Romain Godefroy explore toutes les saveurs des escargots
Héliciculteur à Sentelie, Romain Godefroy élève des gros gris qu’il transforme en diverses préparations pour les amateurs d’escargots.
Il n’a rien d’extraordinaire, ni de séduisant, mais a l’avantage de ne pas être dangereux. Non, il ne s’agit pas de Romain Godefroy, mais des escargots qu’il élève. «Pas besoin de stage de manipulation à la MSA pour l’élever sans s’exposer à des risques», plaisante l’éleveur d’escargots. Cet animal, qui nous vaut des quolibets et des haut-le-cœur de la part des Anglo-saxons parce qu’on les mange, a toujours suscité une grande passion chez Romain Godefroy. «J’aime cet animal et j’ai toujours adoré le manger», confie-t-il. Au point que, dès l’adolescence, il dévore des livres sur l’élevage des escargots et passe son temps à les ramasser.
Ce n’est point cependant dans cette branche qu’il va se diriger après un bac agricole. «J’aurais bien aimé être agriculteur, mais il n’y avait pas de ferme à reprendre chez moi, car si mes grands-parents et mon oncle travaillaient bel et bien la terre, mon père, lui, était électricien», raconte-t-il. Intéressé seulement par la nature, il lui faut donc trouver autre chose lui permettant de conserver ce lien avec elle. C’est un copain qui va le mettre sur le chemin de la forêt. Après un BTS forestier, Romain devient garde forestier pour l’Office national des forêts.
Durant une dizaine d’années, il gère l’abattage des arbres, leur replantation et les animaux qui peuplent les forêts. «C’est un métier diversifié, qui permet d’être tout le temps dehors et d’œuvrer à la gestion de la nature», raconte-t-il. De quoi satisfaire l’homme qui ne supporte ni d’être enfermé, ni le milieu urbain. La ruralité, qu’il considère comme «un art de vivre», est ancré en lui comme la coquille à l’escargot.
Mais l’évolution de la profession, où la part administrative prend de plus en plus de temps, ne répond plus vraiment à ses aspirations. Titillé aussi par l’envie de faire quelque chose par lui-même, il décide de changer de cap à la trentaine. C’est alors que sa passion pour les escargots revient sur le devant de la scène.
Un chemin semé d’embûches
Dans le cadre de sa reconversion, Romain suit une spécialité sur les escargots pour apprendre les rudiments de leur élevage, ainsi que le parcours d’installation jeune agriculteur. Mais étant en diversification pure, il n’a aucune aide Pac, ni DPI. Obtenir des prêts financiers de la part des banques se révèle être un véritable chemin de croix, car ce qu’il produit n’étant pas vendu d’avance, ces dernières peinent à lâcher le cordon de leurs bourses.
Autre difficulté : trouver un terrain dans une région à dominante céréalière est quasiment mission impossible. Et d’autant avec une production aussi atypique que la sienne, et peu prise au sérieux par les agriculteurs du coin. Après moult tentatives, il finit par trouver un terrain de 5 000 m2 à Sentelie sur lequel il va pouvoir démarrer son élevage.
Sur ce terrain, sont érigés des parcs extérieurs et des serres. Il s’équipe aussi d’un laboratoire et d’une grosse caisse réfrigérée. Coût de l’investissement : 80 000 euros. Un coût qu’il a réussi à réduire en réalisant lui-même la majeure partie des travaux. Il débute en 2007 avec 3 000 naissains d’escargots pour se faire la main. «Ce n’est pas si évident à élever, comme on pourrait le croire, car c’est un animal très fragile. La période critique est sous la serre quand ils sont tout petits. Puis, le moindre coup de froid peut les décimer en un rien de temps. Rien n’est jamais gagné», explique-t-il.
Si l’apprentissage se fait sur le tas et la constitution d’une clientèle prend du temps, Romain s’accroche. Pour se faire connaître, il intègre les réseaux Bienvenue à la ferme et Terroirs de Picardie, et fait les marchés. Sur sa ferme, il réalise de la vente directe et organise des visites pour expliquer aux curieux comment on élève des escargots. Dans son laboratoire, il expérimente les recettes qu’il met au point à base d’escargots. «Pour certaines, je n’invente rien, telles que les escargots à la crème d’ail. Pour d’autres, en revanche, je les ai créées de toutes pièces telles que les escargots à la fondue de poireaux. Là, je travaille sur une préparation à partir de crème de safran. Mais mettre au point une recette prend du temps», dit-il.
Des serres aux fourneaux
De 3 000 gros gris à élever, il est passé aujourd’hui à plus de 400 000. Mais le produit étant considéré comme festif, il voit la plupart de ses clients une à deux fois l’an. Les inconditionnels, eux, reviennent régulièrement. Entre ces clients-là et les restaurateurs, l’éleveur a désormais une activité viable. Certes, il ne fera jamais fortune avec celle-ci, mais là n’est pas son but ultime.
«J’apprécie d’être mon propre patron, comme de maîtriser le cycle de ma production de A jusqu’à Z, même si cela est très chronophage. Puis, chercher toutes les saveurs d’escargots possibles que l’on peut mettre au point est passionnant. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai appelé mon activité "Saveurs d’escargots"», dit-il.
Parfois, cet autre art de vivre qu’est la forêt lui manque. Alors, ni une ni deux, il fait un tour dans les bois, ce qui lui permet de repartir les batteries rechargées sur sa ferme. Mais, en aucun moment, il ne regrette le choix qu’il a fait. «Cela reste toujours une aventure», commente-t-il.
Le saviez-vous ?
Les naissains d’escargots sont placés sous serre pour débuter leur croissance. Ils sont sortis fin mai ou début juin pour poursuivre leur croissance dans les parcs extérieurs. Celle-ci s’achève fin octobre.
Les escargots sont nourris sur une base de colza et d’un complément alimentaire composé de céréales broyées avec 30 % de calcaire pour la coquille.
Pour en savoir plus : www.saveursdesescargots.com