Sana Terra : quel sera son cap pour les dix prochaines années ?
Quelle sera la stratégie de Sana Terra pour les prochaines années ?
Implantée dans des terres bénies par les Dieux, allant du Nord Amiénois au Santerre, et jusqu’à Albert, Sana Terra a parié, depuis sa création, sur la proximité avec ses adhérents et la qualité des cultures qu’elle collecte et commercialise. La qualité ? «On fait de la filière, soit du blé VRM Label rouge, du blé biscuitier ou encore du blé Camp Rémy, donc des variétés de très haute qualité. Toutes les céréales sont en CRC (culture raisonnée contrôlée, ndlr) ou Label rouge. C’est la marque de fabrique de la coopérative», précise Jean-François Florin, directeur de Sana Terra. «Dans les années compliquées, c’est là où la coopérative se différencie», ajoute Pierre Delignières.
Qui dit qualité, dit prix. Ainsi, bien que seulement 30 % de la production est vendue en début de campagne, la coopérative a choisi de fixer un prix d’acompte pour les blés plutôt élevé, soit autour de 140 €/t. Avec les compléments de prix aux livraisons pour la récolte 2017, les prix moyens des blés ont grimpé à 147 €/t, voire plus selon les qualités de blé (151 €/t pour le blé biscuitier et le blé VRM Label rouge et 186 €/t pour le blé Camp Rémy, par exemple). Au total, la coopérative a redistribué à ses adhérents 1,6 million d’euros.
Pour atteindre ce résultat, la coopérative recherche le coût d’intermédiation le plus bas possible, en grattant partout où cela est possible afin de bien rémunérer la production et acheter au plus bas prix les produits phytosanitaires et les engrais. Reste qu’une telle stratégie sera-t-elle encore tenable dans un environnement concurrentiel, avec de grandes coopératives tout autour, et l’épée de Damoclès qui pèse désormais sur toutes avec la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires prônée par le projet de loi Agriculture et alimentation ? Sans oublier la baisse du nombre d’exploitations agricoles dans les prochaines années.
Le plan stratégique de Sana Terra
Pour ce qui concerne d’éventuelles fusions avec d’autres coopératives, la réponse est non, «même si les demandes en mariage n’ont pas manqué. Une fois cela dit, nous sommes ouverts à tout partenariat tel que, par exemple, l’adhésion à une centrale d’achat pour l’approvisionnement ou la prise de parts dans des sociétés de semences», réplique Pierre Delignières.
Autre axe stratégique : le développement de la commercialisation des pommes de terre d’industrie (chips et frites), passée de 40 000 t en 2011 à 85 000 t aujourd’hui. L’objectif est d’atteindre les 100 000 t l’an prochain ou d’ici deux ans. «La commercialisation de la pomme de terre a marché, car nous payons à l’heure et avec de bonnes conditions de réception. Par ailleurs, c’est la coopérative qui négocie les contrats des agriculteurs avec les industriels. Et nous sommes très vigilants sur le choix des industriels. Compte tenu des résultats, nous souhaitons développer la pomme de terre, tout en maîtrisant le risque et en limitant notre endettement», détaille Jean-François Florin.
Traduction : cette activité est et restera «satellite», avec un développement progressif tout en douceur dans les prochaines années, sans empiéter sur celle des céréales. Quant à la possibilité de partir sur d’autres diversifications, «la réflexion est en cours, mais rien n’est abouti. De toute façon, on ne cherche pas à se diversifier de trop. Nous n’avons pas la volonté d’un développement à tout prix», indique le président de la coopérative. Affaire à suivre.
Pour se donner toutes les chances de creuser le sillon de la qualité et valoriser toujours plus la production de ses adhérents, la coopérative envisage de spécialiser ses technico-commerciaux sur des branches particulières (pommes de terre, bio, etc.), comme de professionnaliser ses équipes au sein des silos. Autre orientation : le développement de la collecte par un maillage de terrain complet afin de faciliter la collecte des productions et améliorer la distribution des produits phytosanitaires et des engrais. Cela passera notamment par la construction d’un nouveau silo «sur le long terme. Mais avant d’engager tout investissement à une date précise, nous attendrons de savoir ce que l’on va collecter», précise le directeur de la coopérative. Enfin, la coopérative envisage de développer la commercialisation des intrants à commander en ligne.
Séparation de la vente et du conseil
Reste qu’après l’échec de la commission mixte paritaire à s’entendre sur le projet de loi Agriculture et alimentation, le 10 juillet dernier, le texte repart à l’Assemblée nationale. Remis en débat lors de la rentrée parlementaire, le choix du Sénat - qui s’était prononcé contre la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires, contrairement à l’Assemblée nationale - a toutes les chances d’être remis en cause. «Si, au final, on ne peut plus vendre de produits phytosanitaires, le conseil seul ne comblera pas, à l’évidence, la perte de la marge dégagée par la vente. La question qu’il faudra alors se poser est la suivante : l’agriculteur aura-t-il besoin des mêmes services ? Ou partira-t-on sur une baisse des prix payés et des coûts de fonctionnement ?», s’interroge Jean-François Florin. Autrement dit, la balle sera dans le camp des agriculteurs si la séparation est votée.
Chiffres clés
4 métiers : collecte de céréales et d’oléoprotéagineux ; distribution de phytosanitaires et
d’engrais ; fabrication de semences et de céréales ; commerce de pommes de terre d’industrie
200 000 t de céréales
85 000 t de pommes de terre d’industrie
15 silos
650 actifs adhérents
63 M€ chiffre d’affaires, dont 30 M générés par les céréales et 11 M par la pomme de terre
36 salariés