, pour le chômage, sur le montant des allocations.