Se lancer en vente directe : les clés pour réussir
Manger local est devenu une réelle tendance qui a pu motiver, ces derniers mois, certains producteurs à initier une activité de vente directe sur leur exploitation.
La crise sanitaire liée à la Covid-19 et plus particulièrement la période de confinement qui a été associée, ont renforcé l’attrait des français pour les circuits courts et de proximité. En effet, depuis plusieurs années et encore plus ces derniers mois, le phénomène du «consommer local» fait de plus en plus d’adeptes. Les consommateurs plébiscitent davantage les produits frais, locaux, naturels et de saison, cultivés ou fabriqués près de chez eux. Cela traduit une recherche de qualité gustative et nutritionnelle des produits, un besoin de transparence et une envie de préservation de l’environnement.
Trois métiers en un
D’après le recensement agricole de 2010, 21 % des exploitations françaises ont déjà fait le choix de se lancer dans la vente en circuits courts de leurs produits. Se lancer dans un tel projet, c’est se lancer dans une aventure valorisante et passionnante, mais aussi très exigeante et difficile. En effet, il faut à la fois produire, commercialiser et parfois même transformer : soit trois métiers en un ! Il est donc essentiel de prendre le temps nécessaire en amont du projet afin de réfléchir à toutes les composantes de cette nouvelle activité.
Le premier conseil est donc de ne pas se presser ni de se lancer tête baissée ! Voici quelques clés et éléments de réflexion pour un démarrage réussi dans la commercialisation en vente directe :
1) Assurer des bases solides à son projet en réfléchissant à ses objectifs, ses motivations tout en intégrant ses attentes et contraintes personnelles : quelles sont mes envies ? mes valeurs ? Qu’est ce que je recherche dans ce projet ?… Il est important que cette nouvelle activité soit compatible avec l’organisation de l’exploitation et son environnement familial.
2) Se renseigner sur la charge de travail supplémentaire qu’une nouvelle activité pourra engendrer :
commandes, livraisons, temps passé à la vente, entretien, nettoyage et désinfection, gestion de son fichier clients, rédaction de newsletters, comptabilité… À noter que les activités de diversification sont assez chronophages et se déroulent la plupart du temps le week-end. Il est donc essentiel de se poser la question en amont de savoir s’il sera possible d’assumer cette nouvelle activité seul, ou si une embauche sera nécessaire ?
3) Se poser la question de l’impact du projet sur les plans juridiques, fiscaux et sociaux de mon exploitation. L’activité sera-t-elle encore agricole d’un point de vue juridique ? Quel régime d’affiliation ?
Faut-il créer une société ? Quelles taxes et imposition ? L’activité est-elle autorisée sur mon terrain d’implantation ? Il est également recommandé de faire un point avec le notaire concernant l’impact du régime matrimonial sur son activité.
4) Étudier la faisabilité technique, économique et commerciale. Pour cette dernière étape, une étude de marché pourra être réalisée. Elle n’est pas une science exacte, mais a pour but de rassurer, d’évaluer et limiter les risques, de réorienter parfois le projet. Elle permettra, entre autres, de vérifier que le projet répond à une demande des consommateurs du secteur, de connaître leurs attentes et de dresser un état des lieux de la concurrence proche. Une offre commerciale en découlera : quelles gammes de produits, quels clients cibles, quels prix, quels volumes potentiels… On associera ensuite à cette étude de marché, une étude prévisionnelle économique qui permettra, quant à elle, de calculer la rentabilité du projet en fonction des objectifs fixés.
5) Se renseigner sur les aides financières existantes : l’État, les Régions, les communautés de communes peuvent proposer différents dispositifs de financement. Il convient de connaître des conditions d’octroi de chacun de manière à s’assurer de l’éligibilité du projet. Attention, la plupart du temps les dossiers de demande d’aide sont à déposer auprès des financeurs avant tout démarrage de projet.
Les obligations réglementaires à respecter
Une fois les contours du projet dessinés et validés, il sera nécessaire de respecter différentes obligations réglementaires. De manière non exhaustive, en voici quelques-unes :
1. Les démarches spécifiques d’un point de vue urbanisme : En fonction du lieu de vente et des travaux éventuels, il sera peut être nécessaire de déposer une demande de permis de construire ou une déclaration préalable de travaux. À titre d’exemple, l’installation d’un distributeur automatique ayant une surface comprise entre 5 m² et 20 m² au sol, nécessitera le dépôt d’une déclaration préalable de travaux en mairie.
2. Le respect des normes de sécurité et d’accessibilité des Établissement recevant du public (ERP) : toute enceinte accueillant du public est considérée comme un ERP (ex : point de vente à la ferme, local abritant un distributeur automatique…). L’établissement devra ainsi être accessible aux personnes à handicap et en respecter les normes de sécurité et d’accessibilité : largeur de porte, largeur entre les allées, cheminement extérieur entre le parking et l’entrée, accessibilité à la caisse, nombre d’extincteur, panneau de consigne de sécurité… À noter que des démarches et autorisations spécifiques sont à effectuer auprès de la mairie.
3. Des déclarations spécifiques en fonction des produits vendus :auprès de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) pour les denrées animales ou d’origine animale, qu’elles soient transformées sur place ou simplement mises en vente ; auprès de la mairie pour la vente de boissons…
4. Le respect de la réglementation relative à l’hygiène des denrées alimentaires : notamment le respect de la chaine du froid, l’application des bonnes pratiques d’hygiène, la mise en place d’un système de traçabilité, de retrait/rappel de lots... Il conviendra aussi de rédiger un plan de maîtrise sanitaire et de suivre une formation à l’hygiène (obligatoire pour toutes les personnes manipulant des denrées alimentaires)
5. Le respect de la réglementation commerciale : panneaux de signalisation, affichage des prix, étiquetage de produits. Tous les produits vendus doivent être étiquetés conformément à la réglementation sur l’emballage. À noter que la dénomination de certains produits est soumise à conditions.
Enfin, il conviendra de mettre en place une communication efficace dans le but de se construire une clientèle et de la fidéliser. La création d’un logo et d’une charte graphique est une première étape indispensable. Ils pourront ensuite être déclinés sur différents supports : panneaux publicitaires, flyers, affiches, carte de fidélité, site internet, réseaux sociaux… L’adhésion à un réseau, comme Bienvenue à la Ferme, pourra également renforcer la communication existante, la visibilité de l’exploitation et représenter un gage de qualité pour les clients.
Ainsi, la commercialisation de ses produits est un métier à part entière qui ne s’improvise pas. Il faut savoir parler de ses produits, être en capacité de conseiller ses clients sur l’utilisation, la préparation de ses denrées, communiquer efficacement auprès de sa clientèle, tout ceci en étant en conformité vis-à-vis de réglementations diverses et variées. Suivre régulièrement des formations permettra alors d’acquérir des compétences techniques sur tous les aspects que la vente directe peut toucher.
La chambre d’agriculture accompagne les producteurs dans leurs démarches de création d’activité, en leur proposant un conseil individuel ou collectif (informations techniques, réglementaires, commerciales) ainsi que des formations. Un guide des formations est disponible sur le site internet de la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais.