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Tassement des sols dans les Hauts-de-France : le point avec Jean-Pascal Hopquin, directeur d’Agro-Transfert

Le 11 septembre, à Villequier-Aumont, Agro-Transfert organise un colloque sur la problématique du tassement des sols. Le point sur le sujet avec son directeur, Jean-Pascal Hopquin.

«C’est la conjonction de l’humidité du sous-sol et de la répétition du passage de machines lourdes en surface qui provoque le tassement des sols.»
«C’est la conjonction de l’humidité du sous-sol et de la répétition du passage de machines lourdes en surface qui provoque le tassement des sols.»
© F. G.

Quel état des lieux avez-vous dressé sur le tassement des sols dans les Hauts-de-France ?
Nous avons réalisé un diagnostic en 2014-2015. Si celui-ci révèle  des situations contrastées et variées sur le territoire, il démontre cependant la présence de tassements significatifs des sols en dessous de 30 à 40 cm de leur profondeur, particulièrement dans des types de sols fragiles (limons, limons sableux) et des cultures nécessitant le passage d’outils lourds.
Et ces tassements, qui gênent l’enracinement des cultures, peuvent porter des atteintes au potentiel agronomique dans un cas sur deux. Le paradoxe, c’est que l’on valorise tellement ce potentiel qu’on le réduit par le tassement des sols. On relève, par ailleurs, d’importants décrochages dans certaines parcelles, certes minoritaires pour le moment, mais la tendance est bien là. On commence même par avoir des tassements au printemps, à la reprise des terres, alors qu’avant, ce phénomène s’observait plutôt à la fin de l’automne. Cela est dû au fait que les chantiers d’implantation et d’épandage deviennent de plus en plus lourds. Tous ces constats sont à l’origine de l’organisation de ce colloque, car il est temps de réagir face à ce problème.

Quelles sont les filières les plus touchées ?
Cela concerne toutes les filières où des intégrales, des automotrices et des bennes de plus en plus lourdes pour le débardage sont utilisées. La filière la plus exposée est la filière betteravière, celle en fait où l’on a les plus forts tonnages à sortir.
En pommes de terre, bien que les machines utilisées soient plus légères, les sols étant de plus en plus affinés au moment de la plantation, ces derniers sont moins porteurs. Du coup, cela transmet le poids vers le bas. En outre, comme les sols sont arrosés tout l’été et les machines plus lourdes pour la surface des sols, les tassements s’accentuent. De fait, cette filière est très exposée également au tassement.
Cette problématique se retrouve aussi dans la filière légumes. Et, en situation de sol humide, les industriels peuvent demander à leurs prestataires de poursuivre les récoltes pour respecter le planning des usines. Or, ces conditions météorologiques peuvent accentuer le phénomène.
Enfin, on observe également des phénomènes de tassement des sols dans des zones d’élevage, lors des épandages de fumier ou de lisier, notamment au printemps.

Quels sont les facteurs à risque du tassement des sols ?
Il n’y a pas des facteurs isolés. C’est, en fait, la conjonction de l’humidité du sous-sol et de la répétition du passage de machines lourdes en surface qui provoque le tassement des sols.

Les machines sont-elles toutefois un facteur de risque de poids ?
Tout le matériel qui dépasse dix tonnes par essieu fait courir un risque. Or, aujourd’hui, les machines peuvent avoir jusqu’à vingt tonnes par essieu. Une fois cela dit, ce qui est le plus pénalisant est la combinaison du poids des machines avec les dates des plannings des chantiers, fixées à l’avance, sans prise en compte des conditions météorologiques et du sol.
Par ailleurs, cette question des machines est difficile à résoudre, car ce sont des micro-marchés détenus essentiellement par des petits constructeurs. Or, quand ces derniers lancent des machines, il leur faut des années pour les amortir. Il leur est donc difficile de changer la donne rapidement. Pour l’heure, ils cherchent donc des systèmes d’adaptation sur les machines produites, en attendant de pouvoir en construire de nouvelles plus légères. Autre facteur d’inertie : l’écosystème, agriculteurs - entreprises de travaux agricoles - industriels, a optimisé son fonctionnement en fonction de ces machines-là.

Quelles sont les pistes de travail et les stratégies à mettre en œuvre pour réduire le tassement des sols ?
Face à cet écosystème, il faut trouver un compromis entre tout le monde. Tout le monde doit revoir son organisation. Les fabricants doivent s’atteler à construire des machines plus légères. Quant aux industriels, ils devraient donner un peu plus de souplesse à leurs plannings en tenant compte des conditions météorologiques. Enfin, pour ce qui est des agriculteurs, dans certains cas, ils peuvent être amenés à revoir leur organisation. Certains pensent revenir aux chantiers de récolte décomposés ou aux automotrices pour que moins de dégâts soient produits en sous-sol, mais cela est contraignant tant sur le plan du matériel que sur le plan de la main-d’œuvre. La solution passera par le collectif pour construire des scénarios avec des outils de pilotage afin de limiter les préjudices.
L’autre piste est celle de la rotation. Il y a certaines successions de cultures (betterave, pomme de terre, légumes) qui sont à risque. L’effet d’accumulation est très rapide et empêche toute régénération des sols entre deux cultures. Il faut laisser du temps à la terre pour se régénérer. L’une des solutions que l’on teste concerne les cultures intermédiaires avec des systèmes racinaires profonds (cultures à pivot). Cela peut apporter une amélioration, mais ne résout pas totalement la régénération des sols.
Dans les cas extrêmes, on peut mettre en place durant deux ou trois ans des cultures pluriannuelles de type luzerne et faire l’impasse sur les autres cultures. Mais il est vrai que cela induira un préjudice économique non négligeable. Quoi qu’il en soit, il faut agir.

Evaluer l’état du sol

Trois méthodes sont à portée des agriculteurs. La première, la plus simple, est un pénétromètre, soit une tige à enfoncer dans le sol dans des conditions humides favorables. La résistance qu’on rencontre en enfonçant la tige permet d’évaluer le tassement. La seconde est la bêche. Pour ce faire, l’agriculteur doit établir un protocole de prélèvement du sol avec une bêche et regarder l’activité des vers. La troisième est le profil avec un chargeur télescopique, permettant de ressortir une tranche de sol à 40 cm et d’établir un mini-profil en 3D.
Par ailleurs, Agro-Transfert met au point un outil qui modélise le tassement. Son principe ? A partir du poids de la machine, de la taille des pneus, des caractéristiques du sol et de son humidité, le simulateur donne le niveau de risque du tassement. L’outil sera prêt d’ici un à deux ans.

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