Témoignage de Francis Parmentier, maraîcher dans les hortillonnages
Un maraîcher des hortillons, quoi de mieux pour illustrer l’agriculture urbaine ? Francis Parmentier, l’un des sept encore en activité, témoigne.
Une fable pour enfant conte que les garçons naissent dans les choux. Francis Parmentier s’amuse à assurer que, pour lui, c’est presque la réalité. «Dès les premiers jours de ma vie, mon berceau était posé au milieu d’une parcelle, dans notre hortillon* familial. Ma mère ne s’arrêtait de cueillir les radis que pour me donner à manger», livre-t-il.
Francis est aujourd’hui l’un des sept maraîchers professionnels - ils étaient un millier il y a encore quelques dizaines d’années - installés dans un hortillon. Le sien est composé de treize îlots, dont le plus petit fait 500 m2, pour une superficie totale de 2,5 ha. Un cadre idyllique, entre canaux et flore, nommé le Port à fumier, à Camon. Alors pourquoi si peu de professionnels ont-ils persisté ? «Les conditions particulières des hortillonnages rendent le travail physiquement très dur», avoue-t-il.
Pour 10 kg de marchandise, sept manipulations sont nécessaires, entre le chargement des plants dans la barque, la plantation, la récolte, le conditionnement, le chargement des légumes, le déchargement à nouveau… «Septembre, période la plus productive où nous récoltons trente à trente-cinq légumes différents, est le mois le plus éprouvant.» Seul l’hiver permet un peu de repos. Et encore… Le travail de défrichage se réalise lors de cette période creuse. Car les terres des hortillons sont aussi généreuses pour les légumes que pour les adventices. «Pour venir à bout des herbes, il faut se retrousser les manches jusqu’aux épaules», image Francis.
Ajoutez à cela les nuisibles qui prolifèrent dans les parcelles en friche, comme les pigeons et les poules d’eau, friands des pousses des hortillons. Cette année, les cultures de Francis ont aussi été victimes d’un épisode de grêle le 20 mai. «J’ai perdu 35 000 salades et mes serres de tomates ont été remplies de 20 cm d’eau.» Pour réparer les dégâts, le maraîcher a pu compter sur l’aide des voisins, qui espèrent bien voir l’activité perdurer.
Pour réduire la pénibilité au travail, Francis a pensé à la mécanisation. Il avait même fait construire une planteuse à salades transportable en barque et adaptée aux îlots. «Mais, seul, les recettes ne permettent pas d’amortir le coût d’une telle machine. Le fonctionnement type Cuma n’est pas non plus possible, car les fenêtres de météo pour planter ou récolter sont très petites. Nous avions tous besoin de la machine en même temps.»
Mécanisation impossible
Alors pour valoriser le travail, les maraîchers diversifient plutôt les modes de commercialisation. Marchés sur l’eau, du Col vert, Léon Blum… Des contrats sont aussi signés avec le supermarché E.Leclerc de Rivery et prochainement avec l’Intermarché de la Vallée des vignes, à Dury. Francis Parmentier, qui ne traite plus depuis quatre ans, espère enfin obtenir sa labellisation bio.
La préoccupation du professionnel se porte en ce moment sur l’installation de sa fille. Un projet coûteux puiqu’un hortillon se vend 6,50 e le m2, soit 65 000 e l’hectare. «Un hortillon viable économiquement doit être d’au moins 1,80 à 2 ha.» Amiens métropole, propriétaire d’une partie des hortillonnages, loue donc des parcelles pour aider les maraîchers.
* NB : les hortillonnages sont les 300 ha de parcelles et de canaux répartis dans les communes d’Amiens, Camon, Rivery et Longueau. Un hortillon est l’exploitation des maraîchers, composée de plusieurs îlots.