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Série «les indispensables» : Sébastien Daguenet, le Jiminy Cricket des agriculteurs

Ils ne sont pas agriculteurs, mais sont pourtant indispensables aux exploitations. Sébastien Daguenet nous confie les subtilités du métier de conseiller d’entreprise.

© A. P.

Quand Sébastien Daguenet aide un agriculteur à définir son projet, le principal critère qu’il prend en compte est l’humain. «Nous avons une image de chiffres avant tout. En réalité, ils sont un outil qui permet d’optimiser la gestion de l’entreprise. Mais la réussite d’un projet repose surtout sur l’homme, ses envies, sa personnalité, ses compétences», assure le  conseiller d’entreprise, responsable développement du marché agricole au Cerfrance Somme.
Le fils d’éleveur, titulaire d’un diplôme d’ingénieur agricole, a l’avantage de connaître parfaitement le milieu. «Etre au courant des techniques agricoles est indispensable pour pouvoir cerner les faiblesses d’une exploitation.» Si le coût de production paraît élevé, par exemple, est-ce un problème de reproduction ? Ou une efficacité alimentaire à revoir ? Pour autant, il estime qu’une personne extérieure au milieu aura l’avantage de porter un regard neuf sur le sujet. L’humain derrière le statut de chef d’entreprise, lui, est toujours une nouvelle rencontre.
Pour cerner au mieux ses clients, le professionnel sillonne donc la campagne samarienne pour rendre visite aux agriculteurs dans leur exploitation. Un conseiller confirmé peut suivre soixante-dix clients. «Je passe au moins 70 % de mon temps sur le terrain. Voir les gens dans leur milieu permet de cerner leur fonctionnement, leurs contraintes… Une ferme encastrée dans un village n’aura pas les mêmes capacités de développement qu’une autre en plaine, par exemple

«Les croisières sans changement n’existent plus en agriculture, car le milieu connaît un véritable bouleversement.»

Le schéma de conseil a beau être toujours le même - définition du projet, élaboration du plan d’actions et suivi de ce plan - les journées et les missions, elles, sont très variées. «Le matin, je peux aller dans une ferme maraîchère d’un hectare, l’après-midi, dans une exploitation de polyculture de 400 ha, puis dans un élevage laitier de 90 vaches… C’est très intéressant, mais cela demande une bonne capacité d’adaptation.»
Les sujets sont aussi de toutes natures : installation d’un jeune, projet de diversification, suivi d’exploitation… «Même dans le suivi, on ne peut plus être en statu quo. Les croisières sans changement n’existent plus en agriculture, car le milieu connaît un véritable bouleversement.» La globalisation du monde, et donc la concurrence internationale, la numérisation et la robotisation et, enfin, les attentes sociétales qui s’accélèrent… «Dans un projet, ces facteurs sont forcément à prendre en compte.» Attention cependant à ne pas se perdre dans les données. Pour illustrer : «le robot de traite fournit une multitude de chiffres, mais tous n’ont pas besoin d’être consultés quotidiennement. Les plus utiles sont la production par vache et par jour, comme la fréquentation.»

Pas de boule de cristal
Mais pour orienter vers des projets à long terme, Sébastien Daguenet avoue qu’il ne dispose ni d’une boule de cristal, ni de recette miracle. «Il faut donc se tenir au courant des évolutions et ne pas hésiter à échanger entre collègues conseillers.»
Le professionnel repère les filières porteuses du moment. Celle de l’élevage avicole alternatif, par exemple, semble une opportunité à saisir pour les intéressés. «On sait qu’il y a une demande des consommateurs de poulets et d’œufs plein air et bio. Il y a aussi des acteurs locaux moteurs économiques. Encore faut-il que l’agriculteur soit attiré par cette forme d’élevage.»
Quel que soit le projet, le conseiller oriente néanmoins vers des choix qui ouvrent le champ des possibilités, et qui ne conduisent pas vers une impasse. «Les systèmes évolutifs permettent de pourvoir réagir plus facilement.» Les actuels débats sur l’utilisation des produits phytosanitaires, ou sur le bien-être animal, obligent les agriculteurs à revoir leur système. «Nous devons être pédagogues pour aider nos clients à se remettre en question.» Pour cela, la remise en cause du conseiller lui-même est toujours nécessaire.

L’œil de l’agriculteur
«Quand j’ai repris l’exploitation de mes beaux-parents en janvier 2016, tout était à revoir.» Pour que son projet d’installation puisse se réaliser, Thierry Goussard, polyculteur à Contre, près de Conty, avait bien besoin des précieux conseils de Sébastien Daguenet. Expert automobile à l’époque (il a conservé cette activité en double-activité), et non issu du milieu agricole, le tout nouvel agriculteur s’était bien rendu compte de l’ampleur du défi à relever. «Il y avait des évolutions à engager pour que l’exploitation soit à nouveau compétitive. J’avais besoin d’être aiguillé sur la manière de gérer et sur ce qu’il fallait anticiper…»
Le conseiller du Cerfrance Somme et le jeune professionnel ont vite repéré la nécessité de varier l’assolement, pour de meilleures rotations et plus d’efficacité en désherbage. Les 158 ha de blé, d’escourgeon, d’avoine et de petits pois se sont donc diversifiés avec du colza, des betteraves, de l’orge de printemps et du lin. Thierry Goussard ne vend plus à une seule coopérative comme autrefois, mais à trois différentes, qu’il considère comme ses partenaires. «Cela me permet, par exemple, de faire des appels d’offres pour l’achat de produits phytosanitaires.»
Sébastien Daguenet lui a surtout enseigné la rigueur, sans laquelle il n’aurait pu surmonter la première année de moisson catastrophique. «Avec du recul, c’était plutôt bien pour moi. Parce que cette mauvaise année de récolte m’a permis d’être plus performant les années suivantes.»
Aujourd’hui, le conseiller continue de suivre l’exploitation, qui ne cesse de se développer. Coup de téléphone à la moisson pour se tenir informé des rendements. «Sébastien Daguenet me connaît et connaît mes activités. C’est très important pour moi. Quand on parle de chiffre d’affaires de l’ordre de 200 000 , on ne peut pas prendre ça à la légère.» Le conseiller a notamment orienté le polyculteur vers un prestataire pour moissonner, car la moissonneuse-batteuse en leasing était un sacré coût, et l’achat pas du tout rentable après étude.
Ce que l’agriculteur apprécie particulièrement est la réactivité. «J’ai eu besoin d’acheter un tracteur d’occasion, et il fallait que je donne une réponse rapide au concessionnaire. J’ai préparé toute mes prévisions économiques, je les lui ai présentées et, dans la journée, il me répondait que l’investissement était intéressant pour moi.» Sûr que Sébastien Daguenet sera à nouveau sollicité pour la réalisation du prochain projet de construction de hangar, qui permettrait de stocker pour mieux vendre les productions.

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