«Savoir écouter le territoire rural pour répondre à ses besoins»
La Fédération régionale des MFR Nord-Picardie organisait la soirée de la Galette, à Amiens, le 28 janvier. L’occasion de faire un point sur ces Maisons avec son directeur régional, Pierre-André Leleu, et son président régional, Guy Martel.
Si la Maison familiale rurale est une vieille dame, qui fêtera l’an prochain ses quatre-vingt printemps au national (ses soixante-neuf ans dans la Somme, la première ayant été créée à Villers-Bocage en 1948, ndlr), elle a toutefois réussi à conserver une certaine jeunesse, grâce à sa mission de formation auprès de jeunes, au plus près des besoins du territoire. Une mission qui porte ses fruits au vu des taux de réussite aux examens, qui avoisinent les 85 %, toutes formations confondues.
Son autre force est d’avoir toujours travaillé en réseau sur des territoires géographiques cohérents. Ainsi, chez nous, elle n’a pas attendu que la nouvelle grande Région se mette en place pour œuvrer tant en Picardie que dans le Nord-Pas-de-Calais. «L’avantage, désormais, est que nous allons gagner du temps, car il n’y a plus qu’une seule Région, qu’une seule Chambre d’agriculture et qu’une seule Draaf», s’enthousiasme Pierre-André Leleu.
De nombreux projets en tête
C’est à la porte de cette Région qu’elle va d’ailleurs frapper dans les prochains jours pour lui présenter un plan quinquennal d’investissement. «Le plus urgent, pour nous, est la modernisation des bâtiments, particulièrement des internats. Certains ont besoin d’être mis aux normes, d’autres d’être reconstruits afin de pouvoir accueillir nos jeunes. Le financement est de taille, puisque la construction d’un internat représente un coût d’au moins deux millions d’euros», précise le directeur régional.
En ces temps de disette budgétaire, il faudra un art consommé de la négociation pour convaincre la Région d’ouvrir largement sa bourse. Une fois cela dit, le rôle des MFR, «savoir écouter le territoire rural pour répondre à ses besoins», comme le rappelle le président régional, Guy Martel, est un atout considérable au vu des préoccupations politiques sur la ruralité, préoccupations redoublées avec les résultats des dernières élections régionales.
Un autre objectif est la mise en place d’un plan triennal d’adaptation et d’évolution des formations dans la formation initiale. Pour la formation en apprentissage, un plan triennal est également en cours de réalisation. Un premier projet sera notamment déposé et soumis à la décision des élus, celui de la création d’un CAP Sapver (Services aux personnes et vente en espace rural) pour la MFR d’Avesnes-sur-Helpe. Un BAC Pro en agroéquipement pourrait s’ouvrir à la MFR de Saint-Sulpice (Oise), ainsi qu’une certification de spécialisation en élevage dans l’établissement de Songeons (Oise). «Les projets seront déposés au fur et à mesure que nous sentirons les besoins», souligne Pierre-André Leleu.
Traduction : le monde agricole est en pleine mutation. Aussi chaque MFR doit-elle s’adapter à cette évolution dans son devenir et ses projets, «le tout en adéquation avec notre réseau, comme avec la carte des formations agricoles», précise Pierre-André Leleu. «De toute façon, ajoute Guy Martel, on doit rester dans le coup. Même si l’agriculture évolue fortement dans ses pratiques, on arrive à suivre ses évolutions et à s’adapter en conséquence, grâce notamment à l’alternance, qui est un de nos piliers, et donc à nos maîtres de stage.»
S’ouvrir au monde et préparer l’avenir
Un axe incontournable sur lequel travaillent également les MFR est la mobilité, non seulement hors région, mais aussi en Europe, et à l’international pour les BTS. Cet axe participe, par ailleurs, au projet éducatif partagé incluant l’apprentissage de la responsabilité, du respect et de l’autonomie, ainsi que l’ouverture au monde et aux autres. «Pour la rentrée prochaine, nous avons la volonté de sensibiliser les jeunes apprenants à l’ouverture aux autres et au monde», indique Pierre-André Leleu. Un partenariat avec la Pologne est en cours de création : «Nous répondons à l’appel à projet Erasmus +, précise-t-il. L’objectif est d’envoyer une centaine de jeunes en stage pendant quelques semaines en Pologne.» Ce projet s’adresse aux Bac Pro et BTS.
