Sur l’écologie et les territoires, le «en même temps» de Jean Castex
Fonctionnement des collectivités et environnement étaient au cœur de la visite du Premier ministre le 22 août dernier dans la Somme ; son premier déplacement dans les Hauts-de-France depuis sa nomination.
C’est entouré de la ministre de la Transition écologique, la samarienne Barbara Pompili et du secrétaire d’État à la ruralité, Joël Giraud que le Premier ministre Jean Castex est venu à la rencontre d’élus et de forces vives de la Somme le samedi 22 août. Au travers de ce déplacement, il s’agissait pour le chef du gouvernement de préciser sa vision de la gestion des espaces naturels et du rôle des collectivités locales autant que de leur organisation. Des sujets sur lesquels Jean Castex était visiblement attendus ; le premier compte tenu que le 22 août était aussi «le jour du dépassement» - la date à laquelle on considère que l’humanité vit «à crédit» par rapport à la planète -, et le second à quelques semaines des élections sénatoriales.
Castex le conciliateur
À Boves, au milieu des étangs de la réserve naturelle de Saint-Ladre, le Premier ministre était attendu par le président de la Fédération des Conservatoires et président du Conservatoire des Hauts-de-France, Christophe Lépine ; lequel n’a pas manqué de partager la manière dont il conduit la gestion des espaces naturels dont le Conservatoire des Hauts-de-France a la responsabilité : «concertation», «consensus et partage avec les habitants et l’ensemble des usagers de la nature». «C’est ce partage au service de tous et des habitants que nous avons voulu montrer au Premier Ministre, rappelait à l’issue de la visite ministérielle le président de la Fédération des conservatoires. La nature appartient à tous et nous, les Conservatoires d’espaces naturels qui sommes l’un des premiers gestionnaires d’espaces naturels en France, nous réussissons de nombreux défis pour des projets durables de territoires, parce que nous travaillons avec tous, en mêlant les enjeux économiques, écologiques, touristiques ou agricoles». Pour mémoire, à lui seul, le Conservatoire d’espaces naturels des Hauts-de-France préserve près de 500 sites dans la région.
«À l’écologie qui oppose, je préférerai toujours l’écologie qui rassemble car c’est comme cela que nous obtiendrons des résultats», a réagi Jean Castex. «Dans le cadre de ce défi majeur qu’est la transition écologique, la conciliation entre la préservation de la biodiversité et des activités économiques et des loisirs est possible. L’écologie a toute sa place dans les zones densément urbanisées comme les activités économiques et humaines ont toute leur place dans ce type de territoires».
Communes et intercommunalités complémentaires
Au sujet du rôle et de la place des collectivités dans le paysage national, c’est au siège de la communauté de communes Somme Sud-Ouest, à Poix-de-Picardie, que Jean Castex a détaillé sa manière de les considérer : «Il y a un mois et demi, j’étais à votre place», a-t-il dit, faisant référence à sa fonction de président de la communauté de communes Conflent-Canigó qui a précédé sa nomination au poste de chef de gouvernement. Une façon d’exprimer sa compréhension vis-à-vis des attentes des élus locaux ? Sans doute : «La porte d’entrée pour la résolution des problèmes, ce sont les territoires. Il faut leur faire confiance». Puis le Premier ministre s’est montré à l’écoute des relations parfois tendues entre communes et intercommunalités : «Les communes sont la base de la démocratie française et elles doivent le demeurer. Les intercommunalités, tournées autour des projets, permettent la mutualisation des moyens (...) Il ne peut pas y avoir d’opposition entre les deux».
Les ambitions «fortes» de Pompili
Le Premier ministre aura aussi profité de son déplacement sur les terres de sa ministère de la Transition écologique, Barbara Pompili – laquelle l’accompagnait tout au long de la matinée – pour saluer ses ambitions écologiques «fortes», avant d’assurer que son ministère bénéficierait d’une enveloppe de 30 milliards d’euros dans le cadre du Plan de relance doté de 100 milliards : «Il faut que nous ayons des ambitions fortes», a-t-il dit, avant de «saluer celles que porte Barbara Pompili». Une manière sans doute de réconforter une ministre contrainte de renier à déjà plusieurs reprises ses convictions personnelles et certains engagements qui ont précédé sa prise de fonction au ministère de la Transition écologique.
«Nous n’accepterons pas de nouvelles contraintes»
Parce qu’il était sans doute trop accaparé par le déroulé officiel du déplacement du Premier ministériel ou craignant de devoir se justifier lui-même son engagement en faveur du référendum d’initiative partagée (RIP) sur le bien-être animal, c’est à l’un des membres de son cabinet que le secrétaire d’Etat à la ruralité Joël Giraud a confié la responsabilité d’une entrevue (à huis clos) avec une délégation de la FDSEA et des JA de la Somme. Emmenée par Denis Bully, la délégation souhaitait notamment revenir sur des sujets d’actualité «brûlants» : «Forcément, estimait ce dernier à l’issue de la rencontre, le soutien du secrétaire d’Etat à la ruralité au RIP sur le bien-être animal nous interpelle. Il s’agit d’une provocation quand on connait l’attention que les éleveurs portent à leurs animaux. Il est hors de question que les éleveurs, mais plus généralement les agriculteurs, se voient imposer de nouvelles contraintes alors qu’ils font des efforts constamment pour respecter la réglementation et répondre aux attentes de la société».
La délégation samarienne s’est ensuite émue d’un «abandon de la fonction régalienne de l’État», prenant exemple sur le rôle récent de l’association L214 dans la divulgation des conditions d’élevage dans une exploitation du sud de la France. Président de la section chasse et dégâts de la faune sauvage de la FDSEA 80, Denis Delattre a quant à lui souligné l’inquiétude du monde agricole face à la prolifération de certaines espèces et les dégâts causés dans les parcelles agricoles. Secrétaire générale de la FDSEA, Marie-Françoise a alerté la représentante du cabinet de Joël Giraud sur le contexte pesant d’agribashing. Enfin, restait aux représentants des JA de la Somme et des Hauts-de-France, Edouard Brunet et Guillaume Clop, à rappeler leurs inquiétudes sur le foncier et le renouvellement des générations en agriculture. Pour Denis Bully, la rencontre avec le cabinet de Joël Giraud s’est déroulée dans un esprit «d’écoute», sans forcément de réponses sur l’ensemble des sujets abordés : «Nous avons été assurés de l’engagement pour la ruralité du secrétaire d’Etat étant donné son passé d’élu local, mais aussi que son engagement sur le RIP ne voulait pas forcément dire qu’il y adhère complètement...». Suffisant ?