L’accent sera également mis sur le «produire autrement». Un séminaire sera organisé sur le sujet à Amiens le 12 mars (le séminaire est organisé en interne, ndlr). «L’objectif, à travers des témoignages, des échanges, est de mieux intégrer l’agroécologie dans nos formations», détaille le directeur. Cinq formateurs vont également réaliser un stage au sein d’exploitations qui appliquent le principe d’agroécologie. «Nous travaillons aussi sur le thème du «consommer local», poursuit-il. Nous avons signé une charte de partenariat avec des sociétés de restauration afin que les MFR s’engagent à consommer local.»
Le numérique est, lui aussi, au cœur des préoccupations. «Il va prendre une place progressive dans les formations», assure Pierre-André Leleu, qui évoque la classe numérique de la MFR du Cateau-Cambrésis. En outre, les MFR mettent en place la plate-forme W-alter, un outil numérique au service de la pédagogie, qui doit notamment permettre de dynamiser et de favoriser la communication entre les différentes équipes.
Enfin, dernier élément marquant l’évolution des Maisons familiales et rurales, la volonté d’accompagner les jeunes ayant obtenu leur BAC ou leur CAP dans la réalisation d’une «année autrement». Loin l’idée d’une année sabbatique, c’est plutôt d’une année citoyenne dont il s’agit. «Ils seront suivis tout au long d’une année de cumul d’expériences professionnelles», explique-t-il. Un groupe de réflexion doit se mettre en place en septembre, qui permettra de mieux définir les modalités de ce qui pourrait être une belle parenthèse constructive dans la vie scolaire des jeunes apprenants.
MFR Nord-Picardie : chiffres clés 2015-2016
- 22 MFR réparties dans la Somme (7), l’Oise (3), l’Aisne (3), le Pas-de-Calais (6) et le Nord (3)
- 3 181 élèves
- 250 000 heures stagiaires
- 425 apprentis
- 4 000 familles
- 7 300 maîtres de stage
- 350 administrateurs
- 381 salariés/E.T.P.
- Résultats aux examens : 82 % en DNB, 88 % en CAPA BEP, 78 % en BAC Pro, 83 % en BTS,100 % en LIC et 87 % autres
- Mobilité européenne : 110 bourses mobilité convoitées en 2017-2018
Il était une fois les Maisons familiales rurales
Si les fondations de la première Maison familiale rurale ont été posées en 1937, à Lauzun, dans le Lot-et-Garonne, leur modèle d’éducation avait été pensé quelques années auparavant par le mouvement du Sillon et le Secrétariat central d’initiatives rurales (SCIR).
Le premier, créé par Marc Sangnier (un des promoteurs du catholicisme démocratique et progressiste, mais aussi pionnier du mouvement des auberges de jeunesse en France) pose les bases de la démocratie sociale d’inspiration chrétienne, en invitant les acteurs du monde rural à s’organiser en associations professionnelles et en syndicats agricoles. La volonté papale, en 1910, de transformer ce mouvement en «sillons catholiques» a mis un terme à la structure initiale, mais pas aux idées de Marc Sangnier.
Le second, le SCIR, dont l’objectif premier était de créer des syndicats professionnels agricoles, s’est emparé très vite de la question de la formation des enfants des agriculteurs. Ce sont eux qui ont porté l’idée d’une Maison familiale avec les valeurs qui définissent encore aujourd’hui les MFR : responsabilité collective et citoyenne, entraide, solidarité et éducation populaire.
Le socle du mouvement est la famille, le système pédagogique repose sur l’alternance, et les jeunes sont répartis en groupes restreints. Aujourd’hui, 430 MFR existent en France.